Le vote dans les urnes pour la présidentielles américaine est demain (et se termine pour nous dans la nuit de mardi à mercredi).

Nous verrons, sans doute vite, si l’ambiance de « veillée d’armes » qui pèse sur les États-Unis sera confirmée par coups, incidents et truquages.

En cette veille nous tenons à insister sur un aspect de la situation : le débat sur la grève générale avance dans la classe ouvrière nord-américaine, au moment même où nous en débattons autour de l’exemple bélarusse.

Dès 2011, le début du réveil actuel avait vu une grève générale des fonctionnaires du Wisconsin, puis, lors de la vague Occupy Wall Street, de poussées locales comme à Oakland. Sous Trump (avec des poussées préparatoires à Chicago) la vague de grèves par États des instituteurs, mais balayant les États-Unis, – de la West-Virginia à la Californie – a de fait montré qu’un mouvement de grève pouvait avoir une dimension continentale, cela pour la première fois depuis … 1946 (si nous laissons de côté le cas très spécifique, bien qu’important, de la grève des transporteurs d’UPS en 1997). La grève des instituteurs de Chicago, qui est une composante de la percée électorale socialiste dans cette ville, a aussi été une étape.

Contre Trump, la question a été explicitement initiée comme sujet de discussion dans le mouvement syndical lors du shut-down (fermeture des services publics) de fin 2018-début 2019, par Sara Nelson, dirigeante de l’Association of Flight Attendants, syndicat des agents de bord des compagnies aériennes. Elle y est revenu depuis : « Est-ce que je pense que le mouvement syndical est prêt à mener une grève générale ? Non ! », a déclaré Nelson. « Pouvons-nous le faire, cependant ? Pouvons-nous nous organiser rapidement ? Peut-on définir l’urgence du moment ? Absolument. »

Dans cette déclaration, le scepticisme provient du refus des dirigeants AFL-CIO non seulement de la grève générale, mais de sa discussion, et l’optimisme provient de l’idée que les jeunes, Black Lives Matter, les groupes féministes et environnementaux, seront de la partie : c’est l’expérience du grand affrontement engagé depuis juin 2020 qui parle ici. Mais cette idée va avec celle-ci : le lancement de l’action est de la responsabilité du mouvement ouvrier organisé.

A l’approche du « mur du 3 novembre », cette discussion fait son chemin. L’union locale de Rochester, dans le Nord de l’État de New-York, a consulté ses 100.000 syndiqués pour dire qu’en cas de tentative de coup d’État de Trump refusant sa défaite, l’AFL-CIO doit appeler à la grève générale à l’échelle des États-Unis. L’union locale de Seattle a consulté 200.000 syndiqués qui se prononcent dans le même sens, en précisant que le mouvement devrait être « non violent ». Les syndicats du Massachusetts, à l’échelle donc d’un État, viennent de prendre une position similaire. Le secrétaire de l’AFL-CIO du Vermont (l’État de Bernie Sanders), David van Deussen, appelle à élire des représentants à une grande convention d’État des syndicats qui pourrait décider de la grève générale le 21 novembre en cas de « Trump coup ». Il s’exprime au nom de la direction récemment renouvelée des syndicats de l’État, formée d’un « caucus » de groupes de gauche dominés par les DSA, d’extrême-gauche, de populistes (au sens américain) et d’écologistes et s’appuie sur 10. 000 syndiqués, dans un État très rural et forestier. Il déclare : « La grève politique est illégale mais les coups d’État aussi. »

C’est surtout, semble-t-il, la prise de position de la puissante union de la cité industrielle de Rochester qui a fait du bruit et commencé à soulever une vague de fond. Richard Trumka, dirigeant de l’AFL-CIO, lié au Parti démocrate et qui avait auparavant œuvré contre le soutien syndical à la candidature Sanders, a déclaré refuser la grève générale a priori, mais le simple fait qu’il en parle est nouveau. Le 19 octobre, l’AFL-CIO a adopté une déclaration nationale solennelle. Elle ne parle pas de grève générale mais appelle à voter en masse (implicitement pour Biden). Mais elle comporte ce passage :

« La leçon de notre histoire est claire. Les démocraties ne sont pas, en fin de compte, protégées par les juges, les hommes de lois, les reporters et les éditorialistes. La survie de la démocratie dépend de la détermination du peuple travailleur à la défendre. Et le mouvement ouvrier américain est déterminé à défendre notre République démocratique. »

Dans la lutte mondiale des classes, cette déclaration, qu’elle ait ou non une suite, qu’a du faire l’AFL-CIO, fait écho à la déclaration du dirigeant du syndicat indépendant bélarusse mi-août lorsqu’il affirmait la perspective d’une prise en main du pays par un comité national de grève allant vers des élections démocratiques. Cette déclaration pose la classe ouvrière comme la vraie force qui peut battre Trump. Elle va certainement plus loin que ce que Richard Trumka souhaitait. Elle dessine la seule perspective : l’organisation, tant syndicale que politique, des exploités et des opprimés, massivement mobilisés aujourd’hui aux États-Unis.

Camarades américains, nous sommes avec vous !

02-11-2020.

Cet article a été réalisé à partir notamment des infos contenues dans deux articles suivants : Strike for Democracy!, publié sur le site de Solidarity (US) et « If Trump attempts a coup, all bets are off », interview du secrétaire de l’AFL-CIO du Vermont, paru sur le site de Workers Liberty.