LA REPRESSION s’aggrave très dangereusement depuis dimanche en Bélarus. Elle est à la fois aveugle et ciblée : les femmes, les jeunes et les ouvriers syndicalistes sont les premières victimes.
Maria Kolesnikova, représentante n°1 du « conseil de coordination », a été kidnappée lundi avec deux de ses collaborateurs par une fourgonnette noire non identifiée (mais tout le monde a compris). Elle est réapparue à la frontière ukrainienne : Loukatchenko a tenté de faire croire qu’elle avait fui en Ukraine, mais elle s’est débattue et a détruit son passeport. Elle est actuellement détenue quelque part …

Les dirigeants du comité de grève de l’usine de tracteurs de Minsk (MTZ) Sergei Dylevsky et de l’usine de tracteurs de roues de Minsk (MZKT) Alexander Lavrinovich ont été condamnés. Anatoly Bokun, le délégué du comité de grève de Belaruskali, a d’abord été condamné à une forte amende et à nouveau condamné à 15 jours d’arrestation (rappelons qu’à deux reprises, ouvriers et population l’ont fait libérer du siège de la police). Svetlana Volchek, coordinatrice du comité de grève de l’université d’État du Bélarus, a été condamnée à 15 jours d’arrestation. ATTENTION : « 15 jours » aux mains des Omons peuvent vouloir dire trauma à vie … Lizavieta Merliak, dont la libération a été imposée par un « assaut téléphonique » international, est en attente d’un « procès ».
Nikolaï Zimine, métallurgiste, vétéran du syndicalisme indépendant (BKPD), déjà arrêté et gravement battu en août, a été « repris »et condamné à 15 jours : veulent-ils le tuer ?
Combien de morts, de blessées, de « disparus », de viols, depuis dimanche ? Chasser Loukatchenko c’est aussi pour cela.
DERNIERE MINUTE : Svetlana Alexeievitch, la grande écrivaine, aurait transmis ce matin un message inquiétant, pouvant faire craindre une « arrestation ». Voici la lettre qu’elle a fait parvenir, parue dans la presse dans la journée :
« Il ne reste plus personne de mes amis et compagnons de route dans le Conseil de coordination. Tous sont en prison ou ont été poussés de force à l’étranger. Aujourd’hui, le dernier, Maxime Znak, a été embarqué ce mercredi. D’abord ils ont kidnappé le pays, maintenant c’est au tour des meilleurs d’entre nous. Mais des centaines d’autres viendront remplacer ceux qui ont été arrachés à nos rangs. Ce n’est pas le Conseil de coordination qui s’est révolté. C’est le pays. Je veux répéter ce que je dis toujours. Nous ne préparions pas un coup d’Etat. Nous voulions empêcher la division dans notre pays. Nous voulions qu’un dialogue débute au sein de la société. Loukachenko dit qu’il ne négociera pas avec la rue, mais la rue, ce sont des centaines de milliers de gens qui sortent tous les dimanches et tous les jours. Ce n’est pas la rue. C’est le peuple. Les gens sortent dans la rue avec leurs enfants, parce qu’ils croient qu’ils vont gagner. Et je voudrais aussi m’adresser à l’intelligentsia russe, appelons-la ainsi, à l’ancienne. Pourquoi gardez-vous le silence ? Nous n’entendons que de rares voix de soutien. Pourquoi gardez-vous le silence en regardant un petit peuple fier se faire piétiner ? Nous sommes toujours vos frères.Quant à mon peuple, je veux lui dire que je l’aime. Et j’en suis fière.
Encore des inconnus qui sonnent à la porte. »
- selon les dernières infos la venue des ambassadeurs de Suède et de Roumanie, grossi ensuite de ceux d’Autriche, Pologne, Lituanie, Suisse, Slovaquie, aurait stoppé son éventuelle « arrestation ».
SOLIDARITÉ.
Grande-Bretagne : 7 députés ont déposé au parlement la motion ci-dessous (le passage souligné l’est pas nous, NDR) :
Que cette Assemblée estime que les élections du 9 août en Bélarus n’ont été ni libres ni équitables, que des millions de Bélarusses ont défié le régime d’Alexandre Loukachenko ; condamne la violence et la répression contre des manifestants pacifiques, affirme que les grèves et les manifestations qui ont lieu dans tout le Bélarus sont une source d’inspiration pour les travailleurs et les progressistes à travers l’Europe et le monde, salue le rôle des syndicats et affirme notre solidarité contre les actions anti-grèves du régime, rejette l’idée que la démocratisation doive conduire à des réformes économiques néolibérales, et se félicite des demandes du mouvement syndical de déclarer nulles les élections présidentielles, de révoquer le président Loukachenko, de libérer et d’indemniser tous les prisonniers politiques, de mettre fin à toutes les procédures contre les opposants au régime, de révoquer les fonctionnaires de police et les juges responsables de violence et de répression, de mettre fin au système draconien de contrats à durée déterminée touchant 90% cent des travailleurs au Bélarus ; appelle à la solidarité internationale avec le peuple bélarussien dans sa lutte pour la liberté et la démocratie, et s’oppose à l’introduction de forces répressives extérieures au Bélarus.
