C’est du point de vue des intérêts généraux de notre classe qu’il faut envisager ce congrès, comme tout autre. La question la plus pressante est de battre Macron, sur les retraites et pour la démocratie. A ce congrès, des délégués ont posé la question de la grève générale, comme une déléguée de la FNIC 69, ou de la manifestation centrale contre Macron, comme un délégué de l’IGN. Mais force est de constater qu’au milieu des affrontements qui s’y déroulent, la question simple de coupler appel à une manifestation centrale, avec une date, et grève pour battre Macron en y montant, n’est pas directement abordée. Si le congrès de la CGT s’unissait là-dessus, il unirait toute la classe ouvrière, l’intersyndicale suivrait et nous serions vainqueurs. Alors ?
Le danger est, paradoxalement, pointé par un article du journal du capital financier, La Tribune, du mercredi 29 mars, qui s’en félicite : selon lui, une certaine forme de « radicalisation de la CGT » au moment présent serait une bonne chose pour Macron, parce qu’elle ferait apparaître une CGT divisée (c’est le cas) et une intersyndicale divisée -disons qu’elle donnerait un alibi à Berger. Si la « radicalité » consiste à crier à la grève sans la faire, en multipliant les coups de poings au propre et au figuré, au lieu d’unir et de centraliser, alors c’est en effet le risque.
Il y a, d’un côté, quelque chose de sain à voir des délégués vouloir être souverains dans leur congrès et s’opposer aux méfaits du prétendu « dialogue social ». Le rapport d’activité a été rejeté mardi à 50,3% des mandats : la pichenette qui lui a donné le coup de grâce a été apportée par le rejet de la « géniale » initiative de Philippe Martinez, quelques heures auparavant, se prononçant à la suite de Laurent Berger pour aller voir Élisabeth Borne.
Mais l’opposition officielle n’est pas une alternative lutte de classe. Olivier Mateu a déclaré qu’il pourrait lui-même aller voir Mme Borne si la réforme était retirée. Mais pourquoi faire ? Il faut « faire céder le gouvernement ». Le faire céder ? La question de l’affronter et de le battre, pour gagner sur nos revendications, n’est décidément pas claire de ce côté-là non plus …
Le congrès est en roue libre, nous disent des camarades. Un congrès démocratique ? Il faudrait pour cela que les délégués aient été élus par tous les syndiqués après un libre débat permettant la confrontation d’orientations explicites. Chacun sait qu’il n’en est rien et que les délégués ont été désignés en fonction des rapports de forces entre secteurs. Sous le couvert d’une ligne plus « dure » mais pas forcément plus claire sur le « dialogue social », avec plus de journées d’action, plus de blocages et plus d’appels à la « grève reconductible », et avec souvent la confusion entre unité d’action sur les revendications et unité dans et par la seule CGT, s’avance tout autre chose : la FSM, c’est-à-dire la collaboration organique avec le patronat dans des États totalitaires.
Ici, bien des délégués moyens vont lever les bras par l’effet d’une terrible ignorance : « comment, la FSM, mais ils sont combatifs, eux ! ». C’est vrai, la FSM comporte quelques syndicats qui se montrent combatifs pour les revendications et l’obtention de réformes, en Grèce, Inde ou Afrique du Sud, comme le sont bien des syndicats affiliés à la CSI en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et ailleurs. Mais elle est liée à des États capitalistes, anciens États staliniens et dictatures d’extrême-droite comme en Syrie, religieuse et féminicide comme en Iran. C’est la Charte du travail, c’est l’ArbeitSfront dont il est ici question, avec dans ses rangs les « syndicats » officiels tenus et financés par ces régimes. Hé non, camarade Mateu, on ne traite pas à la légère la référence à Staline. Crier comme un perroquet qu’on n’est pas à la solde de la CIA ne sert alors qu’à cautionner la pire des collaborations de classe. La FSM rime avec interdiction des syndicats et torture des syndicalistes en Iran, en Syrie, en Egypte, en Corée du nord, en Belarus… et on vous épargne la liste complète. Le retour à la FSM serait pour la CGT la trahison de classe des camarades du BKDP bélarusse dans l’exil, la prison et la clandestinité, la trahison de l’union internationale des travailleurs.
Un évènement a marqué le congrès ce jeudi matin 30 mars : la déléguée des syndicats indépendants iraniens, Sara Selami, a exposé directement ce qu’est la FSM : siègent dans sa direction des représentants directs du régime dont certains sont eux-mêmes des tortionnaires. Alors, camarades « de classe et de masse » des UD et FD qui se sont affiliées à la FSM, que vous reste-t-il à faire si vous voulez être de classe et masse ? Rompez avec ces patrons tortionnaires, quittez la FSM, vous serez alors mille fois plus crédible sur « les luttes » en France !
Lourde est la responsabilité de Martinez et son équipe invertébrée et ouverte au « dialogue social » dans la place prise par la FSM et son triste monde d’avant. Pour les travailleurs du rang, il n’est pas très important de savoir si le titre de secrétaire générale sera porté par une Marie Buisson flanquée des ombres de Thibault et Martinez ou par une Céline Verzeletti flanquée d’Olivier Mateu, mais l’indépendance envers les dictatures anti-ouvrières est, elle, très importante. Les forces militantes de la CGT, reliées à leur classe, ont la capacité de sortir de l’impasse par le haut en préservant et amplifiant l’unité pour battre Macron. Ce n’est pas avec la FSM que ça se fera, au contraire.
