La réflexion politique entre plusieurs militants commence dans ma circonscription, le député sortant étant Nicolas Dupont Aignan (Secteur géographique Yerres-Crosne-Montgeron-Brunoy-Vigneux sur Seine). Partons de l’essentiel : la poussée à gauche dans le pays qui se traduit électoralement par le score de Mélenchon au premier tour et une abstention importante. Dans les campagnes électorales présidentielles précédentes, le mouvement social disparaissait ou se mettait en sourdine. Tout est conditionné par le rouleau compresseur des institutions la Vème République. La gauche historique porte la responsabilité d’avoir accompagné cette situation, elle en paye le prix aujourd’hui. PS : 1,7%, PCF :2,31%. Situation sans précédent : dans cette campagne les luttes se développent, dans de nombreuses entreprises, les travailleurs obtiennent ainsi des augmentations de salaires. Mieux, entre les deux tours, voici le mouvement de la jeunesse universitaire et le début du blocage des facultés qui s’invite. Le samedi 16 avril, de fortes mobilisations de la jeunesse se sont tenues contre le vote Le Pen et le fascisme. La mobilisation s’organise en France contre la guerre et pour la défense des droits du peuple ukrainien à décider de son destin. Inédit et cela inquiète fortement ceux et celles qui ne pensent qu’à travers les règles électorales.

Mr Dupont Aignan s’est affirmé dans la région Val d’Yerres, face à l’effondrement de la gauche historique : il a mis en place ses hommes dans la circonscription. Damiati à Crosne, dans une ville que les petits marquis de banlieue du PS pensaient imperdables. Vigneux-sur-Seine, commune populaire qui était communiste depuis la Libération. Ces élus souverainistes favorisent le vote Le Pen contre Macron. Toutefois sur notre circonscription, Dupont-Aignan perd significativement des voix, tandis que Mélenchon arrive en tête par rapport à Macron. Le vote dans la commune populaire de Vigneux sur Seine, ancienne mairie communiste, place Mélenchon en tête par rapport à Dupont Aignan, l’ami de Marine Le Pen. (1)  Sur le second tour, une seule position est possible : ni Le Pen, l’amie de Vladimir Poutine qui allume une guerre impérialiste meurtrière aux portes de l’Europe, ni Macron, le liquidateur des acquis sociaux et démocratiques, fondés par la lutte de nos aînés contre le fascisme hitlérien et français de Pétain et exprimé par le Conseil National de la Résistance. Ces acquis de civilisation ont été amputés par la gauche, puis par la droite, sous Sarkozy et maintenant par Macron, il faut en finir définitivement.

Venons-en aux législatives : nationalement, l’Union populaire vient d’envoyer une lettre au PCF et à EELV proposant l’unité dans le cadre d’un parlement qui deviendra celui de la nouvelle Union populaire et du programme de la formation majoritaire, à savoir la FI, et chaque groupe ou parti pourra trouver sa place et y défendre son point de vue. Trois députés communistes de Seine Saint Denis, dont Marie Georges Buffet, se prononcent en faveur de ce nouveau front de gauche aux législatives. D’une certaine manière, nous voilà en face d’une nouvelle mouture de Front de Gauche.

Rassembler n’est possible qu’à une seule condition, rejeter ce qui divise : le combat pour une majorité parlementaire contre le régime, ne peut se faire que sur une ligne et une seule : le rejet de l’élection du président au suffrage universel direct, cœur des institutions de la Vème République. Nous voulons une République démocratique et sociale, dans laquelle l’exécutif est contrôlé par les élus du peuple. Une république qui nous restitue pleinement nos services publics, notre droit à la santé, nos écoles, nos droits à la retraite à 60 ans, et qui reprenne la main contre le néo-libéralisme. Un tel front ne peut avoir pour trait d’union que l’affirmation de l’illégitimité du président élu, donc du régime.

Une majorité parlementaire unie sur cette base, ne reconnaissant plus la légitimité du président, devra s’engager dans la voie de la convocation d’une assemblée constituante souveraine, première pierre de la nouvelle république, dont nous voulons nous-mêmes tracer les contours. Donc appel à la mobilisation citoyenne, intégrant les partis bien sûr, mais s’adressant à la mobilisation du plus grand nombre pour changer les règles du jeu.

