Présentation
Nous publions ce texte de Gérard Mordillat, paru sur sa page Facebook. Cette expression illustre comment l’idée du boycott/ abstention active fait son chemin. Cette discussion est à poursuivre.
Document
L’oligarchie et les médias ont choisi le couple de fondés de pouvoir qu’ils veulent nous faire départager lors d’une cérémonie propitiatoire connue sous le nom de « présidentielle ». La puissance financière et son bras armé, la puissance médiatique, sont déjà à l’œuvre pour nous convaincre qu’il n’y a pas d’alternative : ce sera Emmanuel Macron ou l’hydre à deux têtes de l’extrême-droite, Marine Le Pen ou Éric Zemmour. L’une ou l’autre dirigeront le pays au mieux des intérêts de ceux qui les auront conduits au pouvoir : les tenants du CAC 40, le MEDEF, Bernard Arnault, Bolloré et consorts.
À la veille de l’élection présidentielle, deux constats s’imposent :
1) Du fait de l’abstention massive, la légitimité des pouvoirs institutionnels ne repose plus que sur une part infime de la population réelle.
2) L’éparpillement des forces d’opposition les condamne à l’impuissance. En d’autres temps, nous aurions dit que tout est réuni « pour désespérer Billancourt ».
Partant, c’est croire au Père Noël que considérer « la présidentielle » comme une manifestation démocratique. Les candidats autres que les présélectionnés ne servent qu’à alimenter la fiction d’une liberté des électeurs. Ils sont, au choix, des figurants ou des servants d’un système qui les utilise pour meubler le décor. Cela pose la question fondamentale : « à quoi sert-il de participer à une compétition électorale que l’on est sûr de perdre ? ».
Les réponses sont connues :
- La présidentielle est l’occasion de faire entendre des voix que l’on n’entend pas d’ordinaire ;
- Le système donne une chance – même infime – et nous devons tout tenter pour la saisir ;
- Peut-être est-ce salutaire pour la gauche de disparaître si elle se reconstruit en mieux sur ses ruines.
Qu’elles soient volontaristes, théologiques ou cyniques, ces réponses n’ont comme horizon qu’une incontournable défaite.
Dès lors, pourquoi s’obstiner ?
Sommes-nous éternellement voués à perdre ?
Peut-être pas, si nous avons l’audace de rompre avec ce système électoral mortifère et admettre que cette « élection » – quasiment au sens religieux du terme – ne nous concerne pas.
Boycottons la présidentielle !
Les Régionales avec leur 66% d’abstentions montrent que, consciemment ou inconsciemment, les Français ne veulent plus voter pour un système qui n’a pour objectif que de se reproduire à l’identique. Transformons cette absence de vote par découragement, voire par désespoir, en une abstention militante.
Boycottons cette élection perdue d’avance et donnons tout pouvoir aux législatives !
Il est urgent que les forces qui défendent le bien public contre le profit individuel prennent conscience de la perversité criminelle de ce système et que, faute de pouvoir l’abattre frontalement, le retournent contre lui-même, le disqualifient, le ruinent par l’absurde. S’il y a 70 ou 80% d’abstentions, quelle sera la légitimité du vainqueur ?
Il est impératif de récuser les règles que ce système impose ; plus impératif encore de construire une alliance pour les législatives avec l’ensemble des partis politiques de gauche, les associations syndicales, environnementales, sociales, culturelles, sportives sur la base d’un projet politique d’émancipation, de justice sociale et d’ambition environnementale. Et, une fois les législatives gagnées, reprenons cette proposition du Front de gauche : réunir une constituante pour réécrire la constitution sur une base réellement démocratique.
Si nous devons nous battre, battons-nous pour gagner. Pour agir enfin avec une véritable perspective de victoire. Aussi imparfaites soient-elles, les législatives sont à notre portée et représentent sans doute notre dernière chance d’écarter la mise en place d’un régime ultra-libéral, néofasciste dans l’âme, post-fasciste dans les faits, xénophobe et raciste sans vergogne.
