Notes sur la situation française en cette veille de rentrée.

Les conditions de vie du plus grand nombre se détériorent quotidiennement, et ceci va être accentué à la rentrée. Hausse des prix, c’est-à-dire baisse des salaires réels (de 3,1% selon les chiffres du ministère du Travail, 12 août), chaleur et intempéries, et voila qu’après un tour en jet-ski le président des riches annonce « la fin de l’abondance et de l’insouciance » (sic). Le journal Les Échos du 24 août dernier avait deux titres, l’un citant ces propos, l’autre disant : « La distribution des dividendes atteint un record en France et dans le monde ».

De plus, la rentrée scolaire met au premier plan le résultat des politiques suivies ici comme dans les autres services publics à l’exclusion de la police et de la gendarmerie depuis des années, par tous les gouvernements successifs : la pénurie de fonctionnaires et le caractère repoussant des conditions faites au métier, poussant maintenant au recours massif aux contractuels corvéables, ce qui ne comblera pas les trous pour autant.

Les conditions objectives justifient une « explosion sociale », dont le peuple français a l’expérience et que les médias disent craindre pour l’automne. En Grande-Bretagne, sur fond d’échec de Boris Johnson à renforcer durablement l’exécutif qu’il a incarné, la plus grande vague de grèves depuis la défaite des mineurs par Thatcher, il y a maintenant 38 ans, est en train de se produire.

Mais ce n’est pas si simple. Pourquoi ? Pas parce que les dernières vagues – Gilets jaunes et mouvement de défense des retraites – auraient été battues, car elles ont seulement été contenues. Mais parce que chacune et chacun, en bas, sent bien qu’un mouvement général ne sera pas seulement un mouvement de protestation mais sera la tentative d’imposer une issue.

Et parce qu’elle le sera dans la situation planétaire présente marquée par la guerre de destruction de l’Ukraine, par les rivalités entre grandes puissances, par la catastrophe environnementale, et par les poussées insurrectionnelles visant au même but dans de nombreux pays, dont Sri Lanka dernièrement, alors que le constat de l’impasse politique au sommet est général, comme l’indiquent aussi les prochaines élections législatives italiennes.

Nous touchons là aux conditions subjectives. Or, elles sont également influencées par les actes et les discours des forces politiques et syndicales qui représentent, de plus en plus partiellement, le mécontentement d’en bas, et entendent en tous cas le chapeauter. Toutes sont orientées sur le maintien du régime en place et de son président. Que nous ont dit, et qu’ont préparé, leurs principaux représentants ces derniers jours ?

Depuis fin juin, Jean-Luc Mélenchon annonce l’organisation d’une « grande marche contre la vie chère », de dimension nationale, un samedi. Le 26 août il déclare : « le gouvernement a décidé d’être frontal » et s’apprête à « gouverner à coups de 49-3 », et comme « les dernières législatives de juin ne sont pas conformes à l’état du pays », alors « la vie politique française est un compte à rebours vers la dissolution ». A vrai dire, les législatives de juin ne sont pas « conformes » à l’état du pays dans la mesure où il y a eu un record d’abstentions, mais elles le sont dans la mesure où, parmi les exprimés, personne, et pas non plus la NUPES, n’a la majorité ; d’autre part, le gouvernement gouvernera à coups de 49-3 dans l’hypothèse où LR ne collaborera pas assez avec lui avec l’assemblée et où le RN et tel ou tel secteur (sans préjuger ici desquels) de la NUPES n’y pallieront pas.

Quoi qu’il en soit, ces propos de J.L. Mélenchon rencontrent le sentiment populaire pour qui la montée de la misère est insupportable et pour qui, deux mandats de Macron, c’est trop. Alors, le compte à rebours, pour combien de temps ? Et seulement pour tenter de cohabiter avec Macron après de nouvelles élections législatives ? et on fait quoi en attendant ?

