Un souvenir de jeunesse révolutionnaire…
Faisant référence à la guerre civile espagnole de 1936 dans sa chanson Maria, Jean Ferrat écrivait :
« On vit l’Espagne rouge de sang
Crier dans un monde immobile… »
Le monde immobile était en fait très actif : l’Espagne révolutionnaire réclamait à corps et à cris des armes, des tanks, des avions, des auto-mitrailleuses pour faire face à l’aide apportée par Mussolini et Hitler aux franquistes. Le gouvernement de Front Populaire (en France) céda aux pressions du parti radical ; Léon Blum versa des larmes dans un grand meeting à Luna Park le 6 septembre 1936 sur le sort des malheureux espagnols qui affrontaient la bête immonde avec de pauvres moyens. La Gauche Révolutionnaire de Marceau Pivert malgré tout réussit à faire passer par les Pyrénées de l’armement léger, tandis que l’escadrille Malraux, formée de vieux chasseurs conduits par des brigadistes français et italiens, après quelques victoires surprises, échoua face un ennemi mieux armé. Staline envoya des armes de la première guerre mondiale, dont des fusils démunis de culasses, en échange de l’or de la République espagnole qu’il détroussa. Il se consacra surtout à tirer dans le dos de l’avant-garde révolutionnaire, faisant éliminer des dirigeants du mouvement anarchiste et du POUM. La politique du PC espagnol pèsera de toutes ses forces pour pousser un mouvement socialiste évoluant à gauche pour une politique d’Alliance Ouvrière, et sur le POUM, vers un accord avec le petit courant républicain bourgeois qui, sur le terrain de la guerre civile, ne représentait quasiment rien. Trotsky dira : « l’ombre de la bourgeoisie ». Militairement et politiquement, le prolétariat était désarmé par le Front Populaire.
J’avais cru comprendre que, dans ma génération, celle qui commence sa vie politique en 1968 sur le terrain du trotskysme, nous étions contre la politique de la non-intervention et nous disions que l’écrasement du prolétariat espagnol marquait le véritable point de départ de la seconde guerre mondiale. Je me souviens qu’à l’époque Alexandre Sanguinetti, dirigeant du parti gaulliste, expliquait sur un plateau de l’ORTF, que la victoire de Franco était le vrai début de cette catastrophe mondiale.
L’éditorial du POID…
Face à la politique criminelle du régime autocratique de Poutine déniant à l’Ukraine le droit d’exister comme nation, de disposer de son propre destin, la solidarité internationaliste s’impose. Il n’y a pas aujourd’hui, dans la crise du mode de production capitaliste, qu’un seul impérialisme, le nôtre. Le fait de combattre notre propre impérialisme ne nous exonère pas de combattre les autres. Lorsqu’une organisation se réclamant du trotskysme, le POID, écrit :
« La politique de Macron forme une totalité. Alimenter la guerre par le doublement des livraisons d’armes à l’Ukraine, par les sanctions contre la Russie, par la réforme des retraites pour financer le budget militaire en France, c’est frapper la classe travailleuse. Macron, chef de guerre adjoint de Biden dans le cadre de l’OTAN, et Macron, chef de guerre sociale en France, c’est un seul et même adversaire des travailleurs. »
La guerre défensive menée par la résistance ukrainienne est juste. Il y a des guerres justes, on a appris cela dans le marxisme. De plus ce sont les unités territoriales qui résistent, composées par qui ? Sinon par la population laborieuse, c’est-à-dire par le prolétariat, touché dans ses conditions de survie élémentaires. Si ce dernier n’a pas à sa disposition une représentation politique exprimant ses intérêts de classe, il n’en est pas moins la classe sur laquelle le gouvernement Zélensky s’appuie par la force des choses. Pour nous, militants français et européens, la solidarité internationaliste a un contenu concret, celle bien sûr d’organiser des manifestations devant les ambassades russes dans toute l’Europe les 23-24 avril, appelée par de nombreuses associations, collectifs ou unions syndicales, mais aussi de prendre clairement position pour l’armement du prolétariat. Où la population ukrainienne et son gouvernement peuvent-ils trouver des armes, sinon sur le marché des capitalistes qui les fabriquent. Que les gouvernements impérialistes, dont celui de Macron, vendent des armes, c’est dans leur nature. Le gouvernement légal de l’Ukraine les achète pour pouvoir se défendre. Ils en ont besoin. Un peuple se défend pour survivre et pour la reconnaissance de son identité nationale, c’est un droit imprescriptible de la démocratie la plus élémentaire.
