Le 7 octobre 2021, le site d’AplutSoc (Arguments pour la Lutte sociale), publiait sous ma signature un article intitulé « Rapport Sauvé : défendre les victimes des abus sexuels ou l’église ? ». Ce titre posait bien l’alternative. Étant violemment attaqué aujourd’hui par un membre de la direction de la Libre Pensée, je rappellerai simplement un certain nombre de faits objectifs (1). Les faits, disait Lénine, sont têtus !
Le président Macron lance l’idée début 2021 d’une Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Cette initiative n’a pas particulièrement inquiété l’opinion démocratique en général. Pourquoi pas !
Il y avait un gros loup dans la proposition et la vérité éclate lorsque le rapport Sauvé, rendu public le 5 octobre, établit sur 50 ans des faits de pédocriminalité commis par des membres du clergé ou personnels d’institutions religieuses sur la personne d’enfants mineurs. L’Église catholique porte alors la responsabilité d’avoir couvert ces délits graves en déplaçant simplement d’affectation les personnes coupables sans bien sûr saisir la justice. La justice de Dieu est au-dessus de celle des hommes ! Là où il y a problème, c’est que le haut fonctionnaire chargé d’établir le rapport est issu d’un milieu de catholiques fervents, qu’il a été pendant deux ans dans le noviciat de l’ordre des jésuites, qu’il a ensuite intégré l’École National d’Administration et a exercé diverses charges dans l’appareil bonapartiste de la Vème République : Qui représente t’il ? L’Etat, l’Église ou un État qui vient au secours de l’Église ? Une mesure de simple justice devrait dire clairement que l’Église est coupable d’avoir caché ces faits, qu’elle doit être condamnée et que les victimes doivent être indemnisées par l’institution richissime qu’est l’Église catholique.
En fait les conclusions du rapport se situent entièrement dans le cadre de la politique de Macron, visant à réparer, selon son expression, les liens abîmés entre l’Église et l’État. Une nouvelle remise en cause de la loi de séparation de l’Église et de l’État du 9 décembre 1905. Là il s’agira ni plus ni moins de développer ce fond d’indemnisation des victimes pris sur les finances publiques : la politique bonapartiste initiée par les diverses lois d’aide à l’enseignement confessionnel à partir de 1960, loi Debré prorogée et aggravée après 1981 par tous les gouvernements, se trouve ici prolongée sur une affaire pour le moins scandaleuse.
Au moment où j’expliquais ces faits dans mon article du 7 octobre, contacté par des militants laïques qui défendaient quasiment la même chose, j’ai donné ma signature à une pétition dénonçant cette politique. Le texte vient d’être publié dans la revue « Laïcité et pensée libre » de janvier 2022, sous le titre : « Appel de 521 laïques, C’est aux coupables d’assumer ! »
Une organisation laïque digne de ce nom, se fondant sur la liberté absolue de conscience et proclamant que la République ne salarie et ne subventionne aucun culte, – c’est le cas de la Libre Pensée – ne peut que condamner les conclusions du rapport Sauvé. Car celui-ci se situe dans le cadre d’un nouveau concordat Église-Etat : un tribunal pénal canonique doit entrer en fonction le 1er avril 2022 et pourra juger en son sein, sans qu’intervienne la justice civile, le niveau de réparation au cas par cas auquel peuvent prétendre les victimes d’abus sexuels. Les évêques ont créé à cette fin l’Instance nationale indépendante de Reconnaissance et Réparation ( lnirr).
Quelle est la position de la Fédération Nationale de la Libre Pensée (FNLP) sur la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE).
Nous citons : « La qualité des travaux de la CIASE force le respect [nous soulignons] et l’ampleur des crimes commis qu’elle met au jour provoque la stupeur ». … La CIASE a incontestablement accompli les deux premières missions que lui avaient assignées la CEF (conférence des évêques de France) : « Faire la lumière » sur cette affaire et en « Révéler la part d’ombre ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que la FNLP ne se situe pas sur le plan de la condamnation du Rapport Sauvé et de ses conclusions comme une commande de l’Église pour sauver son patrimoine, et obtenir encore plus du pouvoir politique en comptant parallèlement sur la Ciivise pour l’indemnisation publique.
On comprend donc que Christian Eyschen se mette à vitupérer contre ceux qui osent avancer « C’est aux coupables d’assumer ! », ou contre mon article dont le titre est « défendre les victimes ou l’Église ! » Dire aujourd’hui que l’établissement scrupuleux des faits par le rapport Sauvé force le respect, c’est passer sur une ligne de trahison de la laïcité, c’est renier ce qui a fait l’identité même de la Libre Pensée : société fraternelle née de l’union entre des composantes de la 1ère Internationale ouvrière et des éléments venus de la Franc Maçonnerie. Dans les congrès de libres penseurs, le drapeau était rouge. Faut-il établir un lien entre cette dérive de la direction de la Libre Pensée et l’entrée du POI (Parti Ouvrier Indépendant), dont Christian Eyschen est un cadre politique de longue date, dans le parlement de l’Union Populaire de Jean Luc Mélenchon où le drapeau est bleu-blanc-rouge ? Se vendre pour les trente deniers de Judas ?
RD, 18 février 2022.
(1)Pour ceux qui sont intéressés par ce type d’attaque, lire à l’adresse suivante : https://www.fnlp.fr/2022/02/16/robert-duguet-toujours-vendu-jamais-achete/ C. Eyschen nous a en outre écrit, voir ici.
Cher Robert
C’est vous bien sûr qui avez raison et je tiens à vous assurer de toute ma solidarité, ainsi que de ma fraternelle amitié.
La LP sous l’impulsion de Christian Eyschen file un mauvais coton; Je suis de plus en plus consterné par les positions qu’elle défend, jusqu’à encenser Baubérot!
Je ne comprends pas mais je suis comme vous à la fois désolé et en colère.
Bien à vous
Henri
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Cher Robert (complément)
La prose d’Eyschen est une véritable infamie, et de plus il ne dit rien du fond de votre désaccord politique. C’est abject!
Amitiés à vous
Henri
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