Pour les travailleurs et les syndiqués, unité pour les revendications et vraie solidarité sans frontière, contre Macron comme contre Poutine, sont et resteront les besoins fondamentaux.
Toute direction syndicale quelle qu’elle soit, qu’elle se veuille « ouverte au dialogue » ou « combative et radicale », finira par casser si elle s’oppose à cela en préférant la protection des pouvoirs en place et la voie de l’intégration.
MonatteRosmer2023, le 30/03/2023.
Document : l’intervention de la militante syndicaliste iranienne au congrès de la CGT
Je suis gêné par beaucoup d’aspects de cette analyse. Bien sûr, le Congrès est en cours, mieux vaudrait analyser en ayant les résultats en main.
Mais nous avons les données de base : la CGT avait 4 millions d’adhérents en 1948, 2,3 millions en 1975, 650 000 aujourd’hui.
C’est le fruit de dizaines de reculs politiques et sociaux évoqués par Jacques Rancière et détaillés par moi (après beaucoup d’autres) dans « Critique de la raison gazeuse », reculs accompagnés par la politique de ses bureaucrates dirigeants, à coup en particulier comme le dit l’article de « journées d’action » sans lendemain.
Que la direction bureaucratique soit aujourd’hui secouée dans ce congrès pour moi c’est a priori une bonne chose. Que le rapport d’activité soit rejeté, c’est bien ! Que le (la) candidate désignée soit contestée, c’est bien.
Je me permet de relever un détail : dans un premier temps, O. Mateu a été interdit de congrès parce que sa fédé n’a pas présenté un « binôme » ! Cette fantaisie grotesque qui mêle la politique et le sexe montre ici à quoi elle peut servir : à censurer une opposition. Elle montre aussi qu’elle n’est pas tenable : finalement, Mateu est au congrès.
Que Mateu dise qu’il est prêt à rencontrer les ministres, non, ça ne prouve absolument rien : c’est leur rôle, de rencontrer les gens.
Oui, une position syndicale consistante consisterait aujourd’hui à dire : grève totale et montée en masse à Paris.
Oui, il y a peu de chance que le congrès adopte cette position, même si les oppositions y remportent des succès. Mais rien n’est écrit.
En définitive, je ne suis pas neutre : je pense tout de même que l’élection de Verzeletti serait une bonne chose. Sans illusion.
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Erreur de Jean Pierre Boudine : Mateu n’a pas été interdit de congrès, en tant que SG de l’UD13 et donc membre du CCN, il peut assister au congrès. Il n’a pu présenter sa candidature à la CEC, qui sera élue par le congrès, aux motifs des critères et de condition de présentation (binôme mixte) dont la critique est ouverte. N’étant pas éligible à la CEC, dès lors il ne pouvait être formellement candidat au poste de SG confédéral. Cela ne l’a pas empêché de faire campagne, et il avait raison même sans partager son orientation.
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Dont acte, merci d’avoir rectifié.
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Pour être exact, le nombre d’actifs ayant cotisé à la CGT en 2020 (dernier chiffre confédéral) est de 512 722 . Celui des retraités est de 92 840 soit un total de 605 562 syndiqués.
Et non 650 000.
Si l’on excepte la faible embellie qui accompagne de loin la puissante mobilisation contre la loi Macron-Borne, progression évaluée de 10 à 12 000 adhésions, la baisse se poursuit dans toutes les Unions Départementales quelle que soit leur orientation.
Ainsi les pro -FSM du Val-de- Marne analysaient en juillet 2022, dans un Courrier de l’UD spécial orga « une baisse importante de syndiqués de 14 615 en 2018 à 12 663 en 2020 . Baisse » liée à une idéologie libérale devenue écrasante et hégémonique depuis l’effondrement du bloc soviétique » et à « l’institutionnalisation de nos élus et mandatés ».
L’UD 94 notait que « ce décrochage intervenait 2 ans après un certain nombre de structures CGT et notamment des autres UD ». Décalage de la baisse qu’elle imputait à sa rigueur sur le règlement des cotises autant qu’à sa combativité.
De surcroît l’ UD 94 notait que ses « forces organisées étaient vieillissantes et majoritairement masculines, à l’inverse du salariat ».
Dans la même période la mutation du salariat (auto-entreprise, indépendants, ubérisation …) sur le territoire de cette UD reste selon ses responsables « assez marginale et les emplois salariés restent largement majoritaires »
L’analyse se conclut sans présenter d’autres perspectives de redressement que celles qui relèvent du bavardage sur la « culture d’orga » et des recettes sur « la continuité syndicale ».
Rien d’alternatif à la pratique du dialogue social et de la concertation. Même pas du coté des revendications et des luttes, points réputés forts des champions du syndicalisme »de classe et de masse »
Il serait intéressant de regarder ces évolutions dans les Bouches-du- Rhône.
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Toutefois, il semble bien que finalement, Mateu pourra présenter sa candidature à la CEC, si j’en crois la journaliste (responsable de la section CGT) de Mediapart :
«N’arrangeant rien aux affaires de la direction sortante, l’opposant Olivier Mateu pourra finalement se présenter sur la liste de la commission exécutive confédérale (CEC), direction d’une soixantaine de personnes parmi lesquelles seront désignés les dix membres du bureau confédéral, dont le ou la secrétaire générale. Et cela, bien que son organisation, l’union départementale des Bouches-du-Rhône, n’ait pas présenté un binôme fait d’une femme et d’un homme. Ce qui paraissait impossible avant le début du congrès l’est devenu, sur décision de la majorité des congressistes.»
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