Présentation
Le camarade Morsu nous a transmis cette contribution que nous publions au titre de la discussion nécessaire sur l’analyse du conflit en Ukraine.
Contribution de P. Morsu
La revue Lutte de Classe n°227 a publié un texte intitulé « L’ex-Secrétariat unifié face à la guerre en Ukraine ». N’étant pas membre de cette organisation et étant par ailleurs opposé au mot d’ordre « d’écosocialisme » dont celle-ci a fait son objectif central, je pourrais ignorer ce long réquisitoire.
Malheureusement ce texte vise bien au-delà. Il vise en fait les militants révolutionnaires qui se positionnent en soutien au peuple ukrainien et à lui seul.
On comprendra donc les raisons de cette réponse.
Lire la suite : le texte complet au format PDF
Sommaire du texte :
1) La nature de l’État de Poutine
2) Retour sur la question nationale
- Rappels nécessaires
- La question ukrainienne – rappels
- A propos de l’usage de la langue ukrainienne
3) Et l’OTAN ?
- « Sans l’Ukraine la Russie cesse d’être un empire »
- Tournant au Kremlin
- Et l’Ukraine ?
4) La guerre en cours
- « L’agresseur impérialiste est la Russie, pas l’Otan »
- Quelle politique face à Zelensky ?
- Vessies et lanternes
- La nature de la guerre
- La question des armes
5) Défense de l’Ukraine !
Quelques extraits significatifs du texte en question :
« Une étape décisive fut franchie quand le pouvoir ukrainien bascula du côté occidental en 2014. Le Kremlin répliqua en amputant l’Ukraine de la Crimée, puis d’une partie du Donbass, où Kiev lança une guerre de reconquête avec l’appui militaire croissant de l’Occident. Kiev se montrant de plus en plus impatient d’intégrer l’Union européenne et surtout l’Otan, Poutine attaqua l’Ukraine, le 24 février.
Par rapport aux camps en présence, sur fond de crise mondiale qui s’aggrave et de tensions grandissantes entre l’impérialisme et des pays, Chine et Russie, qui ont les moyens économiques, étatiques, militaires, démographiques de ne pas se soumettre entièrement à lui, comment se positionne le principal courant de ce qui se présente comme la IVe Internationale ?……
…. Maintenant, le SU décrit la Russie comme un régime capitaliste et impérialiste. Pourtant, nulle part à notre connaissance il n’a pris la peine d’expliquer de façon convaincante comment, d’une URSS qui venait d’éclater et dont l’économie se trouvait en ruine, aurait pu surgir un État capitaliste développé, impérialiste au sens où les marxistes l’entendent. Il y a plus d’un siècle, quand Lénine a caractérisé l’impérialisme comme le stade suprême du capitalisme, il se fondait sur l’analyse des transformations survenues au sein du capitalisme et du nouveau mode de domination mondiale qui en résultait, en liaison avec l’exportation de capitaux dont les bourgeoisies des pays les plus riches ne trouvaient plus à tirer assez de profit à domicile.
La société et l’économie russes actuelles ne sont pas les produits de l’évolution organique du capitalisme parvenu au stade impérialiste. Certes, la Russie « investit » dans l’espace ex-soviétique, et surtout là. Car elle y est poussée par des motifs d’abord politiques, et non par les impératifs de la reproduction élargie du capital, comme les pays impérialistes d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord.
Et cela se vérifie de bien des façons. Ainsi, depuis qu’il est parvenu au sommet de l’État russe, Poutine déplore, périodiquement et en vain, la fuite des capitaux organisée par les nantis russes. À tel point que, pour moderniser son économie, la Russie dépend du bon vouloir intéressé des trusts occidentaux. Résultat : ce pays de 150 millions d’habitants, qui a hérité une certaine base économique de l’URSS, a un PIB voisin de celui de l’Espagne, trois à quatre fois moins peuplée. Résultat plus inquiétant dans la guerre du Kremlin en Ukraine : la Russie, reléguée au rang de pourvoyeuse de matières premières dans la division mondiale du travail, dépend en partie de firmes occidentales pour se procurer des composants indispensables à son industrie d’armement «
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« Certes, la Russie « investit » dans l’espace ex-soviétique, et surtout là. Car elle y est poussée par des motifs d’abord politiques, et non par les impératifs de la reproduction élargie du capital, comme les pays impérialistes d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord. » (D.)
Je ne comprends pas bien la distinction entre « motifs politiques » et « impératifs de la reproduction élargie du capital ». De ce que j’en comprends, le régime de Poutine, c’est le régime des oligarques russes (donc d’une partie importante de la bourgeoisie russe). A l’est de l’Ukraine, il y a d’abondantes ressources en lithium qui n’ont été identifiées que depuis environ dix ans. Ça et les terres fertiles, ça a de quoi ouvrir l’appétit des détenteurs de capitaux occidentaux comme orientaux, il y a d’ailleurs un lien de causalité direct entre le projet d’accord d’association Ukraine-UE (centré sur le lithium!), le Maïdan et le déclenchement de la guerre en 2014.
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La position de LO rapportée par Morsu, selon laquelle l’URSS reste un Etat ouvrier dégénéré malgré les contre-révolutions du temps d’Elstsine et Poutine, peut aboutir à favoriser la Russie dans tout conflit qu’elle aurait avec l’impérialisme américain, donc à une position campiste. C’est le grand danger actuel.
