Le congrès de création de ce parti, à Shanghai le 23 juillet 1921, fut présidé par Zhang Guotao et marqué par l’apport de Henk Sneevliet dit Maring, représentant de la CominternL Les fondateurs du parti, Chen Duxiu et Li Dazhao, n’avaient pu venir de Beijing tout en étant à’ l’origine de ce congrès. Mao Zedong, alors correspondant local à Shangsha du journal Nouvelle jeunesse fondé par Chen Duxiu, était l’un des 13 délégués, mais n’est guère intervenu et ne sera pas réélu délégué au second congrès, en juillet 1922, dont le rôle organisationnel fut beaucoup plus important.
Chen Duxiu, fondateur de ce parti après avoir été l’initiateur de la modernisation de l’écriture chinoise et du mouvement national-démocratique du 19 mai 1919, sera exclu sur décision de Moscou en 1927, deviendra trotskyste et périt en 1942 à Chongking.
Li Dazhao sera assassiné en 1927 par les sicaires du « seigneur de la guerre » Zhang Zuolin qui allait peu après s’allier à Jianh Jieshi (Tchang Kai Chek).
Zhang Guotao, futur chef d’une base paysanne rouge au Sichuan puis d’une « armée rouge » parallèle à celle de Mao, fuira le territoire de Mao en 1937 évitant sa liquidation, et finira converti au christianisme, au Canada en 1979.
Henk Sneevliet dit Maring, organisateur des syndicats de marins et de dockers néerlandais et de la lutte anticoloniale en Indonésie, rompra sur la gauche avec Moscou en 1931 et sera fusillé par les nazis en 1942.
Le parti qui fut alors créé connut une ascension assez rapide dans l’immense Chine parmi les intellectuels puis les ouvriers puis les paysans. Mais, sous la pression de Moscou, il s’intégra au parti nationaliste bourgeois, le Guomindang. Toutefois, un proche de Cheng Duxiu, Peng Shusi, organisa en 1925 un congrès qui préserva son combat syndical et son implantation ouvrière. Cette base ouvrière du communisme chinois fut brûlée dans les chaudières des locomotives à Shanghai en 1927, par les troupes et sur les ordres de Jiang Jieshi, courtier à la bourse de Shanghai et chef du Guomindang, qui était alors encore « membre honoraire du bureau exécutif de l’Internationale communiste ».
Peng Shusi deviendra trotskyste à la suite de Chen Duxiu, lié au Socialist Workers Party nord-américain avec sa compagne Shen Bilan, jusqu’à sa mort en 1983 en Californie.
Peng a raconté dans ses mémoires comment un certain Mao Zedong devait être fréquemment recadré, en raison notamment de son absence totale de respect des personnes. Il écrit qu’on ne « l’avait pas attendu » pour faire des enquêtes en zones rurales, Peng Pai, assassiné par l’armée en 1929, ayant commencé ce travail. Toutefois le jeune Mao avait fin 1926 publié un article sur le mouvement paysan jugé fort intéressant par l’oppositionnel de gauche Victor Serge, qui le fit publier en Europe, car permettant de critiquer la politique imposée alors au PCC par Moscou. Dans cet article, Mao est beaucoup plus brillant et vivant que dans ses tristes et scolastiques pensums « dialectiques » de plus tard.
Cette première époque du communisme chinois fut fauchée par les massacre d’ouvriers en 1927, bien racontés par André Malraux, qui a laissé croire qu’il y était (ce qui est faux), dans son roman La condition humaine.
Les restes de ce parti peuvent être groupés dans 4 groupes.
Quelques dizaines d’intellectuels ayant apporté une contribution décisive à la culture chinoise moderne, autour de Chen Duxiu, critiqué par les « jeunes trotskystes » : leur unification fragile en 1933 fut suivie de leur arrestation, le seul grand procès anticommuniste des années 1930 sous Jiang Jieshi a été le leur.
Un noyau ouvrier et syndical surtout dans la province du Jiangsu, avec son dirigeant Ho Mengsiung, est démantelé – 22 exécutions le 7 février 1931-, probablement dénoncé à la pègre faisant office de police politique de Jiang par les émissaires de Moscou autour de Shen Shaoyou alias Wang Ming (il sera le « chinois anti-Mao » officiel à Moscou sous Brejnev).
