Quelle qu’en soit la suite, c’est un évènement important. Dimanche 2 janvier, des manifestations de masse et des grèves ont éclaté dans l’ouest du Kazakhstan, dans les villes de Zhanaosen puis d’Atkiub et Aktau, région de pétrole et de gaz située en périphérie de la mer Caspienne. Dirigées initialement contre la hausse du prix du gaz liquide servant de carburant, ces manifestations ont très vite vu s’affirmer revendications économiques et slogans démocratiques.
Le pouvoir a envoyé une « commission » pour « travailler » sur la régulation des prix énergétiques, dont la hausse serait due à des spéculations boursières et à la détérioration du matériel. Il a en même temps menacé de répression. Or, mardi, les manifestations ont gagné tout le pays (grand comme l’Europe, 19 millions d’habitants), et notamment la capitale Almaty (ex- Alma-Ata). Internet, Instagram et WhatsApp ont été coupés ce mardi …
Le Kazakhstan, frontalier notamment de la Russie, de la Chine, et des États d’Asie centrale (Turkménie, Ouzbékistan, Kirghizie), est réputé un pays où « règne l’ordre » : depuis la répression des émeutes marquant le début de la « pérestroïka » en 1986, le pouvoir a été saisi, et jamais lâché, par le premier secrétaire puis président-despote toujours réélu Nazarbaiev, qui le détient de 1987 à 2019 où il le transmet à Kassim-Jomart Tokaiev, dont la carrière commence dans les années 1980 comme n° 3 de l’ambassade soviétique à Pékin. Le Kazakhstan est stratégique pour l’exploitation des matières premières et énergétiques du capitalisme russe et du capitalisme chinois et représente 40% de la production mondiale d’uranium, avec notamment Gazatomprod, un complexe industrialo-financier dont les origines, comme sa sœur russe Gazprom, proviennent de l’URSS de Brejnev.
Parmi les mineurs et les travailleurs du gaz et du pétrole, le mouvement ouvrier kazakh lutte depuis des années. Justement, sa grande défaite s’est produite à Zhanaosen, le 16 décembre 2011, par le massacre policier d’officiellement 14 travailleurs, en réalité des dizaines de fois plus. Ce massacre visait à tuer dans l’œuf l’élection de conseils de travailleurs dans les mines et les raffineries et l’émergence d’un syndicalisme indépendant. Or, c’est précisément de Zhanaosen que l’étincelle des manifestations actuelles, qui ont gagné tout le pays, est partie.
Le despote propriétaire privé de la majeure partie du capital de Biélorussie, Loukatchenko, a bien compris les enjeux (et donc Poutine aussi) : les médias biélorusses aux ordres tirent sur les manifestants kazakhes, des « agents de l’Occident », et appellent la police à la fermeté.
Il n’y a ni Est, ni Ouest, ni Nord, ni Sud, pour les prolétaires. Solidarité totale avec les manifestants kazakhs ! Démocratie au Kazakhstan et libre organisation des travailleurs !
Photographie : Almaty, ce mardi.