Il n’y a pas, pour l’heure, de retour à la normale aux États-Unis. Il y a une situation de double pouvoir. Le pouvoir constitutionnel (capitaliste) largement majoritaire en voix, veut le retour à la normalité, et pour cela tire sur la gauche socialiste du Parti démocrate (pourtant victorieuse aux élections là où elle s’est présentée) et prépare une alliance avec les Républicains « normaux », tout en incorporant un nombre très important de dirigeants AFL-CIO dans ses structures provisoires.

Mais le pouvoir en place sortant (capitaliste) cherche une contre-attaque juridique et a une base (environ le tiers de l’électorat total, 70% de l’électorat républicain) convaincue de la « fraude ». Trump a viré son secrétaire à la Défense et compte sur la « troïka maudite » Barr (Justice)-Giuliani-Pompeo. Myke Pompeo s’apprête à faire une tournée diplomatique en Europe, dont le clou sera une rencontre avec Poutine à propos du Karabagh. Poutine, Xi Jinping, Bolsonaro, Erdogan et Kim-Jong-Un (singés dans ce registre par Marine Le Pen) n’ont pas à cette heure reconnu l’élection de Joe Biden, donnant ainsi à la dualité de pouvoir à Washington une dimension internationale.

La résorption « naturelle » de cette crise par KO debout de Trump vitrifié sur laquelle mise Biden pour restaurer un gouvernement « normal » aux États-Unis – en fait une sorte de mélange d’administration Obama et d’administration Bush, les deux administrations sous lesquelles a couvé la montée de Trump et l’effondrement actuel – n’est nullement acquise.

Les groupes, anciens ou réapparus sous de nouveaux sigles (des variations sur MAGA, Make America Great Again), qui n’ont pas passé à l’action directe au moment du vote, appellent à une « Trump March » (sic) ce samedi à Washington.

Cette situation – la défaite électorale de Trump – n’a pas été le produit de l’action de Biden et de l’establishment démocrate, mais de l’irruption des masses noires, jeunes et prolétaires-urbaines depuis juin. La menace d’intervention de ces masses a tétanisé la première phase du coup de Trump, qui n’a pu faire déraper le processus électoral lui-même, le vote. Actuellement, le sentiment de victoire suivi du spectacle de plus en plus sidérant du déni de Trump, du double pouvoir au sommet, crée sans doute un effet d’attente. Mais d’ici au 20 janvier, une nouvelle intervention directe des masses est plus que possible : souhaitable.

12-11-2020.