Lula, grand personnage brésilien, qui fut successivement dirigeant des syndicats liés à l’État dans la métallurgie de Sao Paulo, leader gréviste, dirigeant du PT (Parti des Travailleurs), président du Brésil appliquant une politique capitaliste-libérale pendant 10 ans, emprisonné au moyen d’affaires de corruption résultant de cette politique, et à présent candidat à défaire le président fascisant, obscurantiste et climatosceptique actuel Bolsonaro, déclare :
« Ce type est aussi responsable de la guerre que Poutine. » « Ce type, c’est Zelenski : « aussi responsable » que Poutine. « On dirait qu’il fait partie d’un spectacle. (…) Il devrait être à la table des négociations. » Ah bon, parce qu’il y a des négociations ? Lula dit encore plein de choses, mais n’a pas un mot pour les ukrainiens bombardés, tués, torturés, violés.
Jorge Maria Bergoglio, grand personnage argentin, provincial des jésuites à l’époque de la dictature en Argentine, leader du courant ecclésial de la « théologie en faveur des pauvres » visant à faire barrage à la « théologie de la libération », devenu sous le nom de François le premier pape non européen de l’époque contemporaine, déclare – après avoir le jour de Pâques animé un chemin de croix fortement critiqué par les catholiques, orthodoxes et gréco-catholiques d’Ukraine, qui mettait Russie et Ukraine sur le même plan :
« Je dois d’abord aller à Moscou, je dois d’abord rencontrer Poutine » (avant de rencontrer Zelenski, qui, lui, le lui propose). Il précise que « la seule chose que l’on puisse imputer à l’Ukraine, c’est sa réaction dans le Donbass ». Ah bon ? Et il ajoute que l’attitude de Poutine a un motif : « l’aboiement de l’OTAN aux portes de la Russie ». Aboiement …
Tel historien argentin se réclamant du trotskysme est en pâmoison devant les propos du pape, « plus à gauche » que les trotskystes internationalistes qui se prononcent pour le soutien à la nation ukrainienne contre l’impérialisme russe !
Voici donc une touchante unanimité : un ancien dirigeant ouvrier, figure centrale du social-libéralisme mondial, le pape, et des petits courants se prétendant trotskystes. Sans oublier Jair Bolsonaro lui-même, au fait, qui se dit « neutre » sur ce conflit, qui ironise, comme Lula, sur « le comédien » Zelenski, après être allé voir Poutine juste avant la guerre, célébrant leurs « valeurs communes » telles que « la croyance en Dieu et la défense de la famille » et le remerciant pour son soutien à la « souveraineté du Brésil » en Amazonie, c’est-à-dire à la destruction de la forêt amazonienne par les firmes capitalistes aussi bien transnationales que brésiliennes. La touchante unanimité est donc complète.
Nous avons là une illustration de la réalité du campisme. Ce que tous ces grands de ce monde, suivis par tel courant « trotskyste », défendent là, c’est le « monde multipolaire », capitaliste et impérialiste. Ceux qui dénoncent les « alliés de l’OTAN » sont les social-patriotes d’aujourd’hui, pour qui les adversaires du nouvel ordre impérialiste sont des agents de l’étranger. Les héritiers de Zimmerwald, trotskystes ou non, sont ceux qui défendent l’armement du peuple ukrainien. En Argentine et au Brésil aussi -et là aussi, ce soutien à l’ordre mondial impérialiste tel qu’il devrait selon eux évoluer, l’ordre des Poutine, des Xi, des Trump et des Bolsonaro, est le visage de la véritable union sacrée avec le capital.
VP.