Les résultats dans cette circonscription, couvrant les communes de Yerres, Crosne, Brunoy, Montgeron et Vigneux sur Seine, sont un échec pour la NUPES, qui doivent toutefois être resitués dans le cadre général de la campagne nationale. La situation générale à la veille des présidentielles, face à la politique odieuse contre les droits et libertés du salariat, face à l’insurrection des gilets jaunes et aux éborgneurs, des mesures contre les retraites, la destruction du secteur public de la santé en pleine pandémie mondiale, face à la destruction de l’école publique, réclamait une opposition ouvrière et démocratique, écologiste, posant aussi la question de la guerre aux portes de l’Europe. Donc des assemblées de base démocratiques, élaborant l’orientation à définir.
Ce mouvement n’a pas eu lieu, Mélenchon et son ombrageux petit impérium n’en ont pas voulu. L’accord d’appareils au sommet en cassant le cadre de l’expression démocratique dans les circonscriptions, a eu comme principale fonction d’offrir un ballon d’oxygène inespéré aux partis dits de « gauche », qui ont accompagné les réformes néo-libérales depuis 1981. En France, cela a pris la forme de la défense des institutions de la Vème République, alors qu’elles étaient combattues dans les années d’Union de la Gauche (1970-1981) comme étant celles du « coup d’État permanent » (la caractérisation est de François Mitterrand lui-même). Les résultats de cette stratégie ne se sont pas fait attendre : à peine entrés au Palais Bourbon, chacun, PCF, EELV, PS ne pensent qu’à récupérer leurs billes, tandis que le RN attend en embuscade et peut devenir la première force d’opposition à Macron grâce à l’éclatement de la NUPES. L’ineffable Fabien Roussel fait déjà des entrechats sur une hypothétique ligne d’union nationale avec Macron, comme, dit-il « en 1945 ».
Toutefois, c’est vrai que là où, malgré la ligne du petit appareil de Mélenchon, l’unité concrète s’est réalisée, il y a eu des victoires qui font chaud au cœur : pour ne citer que la plus spectaculaire d’entre elles. Cette femme issue de l’immigration ivoirienne, Rachel Kéké, qui, après avoir mobilisé ses collègues de travail, les femmes de chambre du groupe ACCOR, mène une bataille syndicale de plusieurs mois exemplaire et acharnée, traduit son engagement sur le terrain politique et fait mordre la poussière à une ministre de Macron. Chapeau bas ! Mais globalement la NUPES n’a pas rassemblé le salariat, ni surtout la jeunesse des quartiers. Les votants appartiennent aux classes moyennes, aux fonctionnaires…
Venons à l’échelon local. Il y avait deux problèmes à affronter pour gagner la circonscription à la gauche :
N. Dupont Aignan réalisait au 1er tour de la présidentielle à Yerres, la ville dont il a été maire, 23,23% (4680 voix) et E. Chazette 12,34% (2487 voix) soit 2180 voix d’écart. La question politique qui n’a pas été au centre de la campagne du groupe France Insoumise dès le départ est la suivante : les deux composantes de l’extrême droite n’ont pas présenté de candidats dans la circonscription. Nicolas Dupont Aignan est donc discrètement adoubé comme le candidat de fait de l’extrême droite. Rappelons les liens de ce dernier avec Marine Le Pen en 2017 et son positionnement pour être premier ministre d’un gouvernement de l’extrême droite.
Compte tenu des oppositions qu’il a rencontrées entre 2017 et 2022 à Yerres et plus généralement sur la circonscription, il fallait le marquer à la culotte. S’abritant derrière son bilan de « bon » maire, sur lequel il y aurait d’ailleurs beaucoup de vérités à rétablir, et n’étant pas attaqué sur son positionnement national, cela lui a permis de reprendre souffle. La NUPES sur Yerres a privilégié les attaques contre Mohammed Bida, candidat macronien et détourné la question en disant : nous ne sommes pas ici pour alimenter la polémique contre Dupont Aignan mais pour défendre notre programme. Depuis quand un programme avançant le mot d’ordre du SMIC à 1500 euros par exemple est-il incompatible avec le combat contre un député qui s’est toujours opposé au développement du logement social sur la ville dont il était maire ? Bizarre dialectique ! Il y a eu attaque de la NUPES contre lui entre les deux tours, mais il était trop tard ! En difficulté, compte tenu de son résultat à la présidentielle, la mauvaise campagne de la NUPES sur Yerres lui a laissé le temps de rebondir.