Labour party : John Mc-Donnel, Claudia Webbe, Kate Osborne, Bell Ribero-Addy. Democratic Unionist Party : Jim Shannon. Scottish National Party : Kenny Mac-Askill. Independant : Jonathan Edwards.
France : l’initiative d’Aplutsoc et de PEPS commence à avoir des effets. A ce jour (9 septembre 14 h30) les organisations suivantes ont signé l’appel reprenant notre contribution et diffusé à partir de l’ancien collectif Koltchenko, en voie de se reconvertir en « collectif Bellarus » :
Arguments pour la lutte sociale (APSL) – Critique sociale – Émancipation, tendance intersyndicale – Gauche démocratique et sociale (GDS) – L’insurgé – Pour une écologie populaire et sociale (PEPS) –Section des correcteurs du Syndicat général du Livre communication écrite CGT –Union Communiste Libertaire (UCL)- Union syndicale Solidaires – Ensemble – NPA – CEDETIM (m-a-j au 10-09-2020).
Ces premiers signataires (et on en espère d’autres) donnent une première « surface » pour impulser un appel à manifester associant les organisations syndicales qui ont pris position pour la défense de la classe ouvrière bélarusse : CGT, FSU, Solidaires (on attend toujours la CGT-FO !!!).
Dès aujourd’hui nous appelons à participer au rassemblement organisé tout à l’heure à 18H devant l’ambassade russe 40-50 Bd. Lannes 16°.
DÉBAT.
Certaines des organisations signataires l’ont été tout en émettant des réserves qui peuvent se ramener à deux points : ce texte répandrait des illusions en parlant de « grève générale » et il omettrait de dénoncer les menées de l’Union européenne, voire même regretterait qu’elles soient insuffisantes (en fait il ne fait que constater que quand la répression s’est abattue le soir et le lendemain du scrutin, les chefs d’État européens ne disaient rien).
Sur le premier point : nous avons publié un article sur l’état réel de la mobilisation dans la classe ouvrière au moment présent qui fait état des difficultés politiques et liées à la répression. Notre position pour l’emploi des mots « grève générale » n’a ici strictement rien à voir avec une mauvaise information, bien au contraire. 1°) il y a eu démarrage de grève en masse le 11 août et les jours suivant et c’est cela qui a ouvert une situation où la question du renversement du pouvoir est bel et bien posée, 2°) le contenu politique est celui d’une grève générale : rassemblement au grand jour des opprimés et exploités, et il ne faut pas séparer les grèves, même en pointillé (ce qui suppose de toute façon un haut niveau d’organisation et de mobilisation) des manifestations de masse, notamment celles du dimanche, et les marches des femmes le samedi. 3°) « grève générale » est spontanément, depuis le lundi 10 août, le terme employé par les bélarusses eux-mêmes. Va-t’on entreprendre de leur expliquer qu’ils ne sont pas en « grève générale » ? Pour qui ne fétichise pas ces mots, il est précisément justifié de les employer ici : ils donnent le contenu politique et correspondent au niveau de mobilisation en tenant compte de la durée, de la répression et des obstacles politiques. Il est donc très bien que même si c’est en grognant un peu, toute une série d’organisations signent un appel qui qualifie le mouvement réel pour ce qu’il est.
Sur le second point : d’une part, la formule « pas d’ingérence » n’a pour nous aucun sens, car, oui, nous nous ingérons : l’internationalisme, la solidarité, la mobilisation internationale sont des « ingérences ». Cela dit pourquoi, dans un appel à la solidarité avec les grévistes, les manifestants, les femmes … faudrait-il à tout prix placer la mention des dangereuses « ingérence » de l’UE et de l’ « Occident », thème de toute la propagande de Loukatchenko ? Quand on appelle à la solidarité avec les travailleurs grecs ou italiens, on n’éprouve pas le besoin de placer à tout prix une phrase sur les ingérences du régime de Poutine – et pourtant, elles ne manquent pas … La priorité est d’appuyer les revendications démocratiques qui se concentrent en un point : chasser Loukatchenko. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas analyser et discuter de la politique de toutes les grandes puissances qui naturellement cherchent à peser. Mais ceci est-il nécessaire dans l’appel initial à l’action de solidarité ? Les ingérences « occidentales » seraient forcément pire que les ingérences russes ? En voila une idée qui a une vieille histoire … mais qui ne convaincra pas en Bélarus !
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Pour conclure, cette pensée du jour fort juste, due à … Alexandre Loukaschenka !
« Si Loukaschenka s’écroule, tout le système s’écroulera, suivi de toute la Bélarus. »
« Si la Bélarus tombe, le prochain sera la Russie. »
Mise à jour du 14 septembre
Enfin la confédération FO, par un communiqué en date du 9 septembre, « apporte son soutien aux travailleurs biélorusses ». Il fut un temps où les prises de position de FO en soutien aux travailleurs et syndicalistes des pays de l’Est ne tardaient pas trois semaines sur celles de la CGT. Mieux vaut tard que jamais …