A ce sujet, tout en accueillant trois ministres du gouvernement Macron/Borne à ses « Amphis d’été », ainsi que Mme Dati de LR, dans le cadre d’un « débat républicain », c’est-à-dire de la commune allégeance à la V° République et donc à son président en place, la FI a eu une rencontre, prévue depuis le début de l’été, le 23 août dernier, où étaient invités partis, syndicats et divers mouvements pour discuter de la « marche contre la vie chère ».

Étaient présents la CGT, la FSU et Solidaires, l’UNEF et les syndicats lycéens, les 4 composantes de la NUPES, le NPA. A l’issue de cette réunion, il était convenu de se revoir le 12 septembre, toute date pour une marche étant écartée à cette étape, avec une discussion sur le 16 octobre (et non plus le 3 ou le 9), CGT et Solidaires priorisant leur appel à une journée d’action sur les salaires le 29 septembre (et une journée d’action sur la santé lancée par la CGT pour le 22).

Ce dimanche 28 aout, Alexis Corbière, dirigeant de la FI, a annoncé sur sa page Facebook un communiqué commun aux organisations qui se sont rencontrées le 23 déclarant s’associer aux journées des 22 et 29 septembre et se revoir le 12 pour voir quoi faire ensuite. A cette heure, rien n’a été publié par ailleurs, rien sur les sites de la CGT, de la FSU ou de Solidaires, notamment.

Là-dessus, J.L. Mélenchon a tweeté qu’une « marche » aurait bien lieu « mi-octobre » « à l’appel de la fédération populaire en train de se lever dans le pays avec nos camarades syndicalistes et associatifs. Ce nouveau front populaire sera notre force de combat. »

Diantre : il y a donc un nouveau front populaire et même une organisation « en train de se lever », la « fédération populaire ».Tout cela ressemble beaucoup à une tentative de « tordre le bras » aux appareils syndicaux, et peut modifier la place des intersyndicales CGT / CCT-FO / FSU / Solidaires / UNEF.

Une telle grande marche contre la vie chère, disons tout de suite que nous sommes plutôt pour. Mais que ce qu’il s’agit de préparer, c’est l’union des grèves réelles qui se multiplient et des actions de défense du service public, école et hôpital en première ligne, leur généralisation et leur centralisation contre le gouvernement et le président, en vue d’un affrontement social qui stoppe leur politique et pose donc la question de les chasser et d’un autre régime.

Il ne s’agit donc pas, pour celles et ceux à qui la fin de mois est d’ores et déjà impossible alors que sonnerait la fin du monde, et en tout cas la fin d’un monde, de meubler l’attente d’une supposée dissolution avec des « marches » politico-syndicales le week-end et des « journées d’action » intersyndicales en semaine, mais bien de stopper cette politique et d’affronter le régime, tout le régime, son président en tête, son gouvernement, son parlement.

C’est Macron qu’il faut chasser, c’est la démocratie qu’il faut imposer !

Et puis comment faire : s’il s’agit d’imposer des hausses massives des salaires, retraites et pensions, objectifs légitimes mis en avant par les directions syndicales, et aussi s’il s’agit d’imposer une dissolution dans pas trop longtemps, objectif mis en avant par J.L. Mélenchon, alors ne serait-il pas nécessaire, tout de suite, d’annoncer haut et fort que l’on ne participera pas à la mise en place, par Macron, de son “Conseil National de la Refondation” le jeudi 8 septembre prochain ?

Ce qui est réellement en train de se lever dans le pays en assimilant tout ce qui nous tombe dessus, c’est le mouvement pour affronter ce régime et stopper sa politique, renouant dans les conditions présentes avec les Gilets jaunes et le mouvement de défense des retraites. C’est par rapport à cela que manœuvres et contre-manœuvres, annonces et contre-annonces d’action, vont se multiplier. C’est cela qui va chercher à tout embarquer, à tout emporter, et qui a donc besoin d’une perspective politique -c’est donc de cela aussi que nous allons discuter dans notre assemblée-débat du 2 octobre.

Le 28-08-2022.

PS : Au moment où nous bouclons cet article, paraît l’appel annoncé avant la nouvelle réunion du 12 septembre – et après la mise en place du « CNR » de Macron dont il ne parle pas ! – le voici. 

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