Sur les données de fond du pourquoi du comment, mon article du 12 février dernier, Pourquoi la cause de la paix, c’est la cause de l’Ukraine, me semble avoir été, hélas, systématiquement validé par les évènements qui se sont produits depuis. Résumons synthétiquement ceux-ci.
Il y a eu la « dramatisation Biden » : Kiev devait être bombardée dans la nuit du mardi 15 au mercredi 16 février. Les ukrainiens n’y croyaient pas, à juste titre. A la place, il a été question de « désescalade », des mouvements de troupes russes fluctuant pouvant le laisser croire.
Dans le cadre du vrai-faux soulagement ainsi provoqué, les dictateurs postiches des deux « Républiques populaires » enregistraient mercredi (comme les métadonnées de leurs vidéos le prouvent, car ce sont vraiment des mafieux bricoleurs) leurs interventions destinées à être diffusées jeudi soir, appelant à l’évacuation des populations du Donbass soi-disant menacées de « génocide » par l’Ukraine, interventions prévues après le bombardement d’une école (en zone non occupée), monté par eux et attribué à l’armée ukrainienne.
A partir de là se produit l’escalade le long de la ligne de cessez-le-feu des accords de Minsk, mais surtout, se déroule une partie que presse et médias n’ont pas saisie. La population entière, puis les femmes, les enfants et les vieux, devaient être évacuée, et les hommes de 18 à 55 ans mobilisés. Mais c’est en Ukraine non occupée qu’il y a des volontaires et des hommes et femmes demandant des armes. Dans la partie occupée du Donbass, ce fut la résistance passive de l’immense majorité. Au bout de trois jours, 20 000 « évacués » sur 3,8 millions d’habitants : surtout de pauvres babouchkas frigorifiées et laissées pour compte au bord des routes russes, et des clochards attirés par la prime de 10 000 roubles (114 euros) généreusement promise par Poutine.
Samedi, se tenait un sommet diplomatique européen, où le président ukrainien Zelenski a tenu un discours au ton nouveau : nous nous défendrons que vous nous aidiez ou non, et nous considérons que le protocole de Budapest (qu’en 1994 l’Ukraine avait accepté, livrant ses armes nucléaires issues de l’ex-URSS à la Russie moyennant la garantie collective de ses frontières), est maintenant nul et non avenu.
Lundi, après quelques « bombes ukrainiennes » opportunément tombées sur des postes-frontières russes, se tenait une réunion télévisée du Conseil de sécurité russe, show baroque et césarien, suivi d’une allocution de Poutine dont l’idée clef est la suivante : l’Ukraine n’a aucune légitimité historique à être une nation distincte de la Russie, ce sont Lénine et les bolcheviks qui l’ont privilégiée.
La proposition votée par la Douma le mardi précédent sur proposition du KPRF (le P « C » russe), de reconnaître « l’indépendance » des deux dictatures postiches de Donetsk et de Louhansk, était adoptée, Poutine écartant un bafouillement de son ministre de l’Intérieur suggérant leur annexion formelle à la Russie par les mots « pas encore ». (1)
Immédiatement, commençait une « opération de maintien de la paix » : les chars russes entraient ouvertement, dans la nuit du lundi 21 au mardi 22, dans Donetsk et dans Louhansk.
Ce qui peut sembler une démonstration de force exhibe aussi les faiblesses de Poutine : il occupe une région déjà occupée, en déchirant les accords de Minsk qui prévoyaient une fédéralisation de l’Ukraine octroyant un droit de véto aux deux régions occupées, jusque là sous faux drapeaux à peine déguisé.
Deux questions clefs se posent immédiatement.
La première est celle de la guerre sur place. L’Ukraine ne peut et ne compte pas riposter à l’occupation ouverte des zones déjà occupées. Mais la déclaration de reconnaissance des deux « républiques » implique le soutien à leur revendication territoriale sur l’ensemble du Donbass, qui, un peu de la même façon que l’Ulster historique est plus grande que l’Irlande du Nord, est deux fois plus grand que la zone occupée. Le ministre de l’Intérieur russe a été explicite sur ce point et a mentionné une ville : le port de Marioupol sur la mer d’Azov. La menace de guerre offensive en Ukraine non occupée est donc là.
La seconde question est celle des « sanctions économiques ». Il ne faut pas les prendre à la légère : si l’Allemagne s’aligne sur les États-Unis (et c’est cela qui se joue), la coupure des circuits financiers et la suspension de travaux d’achèvement du gazoduc North Stream II en mer Baltique signifient que la Russie est bannie du marché mondial des capitaux, sauf à former un bloc financier eurasiatique avec la Chine.
