
Tiens, c’est une femme, juge, qui a tranché en Italie : Carola Rackete a donc eu, du point de vue judiciaire, raison de sauver des vies humaines, et de plus ses actes étaient conformes au droit maritime et aux conventions internationales signées par l’Italie.
Cette victoire, qui ne doit pas nous faire oublier que Pia Klemp et l’ancien maire de Riace Domenico Lucano sont toujours en prison et en attente de jugement, est de la plus haute importance.
Elle situe en effet le droit comme étant au-dessus de l’État, cet État qui, en France avec les violences policières, les expulsions de migrants et le flou artistique des mots dans la loi Blanquer, par exemple, ne respecte plus le droit à la sûreté tel que l’Habeas corpus l’avait affirmé dès la fin du XVII° siècle.
En outre, la juge d’Agrigente, Alessandra Vela, a précisé que sauver des vies n’était possible qu’en conduisant les gens vers un port sûr, et qu’il n’y a pas de port sûr en Libye, où Salvini voulait les renvoyer, ainsi qu’en Tunisie à présent.
Là aussi, semblable est la politique de Macron et de Castaner qui, tout en dénonçant les ONG humanitaires soupçonnées de piraterie, de trafics et de tout ce que l’on veut, misent avec la pire des cruautés cyniques sur le renvoi des migrants en Méditerranée vers les griffes des garde-côtes libyens, c’est-à-dire des bandes armées d’esclavagistes violeurs (d’hommes comme de femmes).
Or, que vient-on d’apprendre concernant la Libye ? Un bombardement s’est abattu sur un camp de migrants, près de Tripoli. «Au moins» 44 morts, certainement beaucoup plus. C’est vers ça que les pays de l’Union Européenne, l’Italie de Salvini comme la France de Macron, veulent refouler des milliers de gens. Ce massacre est attribué à l’aviation du général Haftar, ce nouvel «homme fort» de la Libye, qui, en fait, piétine devant la Tripolitaine et a commencé à essuyer des revers.
Haftar, soutenu par la Russie, l’Égypte, l’Arabie saoudite et, en sous-main, par la France, devait rétablir un «État fort» en Libye. Il est en outre l’un des parrains des milices de violeurs Janjawids au Soudan, que le peuple soudanais a à nouveau défiées ce dimanche à Khartoum : des dizaines et des dizaines de milliers de manifestants, officiellement 7 morts et 181 blessés dont 27 par balles. Ils ont marché vers le palais présidentiel. Le mot d’ordre Pouvoir civil signifie dehors les militaires. Ils ont également scandé des slogans de solidarité avec les peuples syrien et yéménite. Belle leçon pour tous les adeptes de tel ou tel camp géostratégique : au Yémen comme en Syrie, c’est à des massacres et à des famines artificielles de même nature que sont confrontés les peuples.
Le ministre des Affaires étrangères italien, lui aussi, avait proclamé, pas plus tard que ce vendredi, le «maréchal» Haftar comme «un interlocuteur incontournable» en Libye. Haftar ne parvenant pas à conquérir tout le pays, est en train de faire monter les enchères contre le soutien turc à ses adversaires de Tripoli, cherchant à susciter des affrontements égypto-turcs et saoudo-turcs sur le sol libyen. Tels sont les interlocuteurs incontournables et les hommes forts du monde du capital : de Trump à Haftar, des incendiaires.
Le piétinement d’Haftar, la poursuite héroïque des manifestations de masse au Soudan, comme la poursuite de la mobilisation massive des Algériens, sont à mettre en relation avec la résistance démocratique sans concession que ces deux femmes, Pia Klemp et Carola Rackete, ont incarnée en Méditerranée.
Contre elles, cet autre incendiaire qu’est Matteo Salvini a franchi le mur du son du grotesque :
«L’Italie a relevé la tête : nous sommes fiers de défendre notre pays et d’être différents des autres petits dirigeants européens qui pensent encore pouvoir nous traiter comme leur colonie.»
Mais non, povero Matteo, tu es tout aussi «petit» que notre Castaner ! Tu n’es qu’un «petit dirigeant», au service du patronat et du capital, qui doit bomber le torse pour tenter de faire croire qu’en essayant de noyer et de livrer des pauvres gens à tes complices les violeurs esclavagistes, tu combats Merkel, Macron et la Commission européenne !
Ceci étant, la rhétorique de la guerre se dessine en filigrane, comme le dernier recours du ramassis d’incendiaires irresponsables qui nous gouvernent. Les Haftar, les Castaner, les Salvini, et les Macron – et les Macron ! – sont les figures de l’ «illibéralisme» qui ne libéralise que les flux du capital et qui pour cela brûle la terre et assassine les humains.
Contre leur ordre en pleine décomposition barbare, les Carola et les Pia ont dessiné la figure des amazones de la liberté, et des méthodes de combat, celle de l’affrontement, qui doivent s’imposer au plus grand nombre.
03-07-2019.