La reconnaissance de la légitimité du président pose la question de la cohabitation, si Macron est élu. Nous ne soutiendrons pas la ligne d’une quelconque cohabitation avec Macron. Marie Georges Buffet et ses co-signataires expliquent : « [la main tendue de l’Union populaire] permet enfin d’ouvrir pour les cinq ans qui viennent, la constitution d’un puissant pôle de résistance et de riposte aux politiques antisociales, discriminatoires et anti-écologiques qui seraient conduites par une majorité et un gouvernement autour du (de la) président(e) élu(e). » Autrement dit, l’élection de Macron avec un taux d’abstentions qui va vraisemblablement croître au deuxième tour, sera-t-elle considérée comme légitime durant 5 ans ?

Autre exemple à méditer :

Elisa Martin,(2) première adjointe au conseil municipal de Grenoble qui vient de rompre avec le maire Eric Piolle, déclare dans l’édition du 15 avril du Dauphiné libéré :

« Il faut arriver à convaincre tous ceux, qui par désespoir ou par colère, font l’erreur de penser qu’on peut voter Marine Le Pen contre Macron. Il faut leur dire qu’il y a d’autres moyens d’exprimer sa colère : la rue, le prochain 1er mai, les législatives. Il faut leur dire que l’heure est grave… »

Déclaration intéressante car elle place les législatives sous la pression de la montée en puissance du mouvement social, mais elle ajoute :

« Nous à l’Union populaire, on peut retirer des voix au RN, en s’exprimant. Mais ce n’est pas à nous de faire tout le job. Ne serait-ce pas à Macron et aux macronistes de faire le boulot maintenant en s’adressant au peuple de gauche ? Moi j’attends encore un message fort, mais je constate qu’il n’est pas encore venu ? En fait, je crois qu’Emmanuel Macron n’a pas compris que l’heure était grave pour la France… les signaux envoyés par la macronie sont très faibles… »

Si on lit entre les lignes, cela veut dire : attention à gauche, après le score obtenu par Mélenchon au premier tour, ça pousse fort. Les manifestations de samedi dans la jeunesse ouvrière en sont le témoignage, de même que les occupations des universités par les étudiants. Monsieur Macron, vous devez donner des billes à l’Union Populaire. Nous reconnaîtrons votre légitimité, mais ouvrez le jeu en notre direction. La survie de la Vème République est à ce prix ! Accepterez-vous de cohabiter ?

Or les pouvoirs conférés au président dans la constitution lui donneront toute possibilité de poursuivre ses contre-réformes néo-libérales, en particulier une nouvelle offensive contre les retraites, le saccage des services publics, la liquidation des libertés démocratiques et les dangers d’une nouvelle guerre impérialiste en Europe, ouverte par l’autocrate Poutine contre les droits du peuple ukrainien. Que va faire Macron et les forces économiques qui le soutiennent face à une nouvelle offensive de l’impérialisme russe contre l’Ukraine, avec le danger d’utilisation de l’arme nucléaire par le régime de Poutine ? C’est une question qui requiert une réponse aujourd’hui, pas dans 5 ans. Enfermer cette opposition parlementaire dans une cohabitation revient à accepter ce que le président s’échinera à faire. Nous avons trop le souvenir de la cohabitation Chirac-Jospin, où la stratégie de la « gauche plurielle » a servi de base de manœuvre à l’application des contre-réformes. Je rappelle, contrairement à ce que Mélenchon a expliqué sur les 35 heures, pour justifier une cohabitation, que globalement le gouvernement Jospin a privatisé mieux que la droite. Ce qui a conduit à la situation de la présidentielle de 2002, où le Front National passe la barre du second tour.

Combattre pour une Constituante, c’est écarter l’écueil de la cohabitation avec Macron. Ouvrons la discussion. Il faudra porter cette discussion au cœur de la nouvelle Union populaire…

RD, le 17 avril 2022.

Notes :

1-Dupont-Aignan s’effondre à 6,4 %, l’électorat d’extrême droite a préféré l’original, le RN, à la copie (15,95%). Une forte poussée populaire sur Vigneux sur Seine (4872 voix) permet de placer Mélenchon à 28%.

2-Rappelons que la ville de Grenoble a été gagnée par un rassemblement sur la ligne stratégique du Front de Gauche en 2014.