Présentation

Nous poursuivons la publication de la longue réflexion du camarade Alain Dubois consacrée au rapport entre marxisme et biosphère. Celle-ci est soumise à la discussion et elle doit, selon nous, nourrir une discussion sur la façon de faire face aux dangers déjà plus qu’ immédiats auxquels l’espèce humaine et toute forme de vie terrestre sont exposées par la prolongation de la société capitaliste et de son mode de production.

Nous souhaitons que la réflexion suscitée par la lecture de cette contribution favorise d’autres contributions, même critiques, même opposées, que nous appelons de nos vœux.

Le combat pour renverser le capitalisme et tenter de sauver les conditions de la vie humaine et biologique sur terre nécessite la mise en mouvement de centaines de millions d’êtres humains et ceci ne peut se faire qu’à travers une activité consciente, une prise de conscience et une mise en œuvre de stratégies impossibles sans la délibération et la confrontation des opinions sur la voie à tracer.

La rédaction.

Sommaire

  • Introduction
  • Les visages multiples de l’effondrement
  • Le collapse sanitaire
  • Le collapse environnemental
  • Le collapse climatique
  • Le collapse économique
  • Le collapse énergétique
  • Le collapse numérique
  • Le collapse culturel
  • Le collapse démographique et migratoire
  • Le collapse nucléaire militaire
  • Le collapse nucléaire « civil »
  • La synergie des collapses
  • Conclusion : ces méchants collapsologues
  • Notes

Introduction

Les effondrements (collapses) qui ont déjà commencé et surtout sont prévisibles dans les années à venir sont profonds, multiformes et corrélés, et sont porteurs du risque majeur de celui de l’implosion de l’ensemble de la civilisation humaine, sinon même de toute vie sur terre. Elles procèdent toutes d’une altération majeure des relations entre les humains et entre ceux-ci et le reste de la biosphère, particulièrement depuis la deuxième guerre mondiale, causée par la recherche permanente d’un accroissement de la plus-value, moteur unique du fonctionnement de la civilisation capitaliste mondiale. La perspective optimiste mais peu réaliste d’une sortie mondiale immédiate du capitalisme, qui viendrait probablement déjà trop tard pour bloquer significativement ce processus mortifère, devra tôt ou tard faire place à celle de la préparation de l’« après-collapse ».

Les visages multiples de l’effondrement

L’effondrement qui est devant nous concerne ni plus ni moins celui de la civilisation humaine, sinon de toute vie sur terre. Pour désigner les discours qui en parlent, le terme d’« effondrologie », et ceux qui les tiennent d’« effondrologues », sont absolument hideux et incompréhensibles, et je leur préfère les termes anglo-saxons « collapsologie » et « collapsologues », basés sur le terme « collapse », signifiant « effondrement », « écroulement », « éclatement ». Cet emploi francisé du terme « collapse » et de ses dérivés revient à en faire un terme technique, utilisable dans toutes les langues et désignant un phénomène planétaire et le distinguant de tous les autres types d’effondrements, que ce soit celui d’une pile de boîtes de conserves ou celui, en larmes, d’une personne dont les espoirs sont déçus.

Le collapse à venir est la conséquence d’une période de l’histoire de la planète terre qui a reçu la désignation d’« anthropocène » [1‒5] pour exprimer le fait que c’est la conquête de toutes les terres émergées par les espèces humaines, et surtout, lors des 300.000 dernières années, par la dernière née, Homo sapiens, qui est devenue le facteur géologique et climatique planétaire principal. Les humains ont très tôt modifié leur environnement, plus que toutes les autres espèces vivantes, mais l’ampleur de ces modifications a été en croissant au cours du temps pour devenir exponentielle lors des dernières centaines puis dizaines d’années. Plusieurs dates ont été proposées pour fixer le début de cette période qui termine celle de l’holocène [4]. Si l’on considère que l’anthropocène débute avec l’extinction de la mégafaune (vertébrés géants), tout d’abord insulaire (il y a environ 50.000 ans), on peut distinguer au sein de celui-ci le « capitalocène » [6] datant du début du capitalisme industriel (vers 1760), mais la césure la plus importante est celle qui peut être datée très précisément du 16 juillet 1945, avec l’explosion de la première bombe atomique lors de l’essai Trinity sur la base d’Alamagordo aux USA, « couronnement » du « projet Manhattan » lancé par Roosevelt en 1940, prélude aux bombardements d’Hiroshima et Nagasaki des 6 et 9 août 1945, qui ont ouvert à la voie à l’« ère nucléaire » dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Celle-ci a propulsé la technologie scientifico-industrialo-militaire à la place de facteur principal des relations entre les humains et entre eux et l’ensemble de la biosphère [7‒8]. Ce point de basculement est quasiment synchrone de la découverte (1944‒1953) de la structure de l’ADN, de son rôle dans l’hérédité et de ses fonctions, qui fut à la base de l’expansion d’une multitude de biotechnologies qui ont également modifié considérablement la biologie, la médecine, l’agriculture et de nombreux autres domaines. Le terme de « nucléocène», qui renvoie à la fois au noyau atomique et au noyau de la cellule (qui contient l’ADN chez les organismes cellulaires) serait particulièrement approprié pour désigner la période du capitalocène postérieure à 1940.

Le collapse à venir (ou déjà commencé) est un phénomène planétaire, multiforme et résultant de la convergence de plusieurs causes distinctes (mais parfois corrélées), ce qui justifie de parler de « collapses » au pluriel. Tentons de faire la liste des plus importants d’entre eux.

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