Enfin : le président de la corruption et des tirs de ses nervis contre la foule a été viré. Le monde entier a pu se réjouir des images des prolétaires sri-lankais envahissant la résidence et plongeant dans la luxueuse piscine de Gotabaya Rajapaksa.
Depuis notre article de mi-mai, c’est l’axe politique donné par la Coordination étudiante du Sri Lanka qui a permis au mouvement, non pas seulement de continuer car il aurait continué, mais de continuer à se centraliser pour remporter cette première victoire, en se donnant l’objectif clair de chasser le président, son gouvernement, sa mafia, et leur État.
La chute de Rajapaksa déploie une onde de choc régionale et mondiale.
Régionale : elle est le point de mire de tout l’ébranlement des larges masses du sous-continent indien, elle s’est appuyée sur le mouvement paysan indien et elle lui confère à son tour un nouvel élan. Parti du pays qui, apparemment, était au plus bas en matière de misère et de répression voici deux ans, elle donne la perspective aux mouvements sociaux des prolétaires, des paysans, de la jeunesse, celle de renverser les États en place pour imposer la démocratie, première condition de la survie. C’est là la forme actuelle de la révolution prolétarienne.
Mondiale : la chute d’un président « démocratiquement élu » fait peur à tous les grands de ce monde, de Paris à Moscou et de Delhi à Beijing. Elle se combine à la faillite de l’État qui ne peut rembourser une dette prétendue « publique » qui se répartit entre la Chine en n°1, officiellement pour 19% du total et de manière décisive dans des investissements portuaires et aéroportuaires dont un « hub » aérien à ce jour désert, l’Inde, et des banques considérées comme plus classiquement « occidentales » comme Lazard et Rothschild, en charge de la restructuration de la dette et donc, notamment, de la défense des intérêts capitalistes chinois.
Par elle-même, cette grande victoire démocratique et prolétarienne ne règle pas la suite, car lorsque le pouvoir est renversé il faut le prendre. Faute de quoi – et c’est déjà le cas – les appels à un « gouvernement d’union nationale véritable » pour enfin « bien gérer l’économie », se font entendre. Nous sommes maintenant dans la situation que nous annoncions le 14 mai dernier (pas de mérite particulier à cela, juste le fait de ne jamais oublier que la question sociale c’est la question du pouvoir politique et que la question du pouvoir politique n’est pas seulement dans la rue mais dans les entreprises et pas seulement là mais au niveau central de l’État) :
« Chasser le pouvoir en place et détruire le gang au pouvoir est l’objectif premier. Il ouvre la voie à la démocratie et aux conquêtes sociales. Si la bande au pouvoir est virée, ce sera par le peuple insurgé. Dès lors, se posera à lui la question d’organiser des élections à une assemblée constituante dans les conditions les plus démocratiques qui soient. Et de se lier à la lutte engagée dans les autres pays du monde indien, avec la résistance armée au Myanmar qui se renforce, avec les peuples du Pakistan qui viennent eux-mêmes de produire un remaniement du pouvoir, avec les paysans, ouvriers, peuples, femmes, dalit et la jeunesse d’Inde comme du Bangladesh. »
La première victoire révolutionnaire au Sri Lanka est l’évènement révolutionnaire le plus important, avec la levée en masse et en arme du peuple ukrainien, de la période dans laquelle le monde est entré le 24 février dernier. Nous serons donc amenés à en reparler et nous invitons, comme éléments de discussion, à lire et discuter les articles suivants de Jacques Chastaing.
Le 12/07/22.