La lettre en date du 3 mai 2023 adressée par les secrétaires généraux de 2 FD (Commerce et Services, Chimie) et 3 UD (13, 82, 94) de la CGT, ardents partisans de la FSM, à Pambis Kyritsis, secrétaire général de la FSM, est un document remarquable car il donne un éclairage sur plusieurs éléments importants de l’état du mouvement syndical en France et de la CGT en particulier.
Le point de départ de ce courrier réside dans l’effet dévastateur pour les pro-FSM de l’intervention devant le 53ème congrès confédéral de la CGT d’une militante iranienne, représentante des syndicats indépendants d’Iran dont le syndicat des transports Vahed, de l’agglomération de Téhéran, syndicat dont les dirigeants ont maintes fois subi la répression du régime pour leur activité syndicale et revendicative héroïque de plusieurs décennies.
Cette intervention a eu l’effet d’un missile Javelin percutant un tank russe venu saccager un village d’Ukraine. D’un coup pour des centaines de délégués, la révélation de la collusion de dirigeants et de structures de la FSM avec l’un des régimes les plus honnis et les plus barbares de la planète a pénétré les consciences.
Cet état de fait éclaire au moins deux choses.
Pour commencer. Même si la confédération CGT depuis son départ de la FSM en 1995 puis son affiliation à la CSI et à la CES s’exprime régulièrement en soutien des luttes des travailleurs d’Iran contre les mollahs et les patrons, bénéficiaires des conditions d’exploitation créées par ce régime totalitaire depuis 1980, des communiqués de presse, aussi sincères et positifs soient-ils, ne suffisent pas à faire vivre la solidarité contre la répression et en soutien aux luttes revendicatives des travailleurs.
Des campagnes de masse de soutien concret permettraient de faire connaître les situations abominables vécues par des centaines de millions d’exploités de par le monde, y compris au sein des États supposés « anti-impérialistes ». Elles apporteraient aussi une aide effective aux travailleurs mobilisés dans ces pays dans la construction du rapport de force contre leurs exploiteurs. Mais peut-on aller vraiment dans ce sens, apporter un soutien complet à celles et ceux qui subissent le pire, tout en promouvant le « dialogue social » ici ? Mobiliser pour ceux qui ailleurs luttent dans des conditions difficiles peut-il se faire quand on penche pour une orientation de concertation et de compromis boiteux ?
Une pratique mobilisatrice et la connaissance de ces situations d’exploitation et d’oppression rendraient plus difficiles les campagnes du mensonge déconcertant déployées par les partisans de la FSM pour vanter le caractère soi-disant révolutionnaire de cette « Internationale » syndicale.
Néanmoins, il faut prendre acte de l’existence positive de prises de position confédérales sur l’Iran, la Biélorussie, Hong-Kong ou … l’Ukraine.
D’autre part, du côté des rédacteurs du courrier à Pambis Kyritsis, on trouve un mélange d’ignorance et de duplicité. Ces responsables d’envergure nationale au sein de la CGT quémandent à cet inconnu du monde du travail qu’est le secrétaire général de la FSM des « éléments de réponse circonstanciés et documentés » « par courrier interne » (pourquoi interne, les travailleurs du monde entier n’auraient-ils pas le droit de connaître les arguments de ce responsable ?) .
Ont-ils vraiment besoin d’attendre une réponse du secrétaire général pour se documenter par eux-mêmes ? Un de leurs plus proches camarades, Matthieu Bolle Reddat, côtoie aux réunions du secrétariat de la FSM Adnan Azzouz, le responsable syrien du syndicat inféodé au régime de Bachar El Assad. Par ailleurs, Mathieu Bolle Reddat dispose déjà d’un capital touristique apte à fournir quelques arguments louangeurs en faveur du régime syrien et de la « République Populaire » du Donbass créée par Poutine.
De son côté, Julien Huck, issu l’UISTAACT ( ?? acronyme syndical inconnu du grand public…) de France, siège au conseil présidentiel de la FSM aux côtés de représentants de syndicats intégrés aux régimes nord-coréen, syrien, égyptien, iranien, vietnamien, cubain, du Bahreïn, du Nicaragua, du Venezuela. Ce camarade ne peut-il questionner ces grands syndicalistes sur la nature de leurs faits d’arme dans la lutte de classe quotidienne ?
Faudrait-il en déduire que le manque d’information résulte du caractère décoratif de ces instances ?
Nous avons déjà évoqué dans ce blog les voyages d’Amar Lagha en Egypte à l’invitation, sinon aux frais, de l’EFTU, syndicat d’État affilié à la FSM, né du nasserisme triomphant, dont le dirigeant a participé avec ses hommes de main à la défense du régime de Moubarak au moment du soulèvement de la Place Tahrir.
Les rédacteurs de ce courrier ignorent-ils que le dictateur de Belarus, Alexandre Lukachenko, est un de leurs « camarades » en tant que titulaire de la carte syndicale Numéro 1 de la fédération des employés d’État de ce pays ? Pendant que d’authentiques syndicalistes subissent licenciements, tortures et peines d’emprisonnement depuis le déclenchement de la répression du grand mouvement populaire de l’été 2020 contre ce même « camarade » dictateur ….
Par contre, la plupart de ces rédacteurs ont déjà passé des vacances à Cuba qui reste la plus alléchante vitrine Potemkine du camp « anti-impérialiste ». Si le blocus Yankee sert jusqu’à plus soif d’argument définitif, est-il suffisant pour justifier le régime de parti unique dans lequel les travailleurs ne peuvent pas décider d’avoir leur organisation autonome ? Est-il suffisant pour justifier la répression de toute initiative sociale ou politique qui n’a pas l’agrément du régime ? Est-il suffisant pour occulter la transition vers le capitalisme pilotée par le sommet de l’État à travers la loi PYMES, en harmonie avec le capital européen, grand bénéficiaire du blocus yankee ? Les restes des acquis de la révolution cubaine de 1958-60 méritent mieux que le soutien aux aspects négatifs du régime castriste.
Bien qu’ayant été dans toutes les têtes des protagonistes du 53ème congrès confédéral, la question ukrainienne n’a pas été évoquée mais elle ressurgira. Que feront ces responsables mésinformés quand le régime de Poutine s’effondrera ? Quand celui-ci tentera une ultime attaque de représailles contre une centrale nucléaire d’Ukraine, avec des conséquences à l’échelle de tout le continent, pour punir le peuple ukrainien de s’être opposé sans fléchir au pogrom colonial de l’« opération spéciale » ? Continueront-ils leur funeste campagne « pour la Paix » qui ignore le peuple ukrainien et ses souffrances, et occulte les responsabilités de Poutine ?
La marche des événements sur la planète n’a pas fini de secouer la tranquillité des dirigeants de la FSM arrimés à la défense de dictatures répulsives. Il est toujours temps pour les honnêtes militants qui s’illusionnent sur la nature de la FSM de chercher à réfléchir et à s’informer par eux-mêmes sans attendre les éléments de langage « par courrier interne » de Pambis Kyritsis.
OD
Il eut été cool de signaler la publication initiale de ce document sur le Blog Où va la CGT ? Merci
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Voici le lien vers l’article (à nos yeux excellent) d’Où va la CGT : http://ouvalacgt.over-blog.com/2023/05/la-cgt-l-iran-et-la-fsm.html
Cela dit, ce n’est pas par votre blog que nous avons eu ce document, qui circule dans la CGT, et qui ne constitue en rien une exclusivité.
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