Un troisième groupe est formé des étudiants chinois rouges à Moscou : soupçonnés, à juste titre, d’être en majorité gagnés à l’Opposition de gauche à Staline, leur dortoir est pris d’assaut par les troupes spéciales du Guépéou, à la Cité universitaire chinoise, fin 1929.
Le quatrième groupe est formé des fuyards qui occupent des zones montagneuses aux frontières des provinces de la Chine du Sud. La principale de ces « bases rouges », aux limites du Jiangsi et du Fujian et autour de la petite ville de Ruijin, est dirigée par Mao Zedong aidé d’un ancien seigneur de la guerre, Zhu De, et d’un ancien général du Guomindang, Peng Dehuai.
En 1931-1934 l’appareil du Comintern entreprend de reprendre en main ces zones. Toutes repassent sous son contrôle – au prix de milliers de morts – sauf celle de Mao, qui avait pris les devants par sa propre purge suite à « l’incident de Futien » (environ 4000 morts). Nous sommes là dans des convulsions sanglantes entre factions militaro-bureaucratiques et en milieu paysan, plus du tout dans le cadre des années vingt : la couvaison du maoïsme est conditionnée par la défaite de la révolution prolétarienne et démocratique chinoise de 1927 et par le stalinisme.
A la conférence de Ningdu en août 1932, les émissaires de Moscou conduits par Otto Braun, aidés de Zhu Enlai et de Peng Dehuai, apparemment soutenus, d’après les travaux de l’historien Hu Shisi, par le gros de la paysannerie inquiète du militarisme du groupe de Mao, neutralisent celui-ci mais ne le liquident pas : il est de fait séquestré (il se vengera de Peng en 1958 et le fera éviscérer par les « Gardes rouges »).
L’élimination physique de Mao par ses « camarades » serait sans aucun doute intervenue, si la situation militaire -elle-même conditionnée par la proclamation artificielle d’une improbable « République soviétique » de la taille de la Suisse, qui devait tenir sur place, ce qui était impossible- n’avait produit la défaite des 16-20 octobre 1934.
Dans la panique, le corps dirigeant de l’armée détruite part pour ce qui sera la « Longue marche ». Peng repasse aux cotés de Mao, ainsi que Zhou, et Mao, dans la « conférence élargie du bureau politique » à Zunyi, à une date incertaine de début 1935, reprend, par la force, le plein contrôle de l’armée, et du « parti » qui ne s’en distingue plus.
Le Parti communiste chinois fondé en juillet 1921 a été détruit par Jiang Jieshi et par Staline entre 1927 et 1931. Après l’avènement de Hitler et alors que le Japon a commencé à envahir la Chine, c’est un autre parti qui est né de ses ruines par un accouchement long et douloureux qui se termine à Zunyi début 1935.
Seul parti « communiste » non contrôlé par Moscou, il incarnera la plus grande partie de la résistance nationale à l’impérialisme japonais et dirigera le pays à partir de 1949.
Sous Mao, notamment pendant le « Grand bond »‘ et ses 55 millions de morts (1957-1960), il a apposé sur ce grand pays révolté un appareil de contrôle social absolu et rapproché.
Sous Deng, cet appareil a engendré une classe capitaliste âpre au gain.
Sous Xi, celle classe au pouvoir parvient à sa maturité impérialiste.
Le PCC de Xi Jinping, c’est le Parti Capitaliste Chinois.
Oligarchie aveugle, il n’a aucune légitimité pour s’approprier le 100° anniversaire de l’héroïque Parti Communiste Chinois de Chen Duxiu, de Peng Shuzi et, aussi, du jeune Mao Zedong, fondé en 1921, détruit en 1927-1931.
Le combat de ceux qui veulent un avenir humain, démocratique, révolutionnaire, assurant la survie du genre humain à l’issue du XXI° siècle, comporte la lutte pour la vérité historique. Les héritiers du communisme chinois de 1921-1931 sont les pires ennemis du régime de Xi Jinping. Syndicalistes de Hong-Kong, femmes ouïghoures persécutées, paysans, ouvriers … ils sont l’avenir de ce passé.
