Dans le même temps un grand nombre d’organisations syndicales, politiques et associatives appelaient à des manifestations dans toutes les villes ce samedi 26 sous le nom de Marée populaire – contre Macron.
Il est positif et c’est un résultat de la pression des travailleurs et de la jeunesse sur leurs organisations pour l’unité contre Macron, et que les fédérations et confédérations syndicales se soient retrouvées ensemble le mardi 22, et que beaucoup aient appelé ensemble le 26 mai.
Observons la méthode très affûtée que l’exécutif macronien de la V° République et la plupart des médias ont adopté pour traiter de ces manifestations et rassemblements.
D’une part, il serait selon eux tout à fait extraordinaire, et pour tout dire extravagant, que la CGT, la FSU et Solidaires manifestent en même temps que le PCF, la FI, Générations, le POID, le NPA, LO et Ensemble.
Ceci n’a rien d’extraordinaire et est normal : en fait, l’unité a été imposée et la direction de la FI a dû tourner, passant du « peuple en construction » dans les drapeaux français et sans drapeaux rouges ni logos syndicaux, à l’appel à un « front populaire », mais toujours en se prononçant pour le maintien de Macron jusqu’aux échéances électorales de 2022 qui seraient la seule perspective. Ainsi, le cortège parisien a réuni, dans une relative sécurité et dans ce qui s’appelle la démocratie ouvrière, les organisations syndicales et politiques sous leurs banderoles, comme telles, dans l’unité (jusqu’au POI sous la forme indirecte du SO de la FI parisienne !).
Mais aucun média n’a voulu comprendre ce qu’il s’était passé et la consigne, les éléments de langage, étaient pour eux les mêmes partout : « la CGT » et « Philippe Martinez » s’étaient ralliés aux « Insoumis de Jean-Luc Mélenchon ». Cette grossière falsification des faits les plus élémentaires n’a pas été sans effet contre-productif (c’était le but) sur l’ampleur des manifestations.
A vrai dire, ce n’était pas la « marée populaire », mais c’était une étape, non pas vers l’unité populaire ou le front populaire, mais vers le front commun pour affronter, défaire et chasser Macron. Mais ce contenu politique, qui définit ce que recherchaient les manifestants comme beaucoup d’autres qui ne sont pas venus, a été largement occulté. Pas seulement par les médias dont il vient d’être question. Imaginons un instant …
… Imaginons un instant que le kidnapping et la séquestration scandaleuse d’une centaine de jeunes au lycée Arago, ordonnée par l’exécutif du régime, aient été dénoncés comme tels par les principales organisations appelant au 26, exigeant l’arrêt des poursuites, le châtiment des responsables, la liberté pour les étudiants et les lycéens de se réunir partout tout de suite contre Parcoursup pour exiger le droit à l’inscription dans l’université de son choix. Imaginons : la marée n’aurait-elle pas monté bien plus ?
Imaginons encore : alors que le vendredi 25 mai le gouvernement réuni en « groupe de travail » avec les fédérations de fonctionnaires leur a confirmé sa volonté d’en finir avec le paritarisme, de confier la gestion des carrières aux petits chefs et d’en retirer tout contrôle aux instances représentatives, alors que même les plus modérés comme les autonomes de la FA-FP déclarent : « Le gouvernement se moque de nous », alors que continuent à faire dans ces « réunions de travail » les organisations syndicales ? Ce ne sont pas des négociations. N’est-il pas temps de rompre ce « dialogue social » et de redoubler le signal de l’unité de tous les syndicats de fonctionnaires par celui de la rupture avec ce gouvernement ? La marée n’en serait-elle pas fortement aidée ?
Mais encore : après que l’écrasante majorité des cheminots ait voté à l’appel de leurs syndicats Non à la réforme ferroviaire, la question n’est-elle pas posée de la grève tous ensemble, interprofessionnelle – comme les délégués au congrès confédéral de FO en ont imposé la proposition – associée à la grève non pas perlée, mais totale, des transports ? Avec un telle perspective la marée ne monterait-elle pas ?
Enfin, si nos organisations allaient dans le sens qu’illustrent les trois points précédents – défense sérieuse de la jeunesse et de la démocratie, rupture du « dialogue social » avec un gouvernement qui méprise la notion même de négociation, préparation ouverte de la grève tous ensemble – l’orchestration médiatique d’une supposée lutte entre « Martinez » et « Mélenchon » n’en serait-elle pas fortement relativisée ?
Il est vrai que dans de telles conditions, nous n’irions pas à un « front populaire » aux prochaines élections, mais à l’affrontement majoritaire, massif, démocratique, contre Macron, et pas pour le remplacer, mais pour la démocratie, vers une assemblée constituante imposée par les luttes sociales et leur unité dans les AG et les comités élus.
La voila, la marée populaire !
Nulle sous-estimation pour autant envers ce qui s’est passé aujourd’hui. Les centaines de milliers qui sont venus cherchent de fait ce débouché, les millions qui auraient pu venir aussi.
Rosa Luxembourg disait : « Ce n’est pas la grève en masse qui nourrit la révolution, c’est la révolution qui nourrit la grève en masse. » Traduction contemporaine : les luttes et leurs convergences peuvent avancer jusqu’à un certain point et commencer largement à imposer l’unité, mais ce dont elles ont besoin, c’est de débouchés, de perspectives, de débats politiques. Que déjà tous les courants qui expriment ce besoin – non pas se servir ou s’appuyer sur les luttes pour son prochain projet électoral, mais les appuyer et les aider par la construction d’un débouché politique direct, rompant avec la V° République et imposant la démocratie en balayant son exécutif et son haut appareil d’État, que tous ces courants déjà prennent leur responsabilité en engageant dans la transparence action commune et libre débat.
Tel est le sens de notre seconde rencontre du 2 juin prochain, tel sera pour nous le sujet à discuter : comment agir et s’organiser en ce sens.