A propos – Janvier 2023

Présentation

L’AG statutaire d’Aplutsoc (Arguments Pour la Lutte Sociale) publiant le blog aplutsoc.org, s’est tenue le dimanche 22 janvier 2023. Après discussion et amendements, le texte de référence a été adopté à l’unanimité des participants.

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Ce qu’est Aplutsoc

Texte de référence adopté à l’AG du 22 janvier 2023

Aplutsoc (Arguments Pour la Lutte Sociale) est un centre politique qui publie des analyses, des propositions d’action, des mots d’ordre, élabore des perspectives politiques, et les met en débat auprès des exploités et des opprimés et du public militant.

Dans l’histoire du mouvement prolétarien révolutionnaire, les centres politiques, généralement sous la forme de comités éditoriaux, parfois de manière plus informelle, ont joué un rôle décisif. Ainsi, l’on peut dire que Marx et Engels furent, de 1846 à leur mort, un tel centre politique, de même que le journal l’Iskra qui structura la social-démocratie révolutionnaire de Russie, ou encore que le Comité français de la III° Internationale qui a accouché du communisme français d’avant le stalinisme. C’est un travail historique utile et digne d’intérêt que d’établir le rôle clef généralement joué, à l’accouchement des principaux courants et organisations de notre histoire, par cette forme politique. Mais son peu de codification et la pression exercée par la forme, distincte et opposée, dite « forme léniniste d’organisation » et qu’il est plus juste d’appeler le faux parti-fraction, ont limité la prise de conscience de cette histoire.

Le faux parti ou embryon de parti, sous la forme de la fraction instaurant préalablement une discipline statutaire en son sein, et faisant du programme – et généralement d’une bibliothèque programmatique censée représenter sa « continuité » – un grigri, par lequel il se distingue du mouvement réel de notre classe et s’oppose à lui, s’est imposé comme forme obligée de la plupart des courants se voulant révolutionnaires à la suite du stalinisme puis de la seconde guerre mondiale. Ce schéma s’exprime dans une prolifération de fractions-sectes diverses. Elles veulent être, par leur discipline, l’embryon du futur parti, et elles sont tenues en main par des directions elles-mêmes organisées en fractions disciplinées, érigées envers et au-dessus de leurs propres organisations. Cette forme joue un rôle parasitaire qui fait obstacle à la construction d’une Internationale et de partis révolutionnaires, c’est-à-dire d’une Internationale et de partis démocratiques représentant, dans la pluralité de leurs courants, le mouvement réel de la majorité du genre humain, le prolétariat [1].

Un centre politique est à la fois moins et plus qu’une fraction-secte : il ne prétend pas à la discipline de celle-ci, mais il tente de façonner une conscience collective par le contenu de l’orientation qu’il met en œuvre et en discussion. Il ne se prend pas et il n’entend pas agir comme s’il était le noyau en modèle réduit d’un futur parti révolutionnaire homogène, mais il tente de féconder le mouvement réel pour aller vers un parti révolutionnaire démocratique et, par-là, efficace, pour permettre au prolétariat de vaincre le capital et ses États.

Un centre politique doit avoir un débat totalement libre et ouvert, mais il est plus qu’un simple cercle de discussion car il s’attache, sur la base d’une orientation pour l’immédiat, à impulser ou à organiser des actions effectives axées sur une perspective politique. Nous résumons cette orientation et cette perspective, et donc notre méthode, dans les quatre points suivants.

Premièrement, la crise climatique et biologique globale causée par la production capitaliste a déjà instauré une situation sans retour en arrière possible, qui par elle-même conduit à un emballement destructeur pour la majorité du genre humain et des milieux naturels. La révolution prolétarienne, au XXI° siècle, est donc une question de survie à laquelle nous sommes acculés. La négation de la crise de la biosphère par l’essentiel des organisations du mouvement ouvrier fait partie de leurs échecs ayant les plus graves conséquences. L’effet de serre a été compris et prédit au XIX° siècle, le rapport Meadows The limits to growth date de 1972, le GIEC existe depuis 1988, et des centaines de millions d’humains savent qu’ils souffrent de la crise bio-géoclimatique depuis plusieurs décennies. Les exigences de la survie mettent et vont mettre en mouvement des centaines de millions d’humains. La limitation des dégâts à venir et l’adaptation rationnelle à ceux déjà produits sont incompatibles avec la poursuite de l’accumulation du capital.

La jeunesse ne se bat plus directement pour un monde meilleur, mais pour sauver le monde humain (et du coup, le rendre meilleur s’il est sauvé). Nous ne sommes pas que dans une époque de guerres et de révolutions, nous sommes dans l’époque de l’effondrement géo-bioclimatique et guerres et révolutions en dépendent. La dimension écologique n’est ni un supplément, ni un domaine supérieur, elle est le fond et la base montantes des enjeux révolutionnaires d’aujourd’hui.

Deuxièmement, il ne s’agit pas pour des révolutionnaires efficaces d’inventer le mouvement réel des luttes sociales et des luttes humaines pour la survie, qui est de toute façon là, ni de lui imprimer des formes artificielles, ni de l’éduquer par un contenu anticapitaliste qu’il n’aurait soi-disant pas, encore moins de plaquer sur lui, et finalement contre lui, un vocabulaire et une imagerie qui nous seraient propres.

