Par sa déclaration du 29 octobre que vous pouvez retrouver sur le site de Midi Insoumis en particulier (https://linsoumission.fr/2021/10/29/encore-antisemitisme-et-zemmourisme-la-nausee-par-jean-luc-melenchon/), Mélenchon tente de rattraper le coup. Quand on ruse avec les principes, ce qu’il fait depuis pas mal de temps, ceux-ci finissent toujours par vous rattraper. Sa discussion médiatisée avec Zemmour se situe dans la tradition même du mitterandisme. Dès 1982, les pouvoirs de la Vème République lui en donnant les moyens, François Mitterand pousse la marionnette Le Pen sur la scène publique : il a besoin de l’extrême droite pour diviser la droite et garder le pouvoir.

Électoralement en 1981 le parti de Jean Marie Le Pen, issu de la tradition populiste de Tixier Vignancourt, ne représente rien. Devant l’histoire, Mitterand puis la « gauche » institutionnelle portent la responsabilité objective de la montée de l’extrême droite dans la représentation politique. Mélenchon reprend le logiciel à son compte. Il utilise la marionnette Zemmour pour jouer le même scénario et apparaître comme celui qui peut gagner à la fois contre l’extrême droite et Macron.

Malheureusement il constate que l’abstention politique, fondée sur les mobilisations concrètes des derniers mois, vient troubler le jeu et il se met à insulter les électeurs. On se souvient de cette phrase célèbre à mettre dans les annales de la trahison : « C’est trop d’efforts que de se bouger ? Les esclaves se bougeaient, les esclaves résistaient, étaient assassinés, et vous autre, vous êtes là, à regarder et à dire ’oh, cela ne me convient pas… »

Autrement dit, il utilise son va-tout, un logiciel usé, car il sait qu’avec 50% d’abstentions populaires et dans la jeunesse, il a d’ores et déjà perdu. Il peut, après avoir profité d’un bien-être confortable sous les derniers lambris de la République, partir écrire ses mémoires !

Dans sa mise au point où il veut se faire passer pour la victime innocente sur qui tout le monde tombe à bras raccourcis, il ne répond pas à la question posée : a-t-il, oui ou non, déclaré que le racisme de Zemmour est une composante de sa judaïté, « le scénario culturel du judaïsme » ? Il faut reposer là une question de principe sur laquelle beaucoup d’obscurité a été délibérée entretenue dans la gauche et l’extrême gauche françaises et sur laquelle beaucoup se sont pris les pieds dans le tapis.

Il s’agit de la position historique du mouvement ouvrier, reprenant à son compte les acquis de civilisation posés par les ancêtres républicains : la République ne reconnaît que des citoyens à égalité de droit et de devoir. Elle considère que la religion est une affaire d’ordre privé. Toute attaque contre une communauté particulière, mise au ban de la société durant des siècles en raison de sa culture religieuse, à savoir les communautés juives, doit être condamnée et placée hors la loi. Il est arrivé à Marx de s’engager concrètement sur cette question, alors qu’il ne pensait pas particulièrement du bien de la religion de ses ancêtres, c’est le moins que l’on puisse dire. Le problème n’était pas là pour lui mais de défendre que la libre existence d’une communauté religieuse particulière, attaquée en raison de sa culture d’origine, nécessitait de combattre pour la sécularisation de l’État. Dans la tradition allemande, le terme de « sécularisation », on le traduirait aujourd’hui par laïcité de l’État.

Zemmour est aujourd’hui dans un sionisme d’extrême droite, celui des Finkelkraut et compagnie. Notre tradition à nous, c’est la défense du principe républicain de liberté de culte, pour autant que cette liberté ne s’oppose pas aux règles qui s’appliquent à tous les citoyens. Le sionisme, c’est une autre discussion : on peut être fortement opposés à la politique de l’État d’Israël et un combattant intransigeant contre le retour de l’antisémitisme, dont la politique de l’extrême droite israélienne alimente le foyer. Telle est la règle que jusqu’alors Jean Luc Mélenchon respectait, en tant qu’héritier d’une social-démocratie de gauche. Sa tentative de reconquête électorale l’amène à perdre complètement les pédales.