Pour un si petit article, il y a pas mal d’erreurs historiques :
– Mao Zedong assistait au 1er congrès du PCC, comme délégué du Hounan.
– Ni Chen Duxiu, ni Li Dazhao en revanche n’ont assisté à ce congrès.
– Li Dazhao a été exécuté par le seigneur de la guerre de la Chine du Nord Zhang Zuolin
– la description des « quatre groupes » entre lesquels se seraient répartis les restes du PCC après 1927 est tout à fait fantaisiste
– le récit des luttes entre Mao et la direction du PCC dans la « république soviétique du Guanxi » est désormais connu. L’historien cité comme référence » Hu Shisi » est lui inconnu ou même fictif. Comme étude récente sérieuse voir « How the Red Sun Rose » de Gao Hua (Columbia UP)
– Peng Dehuai a été limogé par Mao en 1959 pour avoir critiqué sans ménagements le Grand Bond en Avant
– la réunion de Zunyi ne marque pas le terme mais le commencement de la conquête de la direction du PCC par Mao, qui prendra 10 ans jusqu’en 1945.
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Merci de ces précisions, certaines justifiées, d’autres fort imprudentes. Ce petit billet est en fait le premier jet, où la mise en bouche, d’un article plus développé d’ici quelques semaines. Mais reprenons tes affirmations : le deux premières sont factuellement exactes, et j’aurai donc de toute façon repris cela en détail dans l’article projeté, mais les autres sont inexactes et je serai tenté de dire que tu accumule toi aussi, Jean, en un si petit message, un nombre assez impressionnant d’erreurs factuelles dont le rôle, de fait, ne peut être que de préserver les mythes officiels.
1) vérification faite, j’ai mélangé ici le premier congrès du PCC et le second. Mao n’était pas délégué au second (juillet 1922) qui fut en fait plus important que le premier, qui avait proclamé le parti, car son organisation et son adhésion à la III° Internationale y furent ratifiés. Le premier congrès avait 13 participants, dont Mao qui venait de prendre en main la correspondance du journal fondé par Chen Duxiu, « Nouvelle jeunesse », à Wuhan. Chen Duxiu et Li Dazhao n’avaient pu s’y rendre depuis Beijing mais étaient partie prenante de son organisation et du choix de le tenir à Shanghai. Zhang Guotao le président et Maring-Sneevliet était présent, ayant d’ailleurs provoqué un changement de lieu par crainte d’un mouchardage. Le fond de la question est le suivant : contrairement au récit officiel du régime chinois, le rôle de Mao est des plus secondaire ici. Il ne fait aucune intervention notable au 1° congrès et n’est pas délégué au second.
2) Li Dahzao a été assassiné par les troupes de Zhang Zuolin, qui se sont ralliées l’année suivante au Guomindang et qui étaient probablement en pourparler avec Jian Jieshi dès ce moment. En l’occurrence la demi-erreur provient d’un coup d’œil sur Wikipédia …
3) Les « quatre groupes » ou secteurs – les vieux militants lettrés avec Chen, les syndicalistes qui sont liquidés en 1931 dans le Jiangsu, les étudiants rouges à Moscou réprimés sur place par le Guépéou, et les militants insérés dans les « armées rouges », sont bien les quatre types humains, sociaux et politiques qui ont survécu au massacre de 1927 et aux autres massacres favorisés par les opérations « ultra-gauche » de Canton aux offensives de Li Lisan sur Nanchang et Shangsha en 1930, les quatre types issus de ce parti – à la base et parmi les révolutionnaires, les purs bureaucrates « émissaires de Moscou » ou inversement chefs dans les montagnes, ne provenant pas, eux, de l’histoire ce qui fut la tentative de construire un vrai parti communiste en Chine avant 1927, mais ayant contribué à sa destruction pour les premiers, prenant forme suite à celle-ci pour les seconds. La conception de l’histoire réelle présentée ici est bien entendu celle qui s’oppose le plus aux mythes et aux mensonges dominants : mais tous les mémoires et travaux « sérieux » permettent de l’étayer. La proclamer « fantaisiste » ne saurait ici qu’entretenir l’ignorance. Et l’ignorance n’a jamais servi de rien à personne …
4) Et par exemple, ce n’est pas parce qu’on ne connait pas Hu Chi-Shi que celui-ci est un inconnu voire même prétendre qu’il n’existe pas ! Son livre « L’armée rouge et l’ascension de Mao », paru en 1982 au Éditions de l’EHESS, est fondamental pour qui veut comprendre ce qui se passait dans le Jiangsi de Mao. Pour autant que je sache, cet auteur a quitté la Chine au temps de Mao. L’ouvrage que tu présente comme l’ « étude sérieuse récente » est paru aux États-Unis en 2019 et provient professeur à l’université de Nankin décédé qui a réussi à faire un travail considérable non pas sur la période du Jiangsi avant la Longe marche, mais sur la période de Yenan après celle-ci. Je ne dispose pas à ce jour de cet ouvrage, mais il est évident que nous avons là deux « études sérieuses récentes » qui, je pense, se complètent plus qu’elles ne s’opposent.