Venons aux résultats sur la commune populaire de Vigneux sur Seine, ancienne mairie communiste. Faisons parler les chiffres :
- 1er tour de la présidentielle : Abstention faible, 30,82% ; Jean Luc Mélenchon réalise 41,06%, soit 4872 voix.
- 2ème tour législative : 61,24% d’abstentions, soit 30% de plus qu’à la présidentielle, E Chazette NUPES réalise 20,87%, soit 3665 voix et NDA 15,76% soit 2767 voix.
- 4872 – 2767= 2105 voix.
En fait il n’y a pas eu d’investissement massif sur cette commune, par exemple à travers un meeting, en faisant venir un responsable national. C’était dans le secteur du salariat pauvre et chômeur que se jouait le fait d’emporter la circonscription, pour autant qu’on se donne les moyens de convaincre les électeurs de Mélenchon. Il fallait gagner là un peu plus de 2100 voix. Cela n’a pas été la stratégie de l’équipe de campagne.
Dès le début, l’équipe NUPES a écarté d’emblée tout élargissement de sa propre représentation. Nous sommes un certain nombre de militants à avoir appartenu à une association qui n’a pas accepté la ligne de division de la campagne de 2017. Nous avons tenu une réunion avec la candidate et son directeur de campagne, pour souligner ces deux questions :
o Attaquer le positionnement de NDA, chef de fait de l’extrême droite dans le Val d’Yerres.
o Faire porter l’accent sur la commune populaire de Vigneux.
La réponse a été une mise à l’écart de ces quelques importuns, appartenant à la génération des « neiges d’antan » ! (1)
Ce qui saute aux yeux dans cet épisode électoral qui se termine, c’est le fait que le petit groupe NUPES local n’a pas fonctionné comme le lieu où se construit une alternative à gauche, donc lieu d’échange entre militants ayant des parcours différents mais se rassemblant sur un objectif commun. Il n’a été tenu aucun compte de ces deux questions que nous avons posé et le résultat est aveuglant.
En fin de campagne, l’équipe a mobilisé ses forces pour tenir une réunion de 80 militants à Brunoy, là où la candidate était au coude à coude avec Dupont Aignan (28%), pour présenter un projet de constitution de Parlement local de l’Union Populaire. Comme si nous étions au seuil d’une victoire et qu’il ne restait plus qu’à poser le problème du cadre politique qu’on allait se donner pour gérer la circonscription autour de la nouvelle députée. La peau de l’ours avant de l’avoir tué !
