Alors que la CGT annonce 2,3 millions de manifestants dans toute la France dont 550.000 à Paris, le pouvoir a bien été obligé de concéder un chiffre, certes minoré, de 782.000 à l’échelle du pays.
Si l’on en croit certains médias, d’un côté on avait de méchants casseurs à l’œuvre, de l’autre de méchants manifestants refusant d’acheter du muguet à une brave dame. Hélas, de tels remplissages d’écran ont bien été constatés ce jour à des heures de grande écoute. Nos correspondants ont constaté une tout autre réalité : celle d’un mouvement profond qui cherche une issue.

Rien qu’à Paris, le cortège dit « de tête » placé devant le carré de tête officiel de l’Intersyndicale et le cortège UNSA-CFDT-CFTC-CGC sur le Boulevard Voltaire, avait une ampleur qui rendait caduque l’expression « de tête ». On peut honnêtement attribuer une cotation à minima à 50.000 manifestants, sinon plus, pour cette « tête ».
Dans cette marée, les cortèges syndicaux par confédération semblent noyés, submergés. Au-delà de leur camion ou camionnette plateforme à grosse sono servant à ancrer la structure de leurs troupes, ils paraissent tels des bouées flottant dans l’océan. La masse est là, qui s’affirme, qui se cherche, qui exhibe ses trouvailles de slogans et de pancartes, qui chante et invente, qui se moque des frontières des organisations, qui avance inexorablement malgré les freinages et les blocages de la marche sous l’effet des échauffourées en toute première ligne, celle du contact entre FDO et « casseurs ».

Épars, des pôles de structuration surnagent. Mais semblent de bien frêles esquifs. Ceux qui se désoleraient à gauche sur l’état de nombreux groupes, sous-groupes et groupuscules en les qualifiant de « généraux sans troupe » avaient ce jour sous les yeux la marée de la « troupe qui se cherche des généraux ». Non pas au sens de l’enrégimentement mais plutôt celui de la structuration avec un but, une cible, une méthode, une coordination, un truc solide quoi.
Si la cause de la marée humaine est bien dans le rejet ultra-massif de Macron et de sa réforme comme de toutes celles qu’il a déjà entamées ou annoncées, au moment présent aucune force significative n’exprime cela par l’affirmation qu’il doit partir, même si l’idée trotte dans toutes les têtes.
On peut imaginer ce qu’aurait été cette journée si les confédérations regroupées dans l’Intersyndicale avaient lancé la consigne d’une manifestation nationale ce jour pour imposer le RETRAIT, celui de la réforme des retraites comme celui de son concepteur.
Tous les groupes qui se veulent révolutionnaires faisaient plutôt assaut de platitudes façon « après on continue » ou « vers le renversement du système et la mise en place d’un pouvoir des travailleurs… » sans jamais énoncer une chose simple, concrète et immédiatement nécessaire : DEHORS MACRON ! La palme du jour revient à une fameuse tendance internationale qui appelle à la Une de son bulletin à « lutter pour le socialisme ». Et oui, tant que vous ne serez pas des millions à « lutter pour le socialisme », vous n’aurez pas le droit de poser l’évidence : dehors Macron ! Pour retirer, défaire, détruire, abroger, liquider, supprimer, enterrer, exploser, écrabouiller, éradiquer ses contre-réformes ! Non, d’abord, il vous faut « lutter pour le socialisme » !
La course s’engage. D’un côté, ceux des dirigeants de l’Intersyndicale les plus pressés de se dégager de ce mouvement toujours montant vont chercher à retrouver dans les jours à venir le chemin du « dialogue social », c’est à dire celui du renoncement sur les revendications de leurs mandants pour discuter sur la base du seul cahier de revendications des patrons. De l’autre, le fondement de la révolte est toujours là : 64 ans, salaires, services publics, conditions de vie et de travail, etc … Les casserolades de la précédente quinzaine avaient commencé à exprimer l’objectif politique précis : du « on va pas les lâcher », cela poussait vers « on veut les dégager ». Il convient de renforcer ce sentiment ; dans les AG sur les lieux de travail comme dans les rassemblements devant les mairies, organisons-nous pour poser l’évidence :
Macron démission ! Macron retrait ! Macron dehors !
Correspondant, 1er mai 2023.

Bonjour,
Merci pour vos analyses. Pour illustrer votre propos, un petit exemple.
A Avignon, manifestation du 1er mai « bordélique ». On a bien une banderole de tête, mais tout le monde se place de plus en plus selon les envies, malgré la volonté de tout chorégraphier. La FSU a d’ailleurs renoncé à son camion, ce qui est plutôt une bonne chose dans cette optique. Les camions CGT, FO et CFDT, ainsi qu’un camion CNT (pas vu dans nos contrées depuis que j’y vis, c’est à dire 18 ans!) ont bien envoyé leur musique à tue-tête (et tue-slogans!), mais des parties de cortège ont pleinement rempli la fonction politique de la manifestation, avec force chants et slogans hostiles à la réforme des retraites et à Macron.
20000 manifestants selon l’intersyndicale, regroupés en fin de parcours sur une place du Palais des Papes noire de monde. La prise de parole de l’intersyndicale se termine, et avant que la sono n’envoie l’Internationale, soudain un immense « Macron démission! » retentit, repris spontanément, avec enthousiasme, par tous les présent-e-s.
Comment gagner, alors que nous sentons bien la force du mouvement? Nous sommes nombreux à n’en plus pouvoir des querelles de chapelles syndicales et politiques, mais nous ne trouvons pas l’outil adéquat pour l’instant. Les collectifs et comités qui s’étaient articulés autour des salarié-e-s de l’éducation nationale en 2019-2020 ont conservé un noyau dur, mais la mobilisation du secteur manque de vigueur pour jouer un rôle moteur de coordination, la mobilisation de la jeunesse étudiante s’appuie sur des lycéens et étudiants déterminés, mais minoritaires.
On se bat, on cherche, on ne lâche rien, mais on ne voit pas encore l’issue victorieuse se dessiner. Malgré tout on ressent ce devoir impérieux de continuer à souffler sur les braises, en espérant que des camarades font de même, partout ailleurs dans le pays.
L’absence d’un secteur-clé avec une coordination nationale est un handicap difficile à surmonter dans une optique syndicale, dans la mienne, en tout cas. Il faudra donc trouver autre chose, si une telle coordination ne se dessine pas.
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Reflet du potentiel inentamé du mouvement de lutte contre Macron en ce 1 Mai, une inflexion quand-même significative du discours de J.L. Mélenchon :
https://blogs.mediapart.fr/marc-daniel-levy/blog/020523/melenchon-bas-la-veme-republique-1523
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