Nous sommes effectivement en train de « basculer dans une économie de guerre », comme le note l’éditorialiste du POID.
C’est à peu près le seul point sur lequel il a raison. Posons la question de fond : quelle doit être la politique de ceux qui ont encore la volonté de reconstituer le prolétariat comme classe révolutionnaire ? Trotsky avait, sur la base de son expérience de dirigeant mondial, commencé à répondre à cette question dans les dernières semaines de sa vie, alors que le monde sombrait dans la catastrophe mondiale. La PMP ou Politique Militaire Prolétarienne : dans un contexte de militarisation de la société, il n’y a pas d’autre issue pour les exploités que de s’armer, d’apprendre à utiliser les outils pour faire la guerre, sous la responsabilité d’officiers issus de leurs rangs, pour reprendre à la bourgeoisie la direction des affaires militaires. C’est l’orientation concrète que le mouvement lui-même prend dans une situation d’occupation par les troupes de Poutine et de type génocidaire contre la population civile. Trotsky, mais très peu les trotskystes, avait tiré cette conclusion de la guerre civile espagnole ; il fut rejoint ensuite des éléments minoritaires de la IVème Internationale par rapport à la résistance ouvrière contre Pétain et le nazisme, puis au moment de l’effondrement du nazisme dans la question grecque à la Libération…
Aujourd’hui ce problème est posé concrètement en Ukraine. Refuser à la population et au prolétariat ukrainien le droit souverain de s’armer pour défaire son envahisseur, ce qui implique aussi la fraternisation avec les opposants russes à Poutine, c’est TRAHIR !
Robert Duguet, le 15 avril 2022
Document – Éditorial du numéro 331 de la Tribune des Travailleurs (POID)
« Une économie de guerre » et ses conséquences
La France – et les pays voisins – est en train de basculer dans « une économie de guerre ». Ainsi s’exprime Patrick Artus, économiste réputé de la banque Natixis.Qu’est-ce que l’économie de guerre ? Artus la définit comme une combinaison de la hausse des dépenses publiques (militaires, en particulier), la rareté de certains produits et l’aggravation de l’inflation (supportée par les travailleurs) que la banque centrale laisse filer. C’est dans ce contexte, souligne Artus, que Macron s’apprête à « reporter l’âge de la retraite pour réduire les dépenses publiques de retraite, retrouver alors des marges budgétaires et les utiliser… ».
C’est un fait : la volonté de Macron de repousser l’âge du départ à la retraite a un rapport direct avec la guerre. Rien de surprenant : en politique extérieure comme en politique intérieure, Macron représente les intérêts de sa classe. Toutes les occasions lui sont bonnes pour accroître l’exploitation et remettre en cause les droits ouvriers.
En période de guerre, Macron veille à assurer les débouchés de l’économie d’armement. Selon le rapport de l’Institut international de recherche de la paix de Stockholm publié ce 14 mars, les exportations d’armement des États-Unis ont augmenté de 14 % en dix ans, celles de la France de 59 %. À eux seuls, ces deux pays – les premier et troisième exportateurs mondiaux d’armes – représentent la moitié des exportations d’armement du monde entier. On comprend leur acharnement à souffler sur les braises…
La politique de Macron forme une totalité. Alimenter la guerre par le doublement des livraisons d’armes à l’Ukraine, par les sanctions contre la Russie, par la réforme des retraites pour financer le budget militaire en France, c’est frapper la classe travailleuse. Macron, chef de guerre adjoint de Biden dans le cadre de l’OTAN, et Macron, chef de guerre sociale en France, c’est un seul et même adversaire des travailleurs. (Mis en gras par nous, RD)
Les candidats « de gauche » à l’élection présidentielle affirment leur opposition à la réforme des retraites de Macron. Mais en même temps, ils multiplient les actes de soutien à sa politique de guerre, allant jusqu’à faire voter par leurs députés européens les sanctions contre la Russie, le surarmement de l’Ukraine et les mesures d’austérité contre les travailleurs dans leur propre pays.
