Revendiquer des hausses pour tout le monde, c’est un besoin vital car des millions sont menacés de misère ou y sont déjà.

Mais la revendication « économique » est « politique » car :

 1) elle est commune à des millions (d’où les efforts pour couper les ouvriers opérateurs des raffineries de tous les autres en faisant croire qu’ils sont à « 5000 euros », etc.)

 2) sa satisfaction dans les raffineries se répercuterait sur toutes les branches, fonction publique inclue, et sur les retraites, pensions et minima sociaux : pour Macron cela veut dire l’échec total de ses projets. (Remarque : l’accord signé contre la grève par la CFDT chez Exxon intègre déjà une première victoire de la grève, et nullement de la CFDT !).

A quoi rime en effet le fait de vouloir mettre le droit à la retraite à 65 ans si les salaires augmentent de 10%, vu que le but est de « mettre les seniors sur le marché du travail » pour faire baisser la valeur de la force de travail ?

A quoi rime en effet le fait de vouloir mettre les jeunes des lycées pros en stage permanent et de soumettre leurs profs aux patrons si les salaires augmentent de 10%, vu que le but est de « mettre les jeunes au travail » (même pas sur le marché du travail, mais en travailleurs gratuits sous le nom de « stagiaires ») pour faire baisser la valeur de la force de travail ?

Donc, la hausse généralisée des salaires, qui est le vrai spectre que les politiciens réactionnaires de toutes obédiences tentent de conjurer sous le nom de « blocage du pays », c’est la voie directe vers la chute de Macron. On comprend qu’ils dénoncent les revendications salariales comme on dénonce un complot. Elle s’oppose de fait, par sa logique économique, aux deux réformes centrales qu’il tente d’engager : celle qui vise les retraites et celle qui vise l’enseignement professionnel public, celle qui vise les « vieux » et celle qui vise les « jeunes ».

C’est bien pour cela qu’en ce moment même ses « amis » Bayrou et Philippe envisagent de ne pas le soutenir à bout de bras jusqu’à la fin d’un second quinquennat qui, après tout, pourrait advenir plus vite que prévu par les institutions …

3) La hausse des salaires est une revendication européenne, qui est à l’origine de la crise politique et de l’échec au démarrage de Liz Truss à Londres, une revendication américaine, mondiale (Ukraine comprise !) …

4) c’est une revendication « transitoire » c’est-à-dire qu’elle soulève la nécessité de changer le mode de production. En effet, dans le cadre du capitalisme, la hausse des salaires et l’échelle mobile, c’est la « spirale inflationniste » des salaires et des prix, sans issue. Mais le blocage des salaires, c’est aussi la crise de surproduction assurée tout de suite, sans issue non plus. Pas d’issue dans ce cadre.

Or, la cause profonde de l’inflation, c’est la création monétaire d’actifs financiers (capital fictif) combinée aux effets de la crise climatique sur la valeur des produits alimentaires, et à la crise énergétique. Autant dire qu’elle n’est pas près de s’arrêter.

Le problème c’est : qui doit payer ? La hausse des salaires répond : ce sont bien les profits qui doivent, non seulement, payer, mais être stoppés, c’est-à-dire socialisés démocratiquement, pour être remplacés par des investissements basés sur les besoins sociaux et environnementaux, tout de suite. Cela, c’est compatible avec la hausse des salaires, mais c’est la sortie du mode de production actuel, reposant sur le salariat !

La révolution, la révolution réelle et pas le grand soir ou le complot fantasmé, est une chose très raisonnable, nécessaire, terre à terre. La revendication générale de hausse des salaires (et avec eux du salaire socialisé, retraites, pensions, minima sociaux …) est la chose plus urgente, la plus généralement souhaitée, elle pose la question du pouvoir et du maintien de Macron, elle est internationale, et elle requiert dans sa nécessité élémentaire une transformation démocratique du mode de production (VP, 16/10/22).