Présentation
Dans la lancée des discussions tenue lors de notre réunion de samedi dernier, nous publions une contribution matinale du camarade Alain Dubois portant en particulier sur le tempo d’une campagne pour l’abstention aux présidentielles.
Contribution
Bonjour,
Je voudrais revenir sur cette question de l’urgence, ou non, de notre appel, non pas dès maintenant à l' »abstention active » pour « battre la V° » , mais à des discussions au sein du mouvement ouvrier sur cette proposition.
A mon avis, rendre publique celle-ci maintenant cette proposition en fait une proposition politique nouvelle dont les travailleurs pourraient commencer à s’emparer, mais attendre que la situation « à gauche » se soit décantée pour le faire en ferait une proposition qui ne pourrait qu’être interprétée comme opportuniste, exprimant une déception, un dépit face à l’échec de la campagne que font certains pour l’unification des candidatures. Venant trop tard, cette proposition que TOUS les candidats, tous les partis et tous les médias vont bien entendu combattre au nom de la « démocratie » pourrait avoir l’effet inverse de celui espéré, celui de convaincre in extremis des abstentionnistes potentiels d’aller voter.
A mon sens, cette proposition, si elle commençait à se répandre largement dans les réseaux militants, sur les réseaux sociaux, dans des médias comme Mediapart, etc., certes rencontrerait immédiatement la même opposition (ce qui en soi ne serait pas si mal, en la rendant connue), mais permettrait de discuter publiquement son aspect profondément politique, qui implique plusieurs questions et réflexions:
– Un tel appel, lancé maintenant, serait clairement contre la V°, pas contre tel ou tel candidat. En 68, les manifestants et grévistes criaient « 10 ans (de de Gaulle et de la V°) ça suffit ». Aujourd’hui, elle signifierait « 64 ans ça suffit ». Elle exprimerait clairement qu’il faut en finir avec la « naïveté » (ou complicité) qui a consisté pendant tout ce temps à faire croire aux masses qu’il pourrait y avoir des solutions à leurs problèmes dans le cadre de la V°. Même si elles ne l’expriment pas sous cette forme, c’est leur faire insulte de croire que les abstentionnistes sont des « déçus de la politique » et n’ont pas compris, sur la base des expériences concrètes sous la V° d’un Président (Mitterrand ou Hollande) ou d’un premier ministre (Jospin) de « gauche », que leurs conditions d’existence ne vont pas s’améliorer mais au contraire continuer à se dégrader, et que ce sera le cas tant que cette constitution sera en vigueur.
– Cet appel doit clairement dire qu’il ne s’oppose à aucun candidat « de gauche » en particulier, que ce soit Hidalgo, Jadot, Montebourg, ou même Mélenchon, mais appelle tous les partisans de ceux-ci à se tourner ensemble, dans l’unité, vers le verrou de la Constitution de la V° pour le faire sauter.
– Continuer à faire croire qu’il est encore possible que l’unité à « gauche » se fasse sur un nom n’est plus de la naïveté, c’est de la trahison. Nous savons tous que ce ne sera pas le cas, car nous savons que tous les partis qui soutiennent ces candidats sont arc-boutés pour tenter d’empêcher que la crise de la V° qui couve depuis longtemps explose. Certes, tous les travailleurs n’en sont pas encore conscients, mais travailler à les aider à le comprendre a plus de sens que continuer à leur vendre du rêve. Seule la vérité est révolutionnaire.
– Étant donnée l’exacerbation de la lutte des classes au niveau mondial, déjà bien engagée mais qui va continuer à croître à mesure que la crise économique, sanitaire, sociale et politique mondiale va continuer à s’approfondir, repartir SANS L’AVOIR COMBATTUE vers la perspective de 5 ans de plus de la V° serait déjà une défaite. L’avoir combattue sans avoir réussi (c’est-à-dire avec des élections avec un taux de participation élevée) n’aurait pas la même signification. Quel(le) que soit l’élu(e) en 2022, Macron, Le Pen, Bertrand, Hidalgo ou autre, nous savons qu’il/elle continuera l’offensive contre l’État de droit, les lois sociales, les acquis sociaux, les conditions d’existence de la population, même en exprimant son regret de le faire, par allégeance à l’Union Européenne et à l’OTAN, donc aux États-Unis, et au-delà aux exigences du capital financier international ,qui dirige la planète.
– Il ne faut plus négliger la conscience qu’ont enfin prise de larges masses de la gravité des menaces sur la biosphère, avec des événements récents comme les incendies, les inondations, et bientôt des augmentations inégalées des prix et de l’accessibilité des denrées alimentaires, des services et de l’énergie. Faire croire qu’il sera possible de s’y opposer dans le cadre de la V° contribue à faire prendre des vessies pour des lanternes. A cet égard, même les propositions des « écologistes » et des « insoumis » font pâle figure par rapport à ce qu’il faudrait faire. Sortir de la V° est une urgence aussi dans ce domaine.
– Enfin, le combat pour l’abstention consciente, organisée, massive, n’est en rien contradictoire avec les mouvements sociaux en cours et à venir (grèves, manifestations, pétitions, déclarations). Ils sont la deuxième face de la même médaille et ne doivent pas être opposés, et ceci devrait être clair dans notre appel. En revanche, ne s’appuyer QUE sur ces mouvements sociaux (qui s’affrontent aux directions syndicales et politiques) en négligeant l’importance politique des élections présidentielles serait se lier une main dans le dos et répandre ici aussi des illusions : ces mouvements seuls, dans la situation actuelle, ne menacent pas encore la V°. Mais combinées avec une attaque frontale, clairement exprimée, non pas contre tel ou tel candidat ou contre « le fascisme », mais contre les institutions, pourrait le faire.
Alain Dubois, le 04-10-2021.