Les bourses sont, bien entendu, en chute ce matin.
Les deux questions sont liées car Poutine sera tenté, par exemple, de prendre Marioupol, si la « riposte » économique ne monte pas tout de suite crescendo. Il n’est par contre pas question de riposte militaire pour les États-Unis, l’Union Européenne et l’OTAN : la liberté nationale de l’Ukraine et, à travers elle, de tous les peuples de la région, n’est pas leur souci. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y pas risque de guerre globale, l’enjeu immédiat étant le positionnement de l’impérialisme russe dans le système mondial entre États-Unis, Allemagne et Chine.
La liberté ukrainienne concentre la défense de la liberté de tous les peuples de la région : la Bélarus est de fait occupée militairement et l’annexion ultérieure de la partie occupée du Donbass signifie extension de l’ordre militariste et mafieux qui y règne, jusque-là déployé dans la satrapie tchétchène, à toute la Russie. C’est pourquoi l’immense hostilité qui se devine en Russie, contre la fuite en avant actuelle de Poutine, et le passage du refus larvé au refus ouvert, sera un facteur des prochaines semaines et des prochains mois.
Un dernier mot s’impose ici concernant la politique intérieure française. Aucune muraille de Chine ne coupe la présidentielle de la situation internationale, surtout là. Le fait que celui qui passait pour le seul « vote utile à gauche », J.L. Mélenchon, justifie la guerre de Poutine (il déplore que Poutine soit malpoli mais affirme que le danger n° 1 est « l’annexion de l’Ukraine par les EU dans l’OTAN » et il propose une conférence paneuropéenne pour déplacer les frontières à l’amiable, sous l’égide francorusse), le classe comme candidat non du mouvement ouvrier, ou, si l’on veut, de l’ « union de la gauche », mais comme candidat impérialiste césarien. Il n’y aura donc pas de vote utile, si on en avait douté.
La cause de la paix, c’est la cause de l’Ukraine !
Boycott des présidentielles françaises !
VP, le 22/02/22, 11h.
(1) Il s’est cependant trouvé un député du KPRF, Evgeny Stupin, pour s’indigner du traitement fait aux « évacués » du Donbass, ce qui atteste du rétrécissement de la base du régime poutinien, qu’aggrave aussi la situation au Kazakhstan.
Ci-dessous carte permettant de distinguer le Donbass occupé du Donbass entier :
Concernant la position de Mélenchon (qui est le seul homme politique français ayant une position qui ne soit pas la « position du chien crevé au fil de l’eau »,), pourquoi ne pas en prendre connaissance ? Sur son site, il explique ceci (je cite le début) :
«Plus que jamais il faut se méfier des guerriers de plateau de télé qui s’échauffent dans l’invective et les mouvements de menton. Faire sérieusement le point demande qu’on parte du seul point de vue qui vaille en temps de crise : l’intérêt de notre pays.
Car le contexte est hors de notre portée.
En Ukraine et sur toutes les frontières à l’est du continent nous sommes en présence des rebondissements d’une de ces guerres sans fin qui, depuis Pierre le grand et Catherine II, tenaillent les peuples du secteur. L’implosion de l’URSS est le premier cas de l’ère moderne ou un Empire s’effondre sans négociation des frontières qui en résultent. Cela justifiait une prudence plus grande qu’ailleurs dans les décisions et les évolutions. La destruction de la Yougoslavie, la création de l’état artificiel du Kosovo ont vite montré que le rapport de force serait partout la règle. Le récent déploiement d’armes et de militaires de l’Otan dans tous les pays baltes l’ont confirmé.
Pour autant la reconnaissance des républiques russophones du Donbass par Poutine est une très mauvaise affaire pour les Français. Le respect des frontières, quelles qu’elles soient est une condition de base d’une vie internationale où la diplomatie et l’ONU tranchent plutôt que les armes et les coups de force. Si nous voulons nous-mêmes être indépendants, notre intérêt est que les frontières soient intangibles ou bien qu’elles ne bougent qu’après des procédures concertées, acceptées et contrôlées.
Il est à craindre qu’à la décision russe succède une décision américaine d’intégrer l’Ukraine dans l’OTAN. Autre mauvaise affaire pour nous Français qui n’avons aucun intérêt à l’extension de la domination militaire des USA et de leurs intérêts sur notre continent. »
Cette position me parait très raisonnable.