Et là nous avons été tout de même inquiets sur le contenu de ce qui était proposé. Qui va composer ce parlement : les organisations politiques constitutives de la NUPES sont membres de droit. Mais si des citoyens sont candidats à intégrer cette association, ils seront tirés au sort et formés par le noyau constitutif. Aucune ouverture démocratique en fait ! Enfin les syndicats sont appelés à en faire partie et à avancer des propositions. Par nature les syndicats revendiquent. Cela pose problème, je me demande si la candidate de la NUPES, au demeurant enseignante, qui a avancé cette proposition, a une idée précise de ce qu’est un syndicat et sa fonction dans la lutte sociale. Un syndicat regroupe sur la base des intérêts corporatifs, puis plus largement de classe, et enfin pose la question de l’émancipation du travail par le dépassement du rapport capital-travail. Pour jouer pleinement son rôle, Il doit rester indépendant, même vis-à-vis d’un gouvernement qui aurait exproprié le capital. La proposition locale de la NUPES répond très exactement au point de vue défendu lors de la présentation de son parlement national. Mélenchon déclare en substance ceci : « nous allons devoir faire au pouvoir ce que nous haïssons tous, à savoir aider le capitalisme à se reconstruire ». Quelque chose qui ressemble à deux gouttes d’eau à la parole historique de Léon Blum arrivant au pouvoir dans le cadre du front populaire de 1936 : « nous serons les gérants loyaux du capitalisme ! » L’adaptation du Front populaire à la crise structurelle du capitalisme démarrée en 1929 conduit quelques années plus tard au programme de la Révolution Nationale et à la charte du travail de Pétain, intégrant les syndicats à l’État. Macron, dont le gouvernement est aujourd’hui pris à la gorge par la crise, vient de proposer son projet de Conseil national de la refondation, dont l’objectif est d’intégrer les organisations syndicales pour finir de détruire les droits et libertés conquis par nos aînés et issus du Conseil National de la Résistance. CGT et Force Ouvrière refusent de collaborer, tandis que l’éditorial de la FSU du 10 juin 2022 dégage à très juste titre l’essence de la position de Macron :
« Les « ordonnances Macron » de 2017 qui ont affaibli les instances de représentation du personnel dans le privé, la loi de transformation de 2019 qui en a été le pendant pour la fonction publique, avec en particulier la fin du contrôle des actes de gestion dans des commissions paritaires, ont été décidées au nom de la fluidité, de l’agilité, et du fait que la société civile n’avait plus sa place dans un modèle où seul compte le dialogue direct entre un chef et un peuple d’individus. »
La position du secrétaire de la FSU pose clairement le problème : il y a une différence fondamentale entre le modèle républicain qui permet aux organisations syndicales de défendre les droits de leurs mandants de manière indépendante et le corporatisme qui associe les syndicats aux nécessités du capitalisme en crise. Plus de « corps intermédiaires », « seul compte le dialogue direct entre un chef et un peuple d’individus ». Comparons : les positions prises par Mélenchon lors de la présentation du Parlement de la NUPES sont le pendant exact du Conseil-national-de-la-refondation de Macron. Nous allons reconstruire le capitalisme ! Pour ce faire il faut associer les syndicats !
Dès lors la NUPES commence à apparaître comme un leurre, un regroupement jouant à gauche sur les aspirations populaire et ramenant le fleuve dans son lit, si d’aventure le peuple se prenait à l’idée d’intervenir par lui-même. Décidément, non, on ne fera rien sans la démocratie.
RD
(1)Allusion à la chanson de Brassens, vous la connaissez : « petits cons de la dernière averse, vieux cons des neiges d’antan, quand on est con, on est con »
En effet tout commence à la base et il faut absolument supprimer le capitalisme et sa bourse et ses actionnaires au profit des coopératives de salariés qui élisent leur direction au moins tous les deux ans . L’élection actuelle n’a aucune légitimité avec 54 %d’abstention +les mal-inscrits ou non inscrits soit presque 65% d’abstention véritable .Cette assemblée où chaque député(e) va encaisser chaque mois 20000 euros(salaire+frais de mandat) ne sera pas révolutionnaire car chacun(e) voudra tenir au moins 5 ans pour les avantages divers et variés . La seule solution pour « virer » le capital c’est la grève générale insurrectionnelle qui détruira le système bourgeois, qui se prépare d’ailleurs à mettre le FN-RN au pouvoir pour museler la colère du peuple .100 députés fascistes c’est une première étape réussie par la bourgeoisie avec la complicité des macronistes aux ordres du pouvoir patronal(medef). Face à cette stratégie bourgeoise pour se maintenir au pouvoir les révolutionnaires doivent s’organiser à la base dans les quartiers des villes et les entreprises pour éviter que les masses populaires mécontentes basculent dans le soutien actif aux fascistes comme du temps de Hitler-Pétain , c’est ce qui nous pend au nez si nous ne prenons pas très au sérieux le coup de force actuel de Macron-Le Pen-Bayrou-Philipp)e …..A bon entendeur salut !!!!!!!!!!
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