Néanmoins, même en considérant l’URSS comme un Etat ouvrier très dégénéré, on pouvait soutenir des soulèvements et courants anti-Moscoutaires (Yougoslavie titiste 1948, Budapest et Varsovie 1956, Tchécoslovaquie 1968, Solidarnosc polonais en 1980, revendications chinoises sur la frontière sibérienne et dans les échanges avec l’URSS, revendications des Tatars de Crimée, etc).
Enfin, au point de vue théorique, cette théorie de développement « non conforme au développement organique du capitalisme », pourrait s’appliquer au cas de la Chine capitaliste après le maoïsme.
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La Chine n’a pas connu son 1991, elle reste un Etat bureaucratique c’est à dire une dictature SUR le prolétariat, mais la propriété nationalisée reste encore largement majoritaire, de même les propriétés publiques au niveau des régions, la planification
est impérative, le yuan toujours in convertible et cette réalité qui échappe au capital financier US est insupportable pour les Etats-unis, confrontés à la crise mortelle de leur système, d’où leur agression vis à vis de la Chine.
Cela dit, les centaines de millions de travailleurs chinois, attachés à leurs conquêtes font peur , notamment à Xi Jinping, qui, contrairement à Poutine, fait toujours référence à Lénine, Marx, l’Internationale, le drapeau rouge, le parti « communiste », ce qui est une preuve supplémentaire que la Chine n’est toujours pas un pays capitaliste et donc encore moins impérialiste ( au sens de Lénine).
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La Chine a évidemment connu des processus voisins de ceux de l’URSS avec les « 4 modernisations » lancées par Deng.
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Les capitaux chinois asservissent, entre autres, les travailleurs d’Afrique subsaharienne de la même manière, avec le même racisme sous-jacent que les capitaux occidentaux. Les références au communisme de la dictature totalitaire ne sont pas un hommage que le vice fait à la vertu. Au contraire, elles contribuent à décrédibiliser l’idée de communisme.
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Le résultat, selon Wikipedia (il faudra trouver des sources plus autoritatives) :
« La croissance rapide du secteur privé a atrophié l’importance des actifs d’entreprises publiques pour passer de pratiquement 99 % à la fin des années 1970 à 25,2 % en 2013, notamment car leurs résultats sont demeurés bien inférieurs aux sociétés comparables du secteur privé ».
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La grande différence étant qu’au contraire de l’URSS, le parti de la bureaucratie ne s’est pas disloqué mais s’est mué en parti des exploiteurs, en instrument de l’exloitation féroce des prolétaires chinois (le covid ayant été utilisé pour fliquer un pays entier). Ceci étant la Chine est un autre sujet.
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Concernant LO leur position contre-révolutionnaire doit bien être mesurée comme un tournant dans leur propre histoire, après des décennies d’hibernation.
J’ai beaucoup apprécié le texte de P. Morsu en tant que texte se situant sur le terrain de ce que l’on pourrait appeler l’ « orthodoxie trotskyste » mais exploitant les textes et positions réelles de Lénine et de Trotsky, contre le campisme et en faveur du soutien à la résistance ukrainienne. Cela dit, je pense que cette orthodoxie elle-même doit être reconsidérée à la lumière et de l’histoire présente, et d’une connaissance complète de l’histoire passée. Lénine dès 1919 a une attitude colonialiste de facto sur l’Ukraine, car il s’aligne sur son appareil, appareil d’Etat russe, et il n’écoute pas les avertissements que lui prodiguent les bolcheviks indépendantistes ukrainiens, Shakraï et Mazlahk. Il est urgent aujourd’hui d’étendre les connaissances des espèces d’héritiers que nous sommes à ces pans cachés de l’histoire réelle que furent ces courants, ainsi que les borot’bistes, que Vinnychenko, et les oukapistes. La formation d’une bureaucratie impériale est vérifiable dès le printemps 1919, au plus tard, en Ukraine …
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Perspective intéressante. En amont, quelle analyse de Cronstadt fait Aplutsoc?
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Chose importante, Aplusoc essayant de se définir et de fonctionner comme « centre politique » (posant la question du pouvoir en France, celle d’une stratégie révolutionnaire au plan international, et assumant tout le bilan du mouvement ouvrier révolutionnaire), ne souhaite pas avoir de position arrêtée sur tous les moments du passé, car la possession affirmée d’une vérité achevée par une organisation sur ces sujets n’est pas la méthode efficace pour avancer. Tout cela pour dire que nous n’avons donc pas, en tant qu’Aplutsoc, de position sur Cronstadt, ce qui ne veut pas dire qu’on n’y réfléchit pas et donc des points de vue à ce sujet peuvent s’exprimer. En l’occurence, dans mes articles sur les « Etats ouvriers », s’exprime une position assez réaliste je pense sur la Russie rouge dès 1918-1919, certainement pas un modèle, mais aussi sur Cronstadt, qui n’a été un soulèvement libertaire qu’après coup et de manière assez largement fantasmée, et qui, dans la pratique, aurait été un « Thermidor à chaud » – ce qui ne justifie pas l’ampleur effarante de la répression qui, elle, fait partie du « Thermidor à froid » immédiatement engagé en terminé en 1923-1924 … Mais j’y insiste : ceci n’est pas un point de vue officiel, mais une contribution à la réflexion pour s’approprier nos combats passés.
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Ne t’inquiète pas, je ne crois en aucune vérité révélée, et c’est précisément le fait qu’il y ait ici une véritable recherche (orientée vers l’action) qui m’intéresse. Je vais lire les articles auxquels tu fais référence.
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