Beaucoup plus généralement, nous vivons, depuis déjà une vingtaine d’année (j’en parle dans mon roman « Sur le chemin des Terres Rares » publié en 2011) un basculement géopolitique majeur. Il n’y a désormais plus de domination occidentale. Russie et Chine équilibrent au moins la puissance US, et chaque jour l’Orient accentue cette tendance.
Cet équilibre a par exemple permis d’éviter le bombardement et la destruction de l’IRAN par Israël et les USA.
Bien sûr que si les « sanctions » devaient être notables, Russie et Chine accentueraient leur coopération économique.
Un chef d’état français réaliste et soucieux des intérêts français doit en effet rechercher la coopération à l’est comme à l’ouest et ne pas jouer le jeu des sanctions.
Il doit peser pour la dissolution de l’OTAN, pacte hérité d’un passé qui s’éloigne et prolonge des velléités d’agression parfaitement obscènes.
Il doit peser (si possible avec l’Allemagne) pour que la Russie et son ancienne province, l’Ukraine coopèrent dans l’amitié.
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La décision de la Russie est juste et sage face aux manoeuvres US et UE impérialistes soutenant le régime fasciste Ukrainien . Poutine et son équipe sont très intelligents sur le plan politique et stratégique et les trotskistes de service devrait relire trotsky sur l’Europe et son asservissement aux Etats-Unis où la CIA joue en permanence un rôle déstabilisateur des Etats non conforme au modèle capitaliste anglo-saxon . L’histoire des peuples a une logique ethnique et nationale et ceux qui ne le perçoivent pas sont des imbéciles ou des incultes . La France en a subi les conséquences sous Napoléon et dans ses guerres coloniales récentes . La Russie depuis la fin de l’URSS cherche à retrouver son influence dans toute la diaspora Russe et Slave et elle est en voie de réussir . les criailleries médiatiques et gouvernementales de l’occident capitaliste ne sont que des aboiements de peur des bourgeois repus sans avenir historique . Et maintenant continuons à suivre ces évènements à la télé comme dans un jeu vidéo loin de toute pensée rationnelle historique , preuve de notre inculture imposée par les médias bourgeois corrompus !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
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Il y a un « régime fasciste ukrainien », mais qui ne se présente plus du tout comme ukrainien, dans deux zones : une partie de l’oblast de Donetsk, et une partie de l’oblast de Louhansk, occupées par les mafieux liés à la Russie et ouvertement occupée depuis 2 jours. C’est dans ces deux zones que les syndicalistes indépendants ont été assassinés, les grèves interdites, toute liberté de réunion et de manifestation supprimées. Ailleurs en Ukraine, ces droits sont garantis et l’on a un régime parlementaire corrompu qui s’en est pris au droit du travail.
Il serait intéressant de savoir à quel écrit de Trotsky vous faites allusion, celui-ci ayant été assassiné en 1940 et la CIA fondée en 1948. Nous vous recommandons par contre cet écrit : https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1939/04/lt19390422b.htm
Nous avons tendance par ailleurs à penser avec un certain Karl Marx que l’histoire des peuples repose sur la lutte des classes et toute logique nationale et ethnique repose là-dessus, ce que les imbéciles et les incultes ne perçoivent pas.
Du point de vue de l’impérialisme capitaliste russe, Poutine joue aussi mal que Biden. En occupant une région qu’il occupait déjà, il a provoqué l’alignement de l’Allemagne sur les Etats-Unis en matière gazière (suspension de North stream II). Et il est en train de se constituer otage économique de la Chine, ce que d’autres dans les hautes sphères russes n’accepteront sans doute pas. Ce n’est pas très malin, mais de la part d’un simple flic, ce n’est pas très surprenant.
En ce qui nous concerne, ces évènements n’ont rien du jeu vidéo. Nous sommes en relation directe ou indirecte avec des militants révolutionnaires ukraniens, russes, bélarusses ou kazakhs, et nous comptons bien continuer.
Fraternellement, VP.
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1) « Pourquoi ne pas en prendre connaissance ? » :hé bien justement, dans l’article il y a un lien qui permet d’en prendre connaissance.
2) Ceci dit, nous savons lire le Mélenchon : et l’article donne une analyse de cette déclaration, que l’on peut utilement comparer avec l’idylle pour midinettes que tu nous présente ici comme étant sa pensée.
VP.
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Non-non, les considérations qui suivent l’extrait de la déclaration de Mélenchon, «L’idylle pour midinettes», ce n’est que mon point de vue.
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Bernard Sarton est-il le pseudonyme de Vladimir Poutine, de Joseph Staline ou bien de Marine Le Pen ?
Bernard Fischer
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