Comment dites-vous, Monsieur Mélenchon, « jusqu’à la nausée ! » Pour moi qui ai été parmi les fondateurs de Données et Arguments à partir des années 1978 dans la Fédération socialiste de l’Essonne jusqu’à la naissance d’une aile gauche dans le Parti Socialiste, puis bien plus tard à la naissance du Parti de Gauche, dont vous avez pour le moins détruit la possibilité de son développement, vous me donnez vraiment la nausée ! Jusqu’où irez-vous ?

La civilité bourgeoise du terme « Monsieur » s’applique à vous et certainement pas celle de « camarade » !

Robert Duguet, le 30 octobre 2021.

Document

Voir ci-dessous « la mise au point » de Mélenchon :

« Encore ! Antisémitisme et zemmourisme : la nausée »

samedi 30 octobre 2021.

Source : https://linsoumission.fr/2021/10/29/encore-antisemitisme-et-zemmourisme-la-nausee-par-jean-luc-melenchon/

Encore et encore. À chaque occasion l’accusation d’antisémitisme revient comme un refrain contre moi par les mêmes haineux. Naguère « Libération » montra comment l’accusation avait été lancée et alimentée par l’extrême droite avec l’appui du « printemps républicain ». Mais ça recommence. Sans fondement, sans argument, à tous propos et surtout hors de propos. Jusqu’à la nausée.

Cette fois-ci, Bruce Toussaint me demandait de réagir aux propos du rabbin Haïm Korsia selon lequel Zemmour serait antisémite. J’ai dit que je ne savais pas s’il l’était mais que raciste il l’est puisqu’il a été condamné pour cela. Bien sûr ma conviction est faite sur le sujet. Les propos de Zemmour sur le pétainisme, la rafle du Vél’d’hiv, Dreyfus et sur les malheureuses victimes de Merah sont bien situés dans les formes traditionnelles du discours contre les juifs. Il fait de lui le porte-drapeau de la tradition antisémite de l’extrême droite française.

J’en avais dit autant des propos de Macron à « L’Express » sur Pétain et Maurras. Mes accusateurs d’aujourd’hui étaient muets. On m’attribue depuis que j’aurais situé l’origine des idées d’extrême droite de Zemmour dans le judaïsme. C’est une stupidité ! Quand un criminel se réclame d’une religion j’ai toujours refusé d’en rendre responsable cette religion et surtout tous ceux qui la partagent. Je n’ai cessé de le dire et le répéter à chaque occasion où l’accusation était lancée notamment contre l’islam ou le christianisme. C’était le cœur de mon argumentation contre la loi séparatisme. Nombre de mes inquisiteurs de cet instant sont d’habitude muets quand il s’agit de ces religions ou bien très prolixes pour les accuser.

Ma conviction est que toutes les religions comptent des ultra-traditionnalistes qui finissent par déraper. Et Zemmour participe de leur mentalité parce que comme eux il croit à une essence immuable des personnes d’après leur appartenance de genre ou de couleur de peau ou de religion. Il partage leur vision d’un monde fermé où le futur doit être un passé toujours recommencé de traditions immuables dont on ne doit rien changer.

Si l’on a compris autre chose de mon propos c’est qu’on m’a mal compris. Je demande qu’on respecte ma pensée et qu’on ne la confonde pas avec ses interprétations par mes adversaires. Et je suis même prêt à admettre que je me suis mal exprimé puisque j’ai donné prise à des interprétations qui sont au contraire de ce que je pense.

Mais je ne veux pas que les initiateurs de ce nouvel épisode croient à ma naïveté sur ce type de campagne. L’un après l’autre, TOUS les porte-paroles de notre mouvance politique dans le monde en ont été accusés chacun à leur tour dans un même but de flétrissement personnel. Et cela fonctionne ensuite comme une consigne de vote. Pour autant je crois que le débat public vaut mieux que ces pauvres chasses aux sorcières.

Jean-Luc Mélenchon.