Macron aggrave sa politique anti-migratoire en s’appuyant sur le Pacte européen.
C’était le 29 septembre 2020, dans le camp de Moria en proie aux flammes, sur l’île de Lesbos, 13000 réfugiés étaient aussi victimes, à cette occasion, d’une relance de la promotion européenne du Pacte sur la migration et l’asile. Ce qui enregistrait l’alignement de Merkel et de Macron sur les politiques les plus hostiles à l’immigration défendues par le groupe de Visegrad ((Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie). Le Pacte prévoyait surtout un durcissement des renvois des migrants non régularisés, des contrôles accrus aux frontières extérieures et une « accélération des procédures ». Ce dernier élément de langage recouvre un processus accéléré pour cibler plus rapidement les migrants qui sont peu susceptibles d’obtenir une protection internationale. Il s’agit, selon la Commission européenne, de ceux venant des pays ayant un taux de réponse positive aux demandes d’asile inférieur à 20%. Comme par exemple, certains pays du Maghreb où Darmanin était la semaine dernière en déplacement pour rencontrer ses homologues, fiches de « classés S » à la main.
Macron s’attaque aux migrants en invoquant « la menace exogène ».
Car c’est maintenant en prétendant organiser la guerre aux terroristes islamistes que Macron et ses ministres organisent la guerre contre les réfugiés. Darmanin certes n’invente pas grand-chose. En 2016, Bernard Cazeneuve s’était félicité de 19 expulsions d’étrangers « radicalisés » et en 2017 Gérard Collomb avait expulsé 20 « étrangers radicalisés ». L’apport de Darmanin, c’est le pilonnage avec lequel il forge un lien entre immigration et radicalisation pour, comme il dit, « donner des gages de fermeté à l’opinion publique ».
Le Ministre de l’intérieur, assisté de Marlène Schiappa, a donc tenu le 13 octobre, le premier point de presse d’une série mensuelle consacrée aux statistiques des performances policières, en focalisant sur un nouvel indicateur : le nombre d’étrangers « en situation irrégulière, fichés pour radicalisation ». Darmanin a déclaré avoir « donné consigne d’expulser » tout en expliquant ne pas pouvoir expulser (en respect des conventions internationales) les personnes originaires de pays en guerre :« Chacun comprend qu’il est difficile d’expulser vers la Libye » a-t-il regretté. Mais les guerres ne sont-elles pas l’un des premiers pourvoyeurs du flux de réfugiés ?
Pendant que le ministre de l’intérieur faisait le tour de ses homologues policiers d’Algérie et du Maroc, Macron prenait la parole à la frontière espagnole, au Perthus, pour annoncer un doublement des effectifs de police aux frontières en se référant aux trois derniers attentats de terroristes islamistes en France commis par un Pakistanais, un Tchétchène, un Tunisien. Des origines qui pour Macron justifient un durcissement du contrôle des « flux migratoires ». Le combat de Macron contre le « séparatisme » prend toute sa dimension avec « l’action contre la menace exogène » et le thème de la défense des frontières de la France. Le renforcement des frontières de l’espace Schengen et des effectifs de Frontex (la force européenne de garde-frontières et de garde-côtes) est pour Macron un objectif. Mais moins immédiat que celui d’une communication visant à concurrencer le Rassemblement National en préparant l’ajout d’un volet immigration dans son texte sur le « séparatisme ».
Contre Macron, la mobilisation des migrants se construit.
Au lendemain de la Marche nationale des sans-papiers, la Coordination nationale se félicitait que la manifestation du 17 octobre ait pu, malgré le contexte sanitaire, les interdictions et les contrôles policiers, réunir 60.000 manifestants, ce qui montrait une forte mobilisation des sans-papiers eux-mêmes et de leurs soutiens. Une manifestation plus nombreuse encore que celle du 20 juin dernier qui avait surmonté l’interdiction du préfet Lallement.
De fait, cet Acte 3 a constitué la mobilisation la plus importante pour la lutte des sans-papiers depuis de nombreuses années. Le soutien de 280 associations et de quelques syndicats, essentiellement l’Union syndicale Solidaires et l’UD CGT de Paris ainsi que des syndicats CGT qui manifestaient aussi le 17 octobre, sont compris par les collectifs de sans-papiers comme un encouragement à la poursuite de la mobilisation.
Mais le principal encouragement vient du travail de construction de nouveaux collectifs de Sans-Papiers dans chaque ville, chaque quartier, chaque foyer et centre d’hébergement qui a été ouvert par la marche elle-même. Elle s’est déroulée pendant un mois sur 4 parcours (Nord, Sud-Est, Est, Ouest) avec 80 étapes, ce qui a développé et fédéré, à chacune d’entre elles, un important de réseau de mobilisation et de soutien.
La manifestation nationale a aussi permis la tenue d’une Assemblée Générale nationale de tous les Collectifs de sans-papiers et des Marches, le dimanche 18 octobre. Des propositions ont émergé sur la base du constat que, malgré l’envoi de la lettre à Macron, la délégation de la Marche nationale des sans-papiers n’a pas été reçue à l’Élysée. Comme l’indique la Coordination : « C’est une réponse. Macron est bien au courant de la tenue des marches et de l’existence d’une mobilisation forte chez les Sans-papiers : les négociations sur le parcours de manif au niveau du ministère de l’intérieur l’attestent ». Macron a choisi de ne pas répondre et de ne pas recevoir de délégation. Cette marque de mépris est une expression de sa politique d’expulsion.
La coordination nationale a donc décidé de poursuivre les mobilisations et de « poursuivre la construction du rapport de force avec le pouvoir ». De nombreuses initiatives d’action sont débattues par les collectifs dont une proposition de grève aux cotés des syndicats début décembre contre le chômage et la précarité.
Et déjà se prépare l’acte 4 : Un appel à manifester le 18 décembre sur tout le pays, pour la régularisation de tous les sans-papiers, la fermeture des centres de rétention, le logement pour tous.