Nous entendons déjà les clameurs s’élever : c’est impossible ! Les partis n’accepteront jamais de boycotter la présidentielle ! En plus, les législatives amplifient toujours le score du vainqueur ! C’est de l’utopie ! Ça n’a pas de réalité politique ! Les Insoumis refuseront, les Communistes ont déjà leur candidat, les Verts aussi, les socialistes croient au mythe du Phoenix renaissant de ses cendres, le NPA, LO à la vertu de la parole révolutionnaire…
Entre tous ces partis, il est indéniable qu’il y a des différences d’appréciation. Sont-ils insurmontables ? Lénine, en son temps, a poussé son parti à s’allier avec d’autres dont les différences d’appréciation étaient autrement plus profondes que celles qui divisent actuellement les partis de gauche. Il l’a fait parce qu’il avait un but : prendre le pouvoir. Les partis de gauche veulent-ils prendre le pouvoir ou ne veulent-ils s’accorder unanimement que sur un point : la défaite ?
Nous devons oser changer radicalement cette perspective lugubre en perspective de victoire. Le défi est immense mais avec Brecht nous soutenons que « ceux qui se battent peuvent perdre, ceux qui ne se battent pas ont déjà perdu ». Je le répète : refusons d’être les dindons d’une farce, boycottons la présidentielle ! « Nous n’avons que des chaînes à perdre et un monde à gagner »….
Gérard Mordillat, romancier, cinéaste.
On pourrait présenter un peu plus l’auteur… remarquable écrivain et auteur de productions audiovisuelles de très haute tenue, outre un engagement militant de toujours pour la cause de l’émancipation.
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..Suite à mon précédent commentaire, je me contenterai de citer sur le versant de ses oeuvres pour le Cinéma , « Vive la Sociale » , et en collaboration avec J. Prieur, l’une des plus brillantes et profondes séries documentaires pour la télévision, « Corpus Christi » ( 1997 : Corpus Christi, enquête sur les Évangiles, Mille et une nuits/Arte Éditions)
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Vraiment je pense que c’est n’importe quoi , voter c’est un droit et le problème réside dans le fait de se mettre tous d’accord pour le même candidat !
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Je ne peux être qu’en accord avec ce texte. La prétendue révolution par les urnes prônée par certains et l’incontournable « faire entendre la parole des travailleurs » sont un attachement au « sacré » que representent les élections délégatives qui ne font que reproduire et conforter le capitalisme qui par peur chronique sort la le joker du fascisme…alors Révolution…
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Le courage politique aujourd’hui, c’est de voter blanc à l’élection présidentielle !
Un paradoxe. Le sens du vote blanc. Avec la domination de l’argent, il est possible de finir, il y faut une volonté populaire, qui admette que, un par un, une par une, nous sommes plus nombreux que tous ensemble. Où le « non » n’a rien valu lors de l’adhésion à la « communauté européenne », le vote blanc vaut moins encore, sauf à l’imposer comme arme abolitionniste. Face à une classe arcboutée sur ses prérogatives d’inféodation, sa vague peut renverser le rapport de force installé. L’élection présidentielle, en effet, est le moment d’un déni collectif, que, malgré nous, nous subissons répétitivement. En vérité, la représentation, sa mascarade nous rabat sur le « meilleur ». Le réel étant plus fort que le vrai, il y a une façon de faire et une seule, c’est, où mon vote est nul, affirmer que j’existe pendant qu’au même moment, des voleurs de vie, forçant mon consentement, prendrait la mienne. Voter blanc, c’est vouloir sortir ensemble d’un système : l’hégémonie discursive de l’Un.
Balbino Bautista, psychanalyste à Toulouse
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J’étais arrivé au même constat de par mon propre raisonnement
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salut tertoustes (je fais de l’inclusif depuis père pet, les moulons et iel petit joueur!),
sur le texte du « vrai » et du « faux » à mon humble sens!
– faux nous n’avons nin perdu, le programme ‘réformiste radical » « l’avenir en commun » me suffit, quelques soient de multiples désaccords, et je m’en explique tout bientôt sur un texte Pastèque!
– vrai, tout est caviardé et la question des législatives EXTREMENT importante mais on n’en parle pas, des alliances intéressantes peuvent se nouer!