Ils se placent ainsi dans une totale contradiction. De deux choses l’une : ou bien ils préconisent la rupture avec Macron et la classe capitaliste, et alors aucun soutien n’est possible à la politique de guerre ; ou bien ils poursuivent sur la voie qui les a amenés, le 19 mars 2020, à voter 343 milliards d’euros offerts aux capitalistes prétendument au nom de la pandémie et qui les conduit à leur vote du 1er mars au Parlement européen et à leurs discours d’Union sacrée sur la guerre. Mais alors, pourquoi prétendre se présenter contre Macron ?
Le principal ennemi de la classe ouvrière en France ne siège ni à Moscou, ni à Kiev, ni à Washington, mais à Paris. C’est notre propre gouvernement. (Mis en gras par nous. RD)
C’est lui qu’il faut combattre et qu’il faut défaire. C’est lui qu’il faut chasser.
<fin du document>
Robert a été beaucoup trop gentil avec cet éditorial de la TT !
Un passage de ce texte ose incriminer « le surarmement » de l’Ukraine (*) et use d’une contorsion deux paragraphes plus haut en déclarant « À eux seuls, ces deux pays – les premier et troisième exportateurs mondiaux d’armes [ USA et France, NDR] – représentent la moitié des exportations d’armement du monde entier. »
Question simple : mais qui est le deuxième exportateur d’armes sur le marché mondial ?
Réponse : la Russie.
Ce que la TT se garde bien de mentionner. Voir le classement mondial 2021 établi par Amnesty : https://www.amnesty.fr/actualites/2021-5-plus-gros-marchands-armes
C’est précisément cette assise économique bancale (place des exportations de matières premières brutes et d’armement) qui est au fondement de l’impérialisme russe actuel et est aussi la source de ses carences et déséquilibres, le poussant à un cours de reconstitution de l’empire tsariste vis à vis des anciennes « petites » républiques « sœurs » de l’URSS, et à tenter une projection mondiale via sa puissance militaire (Syrie, Sahel…)
Rappelons, en passant que la Russie est aussi la deuxième puissance nucléaire mondiale, derrière les USA. L’Ukraine a cédé en 1994 à la Russie tout l’armement nucléaire provenant de l’ancienne Union Soviétique, stationné sur le territoire ukrainien, avec la bénédiction des USA et la promesse du respect de la souveraineté ukrainienne. En matière de « surarmement », on fait mieux !
Mais bon, nos nouveaux social-chauvins français, tout occupés à se concentrer sur « leur » seul impérialisme, ne nous ont pas habitué à de fracassantes campagnes pour le désarmement nucléaire unilatéral en France …
* nous proposons aux rédacteurs de cet éditorial d’aller développer leur argumentaire du « surarmement » de l’Ukraine dans un centre de réfugiés ukrainiens ayant fuit bombardements et massacres …
OD
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Vous avez tort vis à vis de la Russie qui défend la partie russophone de l’Ukraine ,dont le Donbass-Kharkov-Odessa, contre les nazis qui ont pris le contrôle du gouvernement ukrainien avec l’aide de l’OTAN et particulièrement de la CIA. Depuis le Maïdan de 2014 l’OTAN-CIA ont organisé l’armée ukrainienne dans le but de contrer l’influence Russo-Soviètique sur la partie est de l’Ukraine russe. Cette guerre voulue par les américains va entrainer un changement géopolitique majeur en Europe et en Occident capitaliste . Comme d’habitude les peuples dans sa partie la plus pauvre vont en subir les conséquences par de grandes privations dans tous les domaines de leur vie quotidienne . L’Ukraine de Zélinski est condamné car il a mis avec sa clique son pays dans les mains des nazis ukrainiens ,descendants de leurs pères réfugiés aux Etats-Unis et Canada et revenus dans les bagages de l’armée Américaine . Les Russes le savent et ils ont pris les mesures adéquates pour contrer l’oncle Sam et ses complices Européens dont la France de Macron .Alors votre analyse de l’impérialisme est absolument fausse car la Russie n’a pas de visée colonialiste mais simplement de fixer une grande sécurité pour les peuples slaves russophones et ainsi permettre un développement économique efficace dans toutes les Russies …Après l’histoire jugera à la lumière du marxisme !!!
