Réunion publique de « ApLutSoc »
https://paris.demosphere.net/rv/78037
Arguments Pour la Lutte Sociale organise une réunion-débat
le dimanche 02 février 2020 de 14H à 18H
au Maltais Rouge (40, rue de Malte – Paris 11eme)
sur le thème :
- Situation française : auto-organisation et question du pouvoir
- Situation internationale : crises révolutionnaires
Avec la participation de Dan La Botz, militant socialiste révolutionnaire nord-américain, animateur de la revue New Politics, membre des Democratic Socialists of America (DSA).
Autres intervenants : Jacques Chastaing, Vincent Presumey
Contact : https://aplutsoc.org/
Ce vendredi 31 janvier le Sénat des États-Unis a refusé, dans la procédure de l’impeachment de Trump, d’auditionner John Bolton, qui fut son conseiller à la sécurité nationale, faucon belliciste, d’avril 2018 à fin 2019. Celui-ci adressait à Trump le coup de pied de l’âne dans un livre à paraitre, dont les bonnes feuilles avaient été diffusées dans la presse, confirmant de l’intérieur ce que tout le monde a amplement compris des manœuvres de Trump en Ukraine courant 2019 (suspension de livraisons d’armes pour obtenir des poursuites faisant plonger Joe Biden).
Ce refus du Sénat US, qualifié par Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants, de choix en faveur de la « dissimulation » contre la « constitution » – une appréciation exacte du point de vue de la constitution et de l’Etat capitaliste nord-américain – est interprété comme le signe avant-coureur de la relaxe de Trump par le Sénat, mercredi 5 février. Ainsi serait close une parenthèse dont bien des commentateurs disaient connaître l’issue par avance, assurés qu’ils étaient que Trump n’avait rien à craindre et que tout cela, au fond, n’est que vent.
Ont-ils raison ? Non.
Tout d’abord, il faut donner le détail du vote au Sénat de ce vendredi : 51 voix contre 49, le Sénat US comptant 53 élus républicains et 47 démocrates (ou apparentés, comme Bernie Sanders). C’est donc à une voix près que cela s’est joué, les « défections » républicaines lâchant Trump (2 en l’occurrence, d’autres disant hésiter), rendant possible qu’une minorité du Sénat soutienne Trump au final – mais le problème est qu’il faudrait une majorité des deux tiers, 67 voix, pour un impeachment.
Nul doute que même les cercles vouant la plus grande détestation à Donald Trump craignent le coup de tonnerre que constituerait une destitution. Nancy Pelosi, quand la conversation de Trump faisant pression sur le président ukrainien Zelensky a été éventée, n’avait pas d’autres choix que d’engager cette procédure, déjà évitée de peu en différant, dissimulant une partie, et minorisant le reste, du rapport Mueller.
Tous savent en fait à quoi s’en tenir : Trump via ses intérêts immobiliers et mafieux, et sans doute par chantages crapuleux, est tenu par Poutine, et cela, combiné et reflétant la crise chronique et aigüe de la première puissance impérialiste mondiale, a eu des effet bien réels sur les dispositifs militaires US en particulier au Proche et Moyen Orient, et sur la crédibilité de la puissance nord-américaine -c’est pour cela qu’après le retrait de Syrie du Nord-Rojava, et la livraison de fait de bases militaires aux forces russes, Bolton a lâché Trump. L’affaire ukrainienne elle-même a créé les conditions de l’étau dans lequel Poutine cherche à nouveau à coincer l’Ukraine, voire la Biélorussie.
Tous savent en fait à quoi s’en tenir, mais licencier le président des Etats-Unis en étalant toute la boue qui l’accompagne et tout le ridicule catastrophique et calamiteux de la situation dans laquelle la « sécurité nationale » s’est mise, peut présenter encore plus de risque. Nancy Pelosi et les démocrates sont allés à l’impeachment à reculons car ils ont peur des conséquences. Et l’establishment républicain sait, lui aussi, à quoi s’en tenir, mais craint plus encore ces mêmes conséquences qui feraient éclater le « Grand Old Party ». L’impeachment supposerait, les sénateurs républicains sachant, comme tout le monde, à quoi s’en tenir, que leur secteur « anti-russe » lâche le président. Auquel cas le pilier du système constitutionnel et de l’ordre politique qu’est ce parti imploserait, Trump appelant probablement ses troupes à passer à l’attaque – il y a préparé ces dernières semaines en soutenant la marche des porteurs de flingues à Richmond, puis en participant à une marche contre le droit des femmes à disposer de leurs corps.
Tous ont donc au fond intérêt à faire semblant jusqu’au bout, les démocrates jouant leur rôle de Démocrates, et les républicains leur rôle de Républicains, comme dans un théâtre d’ombre. Comme ça la procédure va à son terme et est évacuée prestement par un vote négatif du Sénat.
Mais même si la comédie va à son terme de cette façon, ils n’en sortiront pas indemnes et tous en seront atteints. On aura pu voir que les institutions américaines se seront avérées incapables de licencier un président associé à une puissance impérialiste rivale et, de plus, notoirement incapable, du propre point de vue des intérêts généraux du capital US, d’assumer ses fonctions. A l’incapacité de Trump s’ajoutera l’incapacité du Congrès. En ne votant pas, sans doute à une voix près, l’impeachment du gros fâcheux, ils proclameront au monde, et au peuple américain, que tous, avec lui, méritent un bon impeachment.
Ce que la constitution n’aura pas su faire reviendra au peuple, aux mouvements sociaux, à la lutte des classes. A eux d’affronter et de défaire les couches fascisantes qui appuient Trump et sur lesquelles il compte, mais à partir de là ils affronteront aussi le reste du système.
Si le Sénat bascule contre Trump, il déclencherait la tempête. Dans le cas contraire, plus probable vu la règle des deux tiers, il appelle la tempête. Bien entendu, l’impasse des dominants ne règle pas par elle-même le fait que c’est à la lutte des classes et au mouvement des exploités et des opprimés à régler la situation, mais elle souligne cette nécessité, cette responsabilité-là.