Il faut l’aider à aller de l’avant sur la base de ce qu’il contient déjà, en reliant les revendications, écologiques, économiques, démocratiques, féministes … (qui, en fait, sont toujours les quatre à la fois) invariablement à une seule et même conclusion : la prise du pouvoir par le prolétariat, c’est-à-dire la réalisation de la démocratie par la destruction des appareils d’État (bureaucratie, armée, police, « organes spéciaux » …) du capital et de leurs principaux relais (Bourse, médias …), et leur remplacement par des formes élues, démocratiques, à tous les niveaux : conseils, communes … et au niveau national : assemblées constituantes réellement souveraines, donc non octroyées par un pouvoir déjà en place, ni surplombées par un appareil d’État.

Cette méthode en France, où nous nous trouvons, conduit à rechercher systématiquement une perspective politique conduisant au renversement du pouvoir exécutif du capital, qui est ici la présidence de la V° République, de son régime et de son appareil d’État bonapartiste et préfectoral. Cela par la centralisation politique des luttes sociales, clef de leur généralisation, et par l’unité, dans cette perspective, des organisations issues de leur histoire. La question du pouvoir n’est ni un horizon lointain « anticapitaliste » toujours repoussé, ni une affaire de combinaison électorale lorsque le calendrier institutionnel l’impose. Elle est la réalité présente.

Troisièmement, cette méthode politique que nous venons de résumer, vaut pour tous les États du monde, bien entendu dans le cadre de leurs spécificités propres. Il n’y a pas d’États non-capitalistes, ou dotés d’on ne sait quelle vertu « anti-impérialiste ». La nécessité de donner forme au mouvement réel déjà existant en l’aidant à se centraliser sur la question du pouvoir et de la réalisation de la démocratie par la destruction de l’appareil d’État du capital vaut partout et appelle l’élaboration par la discussion d’une stratégie révolutionnaire internationale.

Ce simple constat exclut donc tout « campisme » [2] et englobe les luttes de libération, notamment nationales, de tous les opprimés. Il est nécessaire à une analyse concrète de la réalité internationale présente, celle du « monde multipolaire » d’affrontements, de partages et de repartages du monde entre puissances impérialistes dont font partie la Chine et la Russie, «monde multipolaire» qui constitue la barbarie moderne opposée aux mouvements révolutionnaires d’aujourd’hui qui balayent le monde entier. Il est donc nécessaire que les courants, mouvements, tendances … qui combattent l’ordre impérialiste réel notamment par le soutien à la résistance armée du peuple ukrainien se rapprochent par et dans l’action commune et la discussion sur la stratégie révolutionnaire.

Quatrièmement, envers tout l’héritage programmatique de l’histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire (donc du marxisme, de l’anarchisme, des courants trotskystes, syndicalistes, socialistes-révolutionnaires …), nous entendons éviter tout fétichisme aussi bien que toute légèreté : nous prenons tout cet héritage au sérieux, nous voulons favoriser sa réappropriation comme étant un moyen important de conscience, de lutte et d’organisation, mais en relation avec l’action dans le monde présent, avec le programme immédiat dans le concret dont les trois points précédents posent le fondement, sans bien entendu mettre un point final à son élaboration et à son évolution permanentes. La théorie est un guide pour l’action à condition qu’elle y puise son contenu.

Des individualités diverses, formées par des héritages politiques divers, y compris au plan philosophique, religieux, culturel, national …, peuvent et doivent s’associer dans l’action commune et la libre discussion en apportant leurs contributions et leurs colorations au mouvement d’ensemble auquel nous voulons contribuer.

D’un simple comité éditorial informel, Aplutsoc, en raison de l’augmentation progressive du nombre de camarades participants et surtout en raison de l’impact de ses analyses et de l’intérêt qu’elles peuvent susciter, dans une situation dominée par le reclassement international – ruptures et unifications ‒ que doit imposer la lutte contre le « monde multipolaire » impérialiste affirmé depuis février 2022 et la défense de la résistance armée du peuple ukrainien, est donc conduit par ce texte, pour s’agrandir, être plus efficace et participer à ce reclassement nécessaire, à préciser ce qu’il est en tant que centre politique.

En conséquence, les membres d’Aplutsoc se reconnaissent dans les quatre points énumérés ci-dessus, ils discutent entre eux de leur mise en œuvre, ils discutent et défendent les perspectives politiques portant sur la question du pouvoir politique à laquelle elles mènent, ils agissent en fonction de ces perspectives et de cette méthode dans les mouvements sociaux, syndicats et organisations politiques où ils sont amenés à intervenir, et ils subviennent par une cotisation aux besoins d’Aplutsoc, dont les modalités de fonctionnement sont précisées dans les statuts et le RI.

Notes

[1] Prolétariat. Celles et ceux qui doivent vendre, ou tenter de vendre, leur force de travail, pour vivre.

[2] Campisme. Attitude politique consistant à soutenir un État ou un « camp » impérialiste contre les autres, notamment la Chine ou la Russie, en le considérant « plus progressiste » ou « moins réactionnaire ». Cette attitude s’oppose à celle considérant que tous les États actuels de la planète représentent des variantes du capitalisme. Elle fait barrage à la lutte pour la révolution prolétarienne mondiale entraînant la fin du capitalisme, et retarde ou empêche cette dernière.

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