– faux, rien n’est cuit-cui, les luttes peuvent influer largement, les magouilles internes des présidentiables aussi, le vote de la jeunesse pas impossible qu’il soit massif -cf les derniers mitinjes de Poutou à Toulouse, 900 et plein de jeunes sur deux réus, impressionnant, kékchcose se passe-t’il?
bref, je reste contre le boicottage, trop facile comme solution Ponce Pilate, mais bon la discute reste intéressante!
biz, les moulons-gibis, Pastèque!, vert dehors! rouge dedans!,noirs pépins!
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C’est peu dire que ce billet ne me convainct pas du tout.
Il y a eu près de 80 % d’abstentions aux élections législatives algériennes de 2021 … après plus de 2 ans de Hirak. Mais c’est bizarre j’ai pas vu grand monde trépigner de joie dans la rue après la proclamation des résultats ?
La clique FLN au pouvoir s’en tape, de l’abstention.
De même ailleurs, y compris bien sûr dans la vieille Europe illibérale…
Vous parler d’enjamber la présidentielle en France. Très bien mais pour quoi faire ? On ne voit pas bien. Aucune proposition, pas la moindre piste, en dehors de « désertons les urnes en mars ». Rebondir électoralement ? Non mais sérieusement ? Sur la base d’une râclée très probable voire historique pour les gauches en avril (qu’elles soient roses, rouges, vertes, ou mélenchonistes), vous croyez pouvoir gagner les législatives qui suivront ? Comment pouvez-vous seuleent l’affirmer ? Nos gagne-petit défaits LFI-UP,EELV, PS,PCF se préparent à sauver les meubles -i.e leurs sortant.e.s- dans un combat de nains. la division-jusqu’au-bout, et sans nous !
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Tes commentaires reposent sur un schéma a priori, conforme à l’idéologie dominante qui prévaut dans les couches militantes sur l’ « abstention », mais sans rapport avec ce que nous écrivons et préconisons Qui parle d ‘ »enjamber » les présidentielles et de « déserter les urnes » ? Toi, pas nous. Nous préconisons d’intervenir dans et contre la présidentielle, c’est tout le contraire d’une « désertion » (quel terme, tout de même ! on attend ensuite « trahison » !!!). Il s’agit d’une bataille politique, qui n’est certainement perdue que si on ne la mène pas, et dont la suite pose effectivement la question de candidatures contre ce régime aux législatives. Et il s’agit de réalisme : on sort d’un quinquennat où la prise d’assaut de l’Élysée n’est pas passée loin. C’est en dehors de cela que les vrais « enjambeurs » et les vrais « déserteurs » que sont les apôtres de la participation infinie et désespérée, unitaire et programmatique et se sachant battue d’avance, se situent ! Enfin, un dernier mot : si on développe jusqu’au bout ta remarque sur l’Algérie, le Hirak aurait tort de boycotter ? C’est bien entendu la question de l’organisation politique représentant ce combat qui est posée …
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Le camarade Mordillat appelle au boycott de la présidentielle, et à « mettre le paquet » aux législatives qui suivront… Appeler au boycott d’un scrutin c’est un peu autre chose que s’abstenir d’y participer. C’est faire campagne au nom de principes supérieurs à la chose boycottée (en général ). Mais in fine, celà se traduira inévitablement par la désertion des urnes, ou si vous préférez, par l’abstention. Dans un contexte de fortes mobilisations, de grèves et de manifestations contre le pouvoir d’un niveau au moins égal au Hirak, tous ici nous nous en réjouirions.
Le boycott se discute bien sûr, mais uniquement si on ne croit pas qu’une très forte majorité des électeurs de gauche aspire à un front contre la droite et l’extrême-droite dès le premier tour de la présidentielle, au moyen et autour d’une candidature de rassemblement, sur un socle programmatique commun. Peu de gens à gauche défendent celà, pour ne rien dire de la gauche dite révolutionnaire, fidèle à elle-même, qui se complait dans la division entre ses propres rangs et dans le propagandisme abstrait…
Cette bataille me semble la seule qui vaille pour être utiles notre classe à l’étape actuelle, au moins jusqu’en février prochain. Il faut donc peser par tous les moyens démocratiques possibles et imaginables sur les candidat.e.s de gauche actuellement déclarés, tous sans exception. C’est ce que font GDS, la Primaire Populaire, et d’autres collectifs citoyens, avec leurs limites certes, mais je crois que la tâche de l’heure des révolutionnaires en France est, modestement, de s’inscrire dans ce cadre là…
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