Carte : état de la pénurie de carburant dans les stations au 09/10/22.
Remarquable histoire. La direction de Total fait état de « résultats exceptionnels ». Le premier groupe pétrolier français continue à exercer en Russie et ses relations avec le régime de Poutine sont l’un des ingrédients de ses « résultats exceptionnels ». Face à l’inflation et à ces résultats, les travailleurs de chez Total et d’autres géants de la branche veulent des hausses de salaires. Quand la direction annonce une hausse de seulement 4% sans négociation, c’est la goutte d’eau. Les grèves démarrent le 20 septembre dans les raffineries d’Exxon-Mobil, le 27 septembre chez Total. Le 29 au soir, les assemblées de grévistes décidaient de partir en grève illimitée, organisée souvent sous forme de roulement. A Notre-Dame de Gravenchon, Fos-sur-Mer, Gonfreville-L’Orcher, les raffineries sont à l’arrêt, et à La Mède, Flandres, Feyzin où le service expéditions se met en grève aussi, Grandpuits, il n’y a aucune sortie de produits ou bien des expéditions très dégradées. Un mouvement non généralisé mais puissant dans tous les établissements touchés.
Bien. Mais personne, pendant des jours et des jours (incluant la journée d’action du 29 septembre) ne le sait en dehors des travailleurs concernés. Pas de réaction du patronat du secteur. Silence du gouvernement. Black-out médiatique. Et aussi culture de l’isolement et du « on fait tout tout seul en contrôlant tout » de la FNIC-CGT (Fédération des Industries Chimiques).
Sauf que progressivement monte la rumeur, tout à fait fondée : il y a de moins en moins de carburant, des stations services sont en difficulté ! Hé oui, quand ceux qui produisent les marchandises et font circuler le capital sont en grève, cela a des effets très concrets. Ces effets arrivent et montent en puissance.
Arrive alors le moment où le gouvernement doit parler. Et que dit-il ? Qu’il ne se passe rien ! Que les pénuries sont des rumeurs ! Qu’il n’y a que quelques petites grèves pas bien graves et des remises sur les prix chez Total qui produisent des queues ! Que tout va s’arranger !
Et chaque fois que le gouvernement annonce que tout va s’arranger, effet garanti : tout s’aggrave.
Et chaque fois qu’il appelle, tel un général russe, à ne pas paniquer, monte l’inquiétude dans le pays !
Donc, enfin, et il était temps, on sait qu’il y a une vraie grève dans les raffineries !
Il va bien falloir que Total et Exxon négocient des hausses de salaire, et vite – c’est 12,5% que réclament souvent les assemblées et piquets de grévistes (10% tout de suite demande la CGT-Total-Energie). C’est à ce moment là qu’intervient Laurent Berger, dirigeant de la CFDT, qui appelle à arrêter cette grève (dans laquelle il n’est vraiment pour rien !), qui serait une « grève préventive » (?), et donc soi-disant pas justifiée. Juste avant que Total négocie peut-être, si cela ce n’est pas aider les patrons à limiter les hausses de salaires …
Et surtout, alors que la très grande majorité ne veut pas de sa « réforme » des retraites, c’est tenter d’aider Macron à franchir le moment présent où ce mouvement dans les raffineries, une vraie grève, et la montée (tout aussi tue médiatiquement pour l’instant !) de la grève en préparation pour le 18 octobre dans l’enseignement professionnel public, indiquent la voie à suivre, certainement pas celle de la « concertation sur les retraites » !
Hep, Philippe Martinez, Frédéric Souillot, y’a quelqu’un ?
Dernière minute : deux sites belges sont bloqués par un millier de travailleurs, de syndicalistes, avec leurs familles, depuis deux nuits, à Feluy et à Wande, en relation avec le mouvement qui se produit en France.