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Cher Bernard Sarton, nous publions le commentaire que vous nous adresse là à titre de document fantasmagorique. C’est un résultat des contre-révolutions du XX° siècle que vous puissiez oser conclure une telle missive des mots : « à la lumière du marxisme ». Vos propos n’ont en effet strictement rien à voir avec le marxisme, et sont un décalque complet de la réaction sur toute la ligne des prêches du patriarche Kyril, et des délires du néonazi ésotériste Douguine. Il est fort probable que vous ne connaissiez ni l’un ni l’autre : qu’au nom du « marxisme », quelqu’un issu du mouvement ouvrier français puisse réciter un tel couplet slavophile (du genre à faire vomir Marx ou Lénine !) et débiter une telle litanie d’insanités racistes, en dit long sur l’épaisseur du fumier stalinien légué par le siècle dernier, dont les nouvelles générations se débarrasseront pour sauver le monde humain, avec cette tache révolutionnaire immédiate : battre et chasser Poutine !
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Reçu par mail
Sur le principe général de la politique d’armement du prolétariat, pas de problème. La bourgeoisie donne un fusil, il faut le prendre.
Il faut même exiger qu’elle le donne.
Malheureusement, la guerre ne se fait plus avec des fusils ou des mitraillettes, et on aura beau sortir de la paille les grenades, on sera en infériorité, parce que la guerre actuelle se fait avec tout un tas de choses que la bourgeoisie n’est pas prête à donner : des ordinateurs, des drones, des satellites, de armes de haute technicité, hélicoptères, visée nocturne, etc…, et la formation qui va avec.
Il faudra une structure pour faire cela soi-même et ce ne sera pas le plus facile. Je dis ça après avoir côtoyé de près les commandos spéciaux pendant mon service militaire ( contingent 1968 2B, sursis résilié après la grève )
La question de l’objection de conscience me semble un peu dépassée, Mais la formation que peut donner un service militaire , court par définition, sera très certainement inadaptée. La classe ouvrière devra ouvrir ses propres écoles de guerre.
Comment ne pas les couper des masses ?
René
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Jamais Trotsky n’aurait osé mettre ses pas dans le soutien à son gouvernement bourgeois et son armée !!!
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Effectivement, d’ailleurs Trotsky préconisait d’armer le Négus contre Mussolini, ou Jiang Jieshi, cet assassin d’ouvriers, contre l’impérialisme japonais, sans leur apporter aucun soutien. Le soutien à l’ordre impérialiste mondial, l’union sacrée aujourd’hui, passe largement par le combat des courants campistes contre l’armement des ukrainiens. Bien entendu, ils accusent les partisans de cet armement d’être des suppôts de gouvernements bourgeois, exactement, au fond, comme les partisans de l’union sacrée en 14-18 accusaient ses adversaires d’être des suppôts des gouvernement « ennemis ». Nous nous situons, nous, dans l’optique de Lénine (et de Trotsky) : la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile. Quand les irlandais se sont insurgés contre Londres à Pâques 1916, il ne les a pas accusés d’être des agents de l’impérialisme allemand …
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pourquoi a t-on supprimé mon message ? Faut-il donc soutenir notre propre bourgeoisie dans ses livraisons d’armes ? Nos camarades trotskystes en Russie combattent Poutine , nous n’en avons pas en Ukraine
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Ton message n’a nullement été supprimé, il a simplement attendu en zone d’attente, le temps que le camarade en charge des commentaires œuvre. Nous ne disposons pas de permanents pour gérer ce site.
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Nous avons en Ukraine et en Russie des camarades, trotskystes et non trotskystes, qui se sont mis d’accord pour dire qu’il faut fournir des armes à la résistance ukrainienne. Il est assez révélateur que le refus d’armer la nation coloniale opprimée au motif que ceci serait « soutenir notre propre bourgeoisie » corresponde manifestement au fait de ne pas avoir de « camarades trotskystes » en Ukraine …
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Pourquoi mes messages sont-ils censurés ? parce qu’ils refusent l’alignement sur les oligarques ukrainiens rout en se plaçant du côté des travailleurs russes et ukrainiens contre Poutine ?
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