Le « débat » à l’Assemblée nationale sur la loi anti-retraites de Macron s’est achevé vendredi 17 février à minuit. Le chahut parlementaire dans cette chambre d’enregistrement suscite maints commentaires désabusés. Il n’est pas sans intérêt ni sans importance, pour les travailleurs, d’en décrypter les grandes lignes.

Macron a utilisé un article de la constitution réécrit sous son ami Sarkozy : le 47-1 qui permet de stopper dans un délai imparti (50 jours maxi) tout débat parlementaire et de recourir aux ordonnances. Cet article ne s’applique qu’aux « PLFSS », « Projets de Loi de Financement de la Sécurité Sociale », il a donc fait rentrer sa loi dans cette rubrique. Rappelons d’ailleurs que le « financement de la Sécurité sociale », c’est-à-dire de la part des salaires mise au pot commun qui n’appartient qu’aux salariés, ne devrait rien avoir à faire avec l’État et n’en relève que depuis le plan Juppé de 1995. Tout projet de loi pouvant désormais, directement ou indirectement, avoir des conséquences sur le « financement de la Sécurité sociale », le précédent instauré par Macron, si le Conseil constitutionnel l’avalisait, permettrait le cas échéant de ne même plus faire voter la plupart des lois par l’Assemblée nationale et le Sénat !

Nous avons donc affaire à un acte d’autoritarisme, d’arbitraire, de mépris du vote, de mépris de toute procédure de discussion, digne d’une dictature. Et en même temps, c’est ce Macron affaibli du second quinquennat, cet exécutif minoritaire et ébranlé, qui prétend gouverner ainsi, par décrets et oukazes présidentiels.

Ils n’ont toujours pas vraiment de parti du président à eux : les trois formations macroniennes demeurent largement ectoplasmiques, et en partie tournées, déjà, vers l’après-Macron pour celles de Bayrou et d’Édouard Philippe. D’où la place centrale prise par LR pour faire passer l’attaque contre les retraites, et le choix stratégique d’Éric Ciotti de s’instaurer bras droit de Macron dans cette affaire.

Cette combinaison de force constitutionnelle dictatoriale et de faiblesse réelle de l’exécutif et de ses assises politiques et sociales, est explosive. Les motions de censure à répétition l’automne dernier n’ont servi à rien et n’avaient aucune chance d’aboutir. Mais cette fois-ci, les groupes parlementaires étaient sous la menace d’un mouvement social très puissant exigeant le retrait de ce projet de loi et dessinant une perspective autre : celle de la retraite de Macron. De larges secteurs du groupe LR et des groupes macroniens se demandant s’ils n’auraient pas intérêt à quitter le navire quand il est encore temps, risquant donc de précipiter son naufrage.

Et donc … et donc, tous les groupes de la NUPES ont renoncé, précisément maintenant, précisément quand les brèches de la peur sociale s’ouvraient, à présenter une motion de censure en riposte au choix fait ouvertement de ne pas tenir compte du moindre « débat parlementaire » par l’article 47-1. Honte à eux : ils ont ainsi permis au RN de le faire pour finir, sans aucune chance d’aboutir, et de tenter de tirer les marrons du feu. Quand on protège Macron, car c’est de cela qu’il s’agit, voilà le résultat.

C’est dans ce cadre que les palinodies sur  » fallait-il aller jusqu’au vote de l’article 7″, portant sur les 64 ans, ou non, en retirant, ou non, quelques milliers d’amendements, doivent être évaluées. On n’amende pas un texte inamendable dont l’immense majorité exige le retrait. On le rejette en totalité et en détail dans chacun de ses articles.

S’il était possible, comme semblent l’avoir espéré les partisans du retrait des amendements pour arriver à ce vote, de repousser l’article 7, alors il était possible, dès avant, de censurer le gouvernement et donc d’ébranler l’exécutif en renversant Mme Borne. Peut-être n’était-ce pas possible, mais il était alors inutile de prétendre, comme l’a fait J.L. Mélenchon en meeting à Montpellier, que le vote de cet article serait une défaite qui allait soi-disant démobiliser « les ballots » (sic ! ) et ainsi de faire croire que la « mobilisation » dépendrait du « ton » des députés, seul celui des députés LFI étant suffisamment aiguë ?

Allons donc : les millions qui manifestent, les millions qui s’apprêtent à faire grève, ne risquent pas quant à eux d’être démobilisés par quelque épisode que ce soit des palinodies d’un parlement croupion qui enregistre tout ce que Macron lui dit, même dans le chahut. Leur affaire à eux, ce n’est pas le chahut, c’est le retrait. Sauvons-nous nous-mêmes par la grève totale et l’unité centralisée contre Macron à partir du 7 mars !

Le 19/02/2023.