5) Je n’ai jamais dit que la réunion de Zunyi marquerait le terme de la lutte de Mao avec les autres composantes de l’appareil plus directement liées à Moscou. Ce qui est sûr, c’est que Zunyi marque sa prise de pouvoir dans le PCC, qu’il ne lâchera plus. En 1945 s’il organise un congrès, c’est qu’il est sûr de son fait et contrôle totalement le PCC. Il ne faut pas confondre ici la lutte pour le pouvoir dans le PCC et la lutte entre appareil stalinien et appareil mao-stalinien. Cette dernière ne s’arrête d’ailleurs pas en 1945 mais se poursuit au moins jusqu’à la « révolution culturelle » …
6) Il est bien connu que Peng Dehuai a entrepris de critiquer Mao au début du « Grand bond » et a été écarté pour cela, puis, dix ans plus tard, livré à un gang de « gardes rouges ». Mais ses conflits avec Mai sont bien plus anciens et celui-ci était un vindicatif patient. C’est bien en 1932 que Peng a « trahi » Mao une première fois …
En conclusion, Jean, tu t’es emparé de deux bourdes au début d’un billet trop vite écrit (et préparant pour moi un article plus développé), que tu as bien raison de signaler, l’une sur la présence ou non de Mao au premier congrès du PCC (la vérité est son rôle alors secondaire et nullement fondateur), l’autre, tout à fait secondaire et partielle, sur l’assassinat de Li Dazhao. A partir de là tu as entrepris de liquider en trois lignes tout le reste, commettant pas mal d’erreur pour un si petit billet et dessinant une vision très réductrice de l’histoire réelle de la Chine et du PCC (des « PCC » successifs à mon avis). C’est là-dessus que doit porter le vrai débat, car la connaissance de ce qui s’est réellement passé est nécessaire aux combats de maintenant et de demain. Qui se poursuivra, je l’espère, suite à l’article plus développé que j’annonce.
VP
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En tous cas, rectifications apportées au début de l’article, merci.
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Pour Peng Shu Tse en 1969, en exil à Paris, l’échec du Grand Bond en avant, attribué à Mao, avait fait remonter une fraction de la bureaucratie plus liée à l’appareil syndical et aux villes, favorable à un front uni avec l’Union soviétique contre l’agression US au Vietnam, autour de Liu Shao-Chi. Peng Shu Tse était favorable à un soutien critique à cette fraction « Liu-iste » contre le retour de la politique aventuriste et répressive de Mao (révolution culturelle). Il porta le débat au IXe congrès mondial de la QI. Je pense toujours qu’il avait raison. Il ne fut pas soutenu par Joseph Hansen et la direction du SWP américain. Néanmoins, le SWP a publié l’analyse de Peng dans une brochure en anglais que je me faisais un plaisir de vendre à Boston aux activités où les maoïstes de PLP étaient présents.
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Si tu as encore cette brochure, cela vaudrait la peine de la rééditer !
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