Aplutsoc tient le 26 février prochain de 14H à 18H, au Maltais rouge (40, rue de Malte 75011 Paris), une réunion ouverte sur la situation politique et la place des syndicats.

Nous avons pour cela rédigé l’esquisse d’une réponse à la question : de quoi ont besoin les syndicalistes CGT aujourd’hui ?, puisque la CGT occupe bien entendu une place importante et tient son congrès confédéral fin mars à Clermont-Ferrand, avec de forts éléments de crise en son sein.

Rédigée à cette occasion, cette esquisse va bien entendu au-delà de la CGT : de quoi ont besoin les syndicalistes qui veulent défendre leur classe et donc qui veulent gagner sur les revendications ?

Nous proposons cinq axes pour répondre à ces questions.

Tout d’abord, la démocratie. C’est simple : il faut procéder à l’envers de la manière dont est préparé le congrès confédéral de la CGT ! P. Martinez a sorti de son chapeau en septembre la candidature de Marie Buisson pour lui succéder, sans discussion préalable. Les délégués ont été désignés en septembre-octobre par arrangements entre fédés et UD par-dessus la tête des syndicats. Les textes, indigestes et sans textes alternatifs, ont été soumis à la discussion ensuite, courant décembre avec le 27 février comme date butoir pour les amender.

Il est nécessaire de faire le contraire : d’abord les syndicats de base se réunissent et font des propositions, le CCN puis la CEC sont tenus d’en tenir compte pour proposer un ou plusieurs textes alternatifs (et lisibles !) à la discussion, le vote des syndicats a lieu sur ces textes (le pluriel est important : les tendances, c’est la vie du mouvement ouvrier !) et ils désignent leurs délégués, les représentants aux instances nationales et le ou la secrétaire confédéral sont élus par le congrès. Ce n’est tout de même pas compliqué !

Et cela va avec le deuxième point : le syndicat, c’est fait pour gagner sur les revendications. Donc il reprend les revendications des travailleurs eux-mêmes et appelle à agir pour les faire aboutir en allant là où ça se décide avant ou lorsque sont prises les décisions : Directions d’établissement, conseils d’administration des patrons, et concernant l’État : préfectures, ministères, gouvernement, présidence ! Et il appelle à le faire, systématiquement, dans l’unité d’action.

Actuellement, la masse des travailleurs pèse très fort en ce sens : unité d’action, adoption du mot-d’ordre de retrait par l’intersyndicale depuis le 19 janvier. Mais pour gagner se posent, ensemble, les questions de la préparation à la grève tous ensemble et de la montée en direction de Macron. Là, on sent les directions inquiètes – tout autant à la CGT qu’à la CFDT ! Parce que gagner le retrait contre Macron soulève évidemment la question de la retraite de Macron ? C’est ainsi : l’indépendance syndicale, c’est de ne pas tenter d’interdire une victoire centrale parce qu’elle ébranle le pouvoir et ouvre une crise politique. C’est là la vraie question qui s’est posée dans toutes les grandes « poussées » depuis 1995, et aussi avec les Gilets jaunes.

L’unité d’action actuelle sur une revendication claire – retrait ! – ce n’est pas le « syndicalisme rassemblé » autour de « propositions » de la part des « partenaires sociaux » en vue du « dialogue social ». C’est la vraie unité, celle que veulent les travailleurs. Et il ne faut pas avoir peur de l’unité organique ou de la réunification : la discussion actuelle, à coup de rumeurs et de dénonciations, sur une éventuelle union CGT/FSU/Solidaires, doit être mise sur la place publique, car elle concerne tous les travailleurs et toutes les organisations syndicales.

Troisièmement : ce qui vaut au plan national vaut au plan international. Non seulement la solidarité de classe est nécessaire, mais les travailleurs en France ne sont nullement indifférents à la guerre contre l’Ukraine et à la situation internationale. L’internationalisme n’a pas de frontières ni de préférence et implique la défense des peuples en lutte contre l’oppression. En Ukraine, appeler à une entente entre grandes puissances pour un cessez-le-feu et non pas au retrait des troupes russes de toute l’Ukraine, c’est soutenir l’occupation et tous ses crimes, c’est soutenir l’ordre capitaliste international. Le soutien à la résistance ukrainienne armée et non armée, aux femmes et aux hommes qui désobéissent en Russie, et aux syndicalistes indépendants bélarusses, est aujourd’hui la première tâche internationaliste. Ceux qui s’y opposent au nom d’un prétendu « anti-impérialisme » sont contre les besoins de notre classe.

L’indépendance syndicale exige une union syndicale mondiale qui chasse de ses rangs ceux qui émargent auprès de l’émir du Qatar aussi bien que les amis des dictateurs russes, chinois, égyptiens ou syriens.

Aucun des points précédents : la démocratie, la lutte indépendante et unie pour les revendications, l’internationalisme, ne peut prendre toute sa dimension si le combat pour les droits des femmes, incluant leur place dans l’organisation syndicale à tous les niveaux, n’y est pas inscrite pleinement. La démocratie, c’est le pouvoir aux syndiqués et aux syndicats contre celui des petits chefs qui sont souvent des petits machos affichés ou dissimulés, ce qui est insupportable. L’action efficace, c’est celle où les femmes sont présentes et qui met en avant l’égalité salariale et sur tous les plans. La solidarité internationale passe par le combat féministe ; la guerre impérialiste de Poutine contre le peuple ukrainien est ouvertement conçue et voulue comme un viol.

La pire des choses serait de présenter le combat féministe comme une affaire « sociétale » et pas syndicale, que ce soit pour le promouvoir ou pour le combattre. Le combat féministe doit prendre toute sa place syndicale, de classe et de masse.

Tout aussi détestable est le fait de présenter la question environnementale, ou écologique, la question de la soumission de la terre, de la biosphère et du climat à l’accumulation du capital, comme un sujet « sociétal » relevant d’ONG, que ce soit pour le promouvoir ou pour le maintenir au dernier rang des préoccupations syndicales. C’est clair, il doit passer au premier rang. Car la crise géologique, biologique et climatique globale causée par la production capitaliste a déjà créé une situation sans retour en arrière possible avec un risque majeur d’emballement destructeur. Que serait un syndicalisme qui ignore le sujet le plus grave pour la vie des gens ?

Être syndicaliste, être « de classe et de masse », ce n’est ni prétendre défendre « l’emploi national » dans les trusts pollueurs, et être « moderne » et « ouvert », ce n’est pas prétendre défendre l’instauration d’une économie capitaliste « verte », et bleue, etc. C’est combattre le capital qui détruit la terre et les travailleurs.

Concernant la CGT, la direction confédérale et l’ « opposition » avec pour noyau la FSM stalinienne sont engagées dans un jeu de miroir : l’ « opposition » ne veut pas plus de la démocratie que la direction et prétend même ne pas être une tendance (la bonne blague !), confond unité d’action efficace et « syndicalisme rassemblé » avec la CFDT, soutient les pires dictatures anti-ouvrières, et traite les femmes et l’environnement comme des sujets « sociétaux ». L’issue est ailleurs : dans l’action de classe indépendante, comme le montrent en ce moment même les millions mobilisés pour les retraites et contre Macron !

Des conclusions qui ne valent évidemment pas que pour la CGT qui, pour importante qu’elle soit, ne résume pas la réalité syndicale dans notre pays. C’est pourquoi, nous mettons ce petit texte en discussion pour notre réunion du 26 février : les réactions, corrections, précisions, etc., sont les bienvenues.