Le fait dominant de la situation politique française semble bien être l’affaiblissement avéré de Macron sitôt réélu. Parlant du choix du futur premier ministre, le Canard Enchaîné de ce mercredi affirme : “ … l’affaire vire au casse-tête”. Rumeur non démentie, le président aurait sollicité Valérie Rabault, présidente du groupe parlementaire PS, qui a refusé. C’est dire l’ouverture des options et la fragilité du dispositif : Macron n’a toujours pas stabilisé de parti présidentiel dominant et implanté dans le pays. C’est une fédération de groupes “macroniens” et non pas un parti qui se dessine sur la base de la mise au rebut d’une grande partie des députés-zombies de la législature qui s’achève, avec, d’ores et déjà, conflit officieux, mais conflit ouvert, entre Macron et Édouard Philippe, qui vient de mettre en garde le premier, actant son échec à avoir relancé les moteurs de la V° République en mode « jupitérien » : “Quand le président se mêle de gouverner, il se plante.”

La cause de cette situation tient dans les rapports sociaux et les luttes sociales. Avant, pendant et après la présidentielle, la lame de fond des grèves économiques pour les salaires, aggravée par l’inflation galopante, ne s’est pas arrêtée. Le 10 avril, la combinaison entre presque 28% des inscrits en abstentions, blancs et nuls, et la poussée du vote Mélenchon à presque 22%, indique le mécontentement social, la recherche d’une issue et la répugnance devant les conditions d’un tel scrutin.

S’il était prévisible que J.L. Mélenchon et les appareils des partis issus du mouvement ouvrier ou occupant l’espace laissé par ceux-ci (du PS au NPA en passant par EELV et le PCF) allaient devoir, suite aux conditions de ces présidentielles, définir une forme d’alliance dominée par le premier aux législatives, reconnaissons que ce fut un coup de maitre de sa part de placer le tout sous le mot-d’ordre : « moi, premier ministre ». Le message est double : aux couches militantes et à son électorat du premier tour, J.L. Mélenchon se présente comme le seul recours possible, à Macron il signifie : vous êtes légitime, vous êtes là pour 5 ans.

Mais s’il est possible qu’une alliance derrière Mélenchon emporte les législatives, alors il est possible d’avoir une majorité voulant affronter Macron pour bloquer les attaques contre le droit du travail, la sécu et les services publics en exigeant du président qu’il se soumette ou se démette, ouvrant ainsi un processus constituant dans le pays !

Ce n’est pas ce que veut faire J.L. Mélenchon. La réalisation de l’unité par en haut répond à un besoin objectif largement ressenti mais elle se fait dans ce cadre. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la FI a passé un accord avec le PS qui doit être validé par son conseil national, un accord avec EELV, un accord avec le PCF, un accord avec Génération.s, sans oublier une composante issue du macronisme autour du député anciennement LREM Aurélien Taché, les « Nouveaux démocrates ». Le NPA en discute également. Par une certaine ironie rusée de l’histoire, le passage à vide de Macron réélu a vu J.L. Mélenchon se faire le « maître des horloges » de la situation politique française, puisqu’à défaut d’être premier ministre le voila déjà proconsul à l’opposition de gauche, laquelle se concentre aujourd’hui même sur … un conseil national du PS fort de ses 1,7% aux présidentielles, auquel 70 circonscriptions sont dévolues par l’accord passé au sommet.

Dans la V° République, surtout depuis la combinaison entre le quinquennat et le calendrier les plaçant après les présidentielles, œuvre de l’exécutif de cohabitation Chirac/Jospin (dont J.L. Mélenchon était ministre), les législatives devraient être l’appendice des présidentielles. Une chose est sûre : ce ne sera pas le cas. Les mêmes raisons qui nous ont conduit à nous prononcer pour le boycott de cette présidentielle nous conduisent à agir en faveur d’une défaite électorale de Macron en juin, ce qui passera généralement par l’élection des candidats des partis affiliés à la « Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale » (mais pas des ci-devant macroniens parmi eux), et forcément aussi, par le combat pour que les députés, ou un maximum d’entre eux, soient bien des députés, mandatés par en bas et non par en haut.