Nous donnons ici le message bien senti de Hanna Perekhoda, traduit du russe avec son accord.

Le parti de Jean-Luc Mélenchon a tenu une conférence de presse à l’Assemblée nationale où la parole a été donnée à trois Russes. Les noms vous sont familiers. Alexei Sakhnin, Andrei Rudoï et Yelizaveta Smirnova, présentés comme membres de la « coalition des socialistes russes contre la guerre ». Le modérateur de la discussion était Sa Majesté la République c’est Moi. Oh désolé, Melenchon. Je ne ne peux que le féliciter pour cette opération de relations publiques réussie. L’un des principaux pantins de Poutine dans la politique française pourra désormais plaider : « Ecoutez, je ne suis pas un défenseur de Poutine, puisque j’ai des amis anti-guerre russes » !

Je ne sais pas si les militants invités réalisent pleinement dans quoi ils se sont embarqués, mais ce n’est pas mon problème. Quoi qu’il en soit, je ne peux qu’être heureuse pour eux, et pour le fait qu’ils aient réussi à quitter la Russie. Je peux me mettre à leur place et comprendre leur choix. Le problème est autre. Quel est leur « discours anti-guerre » maintenant qu’ils peuvent s’exprimer librement sur le sol français ?

Il suffit de dire que l’Ukraine et les Ukrainiens n’ont pas eu l’honneur d’être mentionnés par les militants anti-guerre. Mais ils ont eu le temps de discuter avec les Français de la manière dont ils veulent construire un nouveau monde démocratique après la guerre. Ils auraient pu même montrer une carte, mais allez savoir pourquoi, ils n’y ont pas pensé.

A la 35ème minute de la conférence, un journaliste du public a posé, apparemment gêné, une question. « Avez-vous quelque chose à dire aux Ukrainiens ? « . Rudoï répond : « La majorité ouvrière de la Russie et celle de l’Ukraine n’ont rien à se reprocher. Nos principaux ennemis sont nos autorités. Ce qui est nécessaire, c’est l’unité de la majorité ouvrière de Russie et d’Ukraine contre les autorités bourgeoises. « 

Est-il utile d’expliquer quel est le problème à ce spécimen pour musée de chauvinisme russe pseudo-internationaliste ? Je peux l’expliquer spécialement, au cas où cela ne serait pas encore évident pour tout le monde.

Je ne connais pas ce type. Eh bien, au cas où vous le fréquenteriez, dites-lui que les socialistes ukrainiens en ont assez de voir les socialistes russes faire leur traditionnel numéro de danse.

Non, les d’autorités ukrainiennes ne sont pas nos principaux ennemis. Nos principaux ennemis sont les autorités russes, qui mènent une guerre invasive sur notre territoire. Nous aimerions sincèrement vous aider à sortir de votre cocon impérial et vous aider à réaliser enfin une vérité simple qui vous permettrait de sortir de votre impasse politique. Seule la victoire de l’Ukraine et l’abolition de l’empire colonial russe permettra, comme sa première et unique condition, la libération du peuple russe. Il est impossible de sauter par dessus cet étape pour se retrouver dans votre « Russie socialiste du futur ».

Si, au cours de ces 9 mois de guerre d’invasion, vous n’avez pas réalisé que vous n’étiez pas les Français en 1914, mais que vous êtes les Allemands en 1939, je ne peux que compatir à votre manque d’éducation historique. Si vous voulez continuer à jouer à l’éveil de la conscience de classe des prolétaires vivant dans un État fasciste, personne n’a le droit de vous en empêcher. Mais ne vous étonnez pas d’avoir droit à un tour de montagnes russes sur la réalité, que vous refusez soigneusement de comprendre. La société russe est imprégnée de conscience coloniale, de chauvinisme et d’impérialisme messianique. Cette idéologie a empoisonné les gens de toutes les strates sociales et, à moins que vous ne vous dressiez droit contre elle, vous ne pourrez rien faire d’autre que d’entraîner le mouvement socialiste russe dans une nouvelle série d’échecs.

Les socialistes ukrainiens sont prêts à vous tendre la main et à vous inviter à nous rejoindre dans notre lutte contre l’expansionnisme et l’impérialisme russes, dont la victoire est la première condition nécessaire à toute lutte pour une société juste, tant en Russie qu’en Ukraine. Nous, Ukrainiens, sommes en train de perdre nos meilleurs éléments, y compris ceux de gauche, qui ont pris les armes y compris pour vous sauver, vous, de votre principal malheur – l’empire qui se prend pour un État-nation. Et vous, vous faites quoi ?

J’aimerais, bien sûr, avoir tort, mais malheureusement, il semble que nous allons devoir contempler votre échec honteux et nous allons devoir, comme toujours, compter uniquement sur nous-mêmes pour résoudre le problème d’un empire devenu fou.

Réflexion complémentaire (traduite ici de l’anglais) :

Imaginons. La vraie guerre inter-impérialiste commence, disons entre EU et Russie. Ces « socialistes » russes qui aujourd’hui appellent la guerre russe en Ukraine une guerre inter-impérialiste, ceux qui disent que « les classes ouvrières russe et ukrainienne devraient se battre contre leur propre bourgeoisie », que vont-ils faire ? Vont-ils appeler les travailleurs russes et américains à déposer leurs armes et à commencer une « trêve de Noël » ? Ou vont-ils soutenir leur propre État russe contre l’impérialisme américain, le seul, le vrai, vous savez bien ? Quelle option semble la plus plausible ?