
Cette interview figure déjà dans l’article du 6 juin sur les départementales, nous la publions directement pour plus de visibilité.
Sylvain Bourdier, après être devenu maire de Commentry en 2020, te voilà candidat aux élections départementales dans l’Allier. Peux-tu nous résumer le parcours qui t’a conduit là ?
Je fais partie de ces militants socialistes, qui voulaient et veulent toujours changer la vie, et que les renoncements de leur parti et de ses dirigeants et gouvernants aux fondamentaux du socialisme ont profondément heurtés, comme une grande partie de notre peuple.
Animant un collectif local indépendant qui est devenu « Commentry pour tous, » en opposition frontale à la politique du gouvernement Hollande entre 2012 et 2017, une politique dont le résultat s’appelle Macron et pourrait à terme s’appeler Marine Le Pen, je me suis, avec d’autres, attaché à combiner la liberté à l’égard de tous les appareils politiques, et la proximité avec les gens dans l’action. Des années de travail collectif et sincère ont ainsi abouti à cette victoire aux élections municipales, et à mon élection comme maire en 2020.
C’est quelque chose de fort, parce que Commentry, ville à la fois ouvrière et rurale, victime des politiques antisociales menées depuis des années sur le plan national et depuis le dernier mandat municipal, faite de gens comme vous et moi, qui peuvent aussi bien être des immigrés de longue date, Polonais, Italiens, Maghrébins, Espagnols, Syriens, Érythréens comme des « Français de souche » si j’ose dire, a une histoire, et pas n’importe laquelle, celle de la première municipalité socialiste du monde en 1882 ! La droite l’avait prise, même pas reprise, prise, en 2002, résultat de la droitisation et de la perte d’espoir, perte des valeurs du socialisme, remplacé par de la pure gestion. C’est contre cela que nous avons réagi.
Me voila donc maire de rassemblement, indépendant, soutenu par les communistes locaux, mais pas seulement, par celles et ceux qui veulent améliorer, a minima, la vie du plus grand nombre.
Il se trouve qu’en battant la municipalité en place, nous avons battu l’ancien maire, M. Riboulet, actuellement président du conseil départemental de l’Allier. C’était une victoire sociale par la voie des urnes et il faut dire que beaucoup regardaient et regardent encore ce qui se passait ici… En France, aujourd’hui, cela peut encore arriver… à commencer au plan local !
C’est fort de ce contexte local que je suis aujourd’hui candidat. Je ne l’ai pas vraiment souhaité, mais je suis un militant, et la situation nécessitait de repartir à la bataille.
Mais sur quel programme es-tu candidat ? Dans quel cadre politique ?
Alors je suis le candidat, localement, de tous les hommes et toutes les femmes de la gauche qui ne renonce pas, c’est-à-dire qu’avec nos 3 colistiers nous sommes les seuls candidats de gauche du canton et c’est heureux !
Nous participons aux listes de gauche au niveau départemental, où figurent notamment les élus PS et PCF. Mais franchement, en matière de programme, je pense que ce qui compte, c’est le sens de la politique municipale que nous avons commencé à mettre en œuvre à Commentry : des mesures concrètes et de la proximité, du respect pour les habitants !
Il faut commencer par consulter, écouter et si possible permettre aux gens de trancher. Un maire, et tout autre élu à mon avis, doit se percevoir comme le mandataire de celles et de ceux qui l’ont élu. Pas comme un espèce de préfet, de président de directeur de conscience ou de baron local qui leur dirait quoi faire et quoi penser. En tous cas, notre république à nous, nous la voulons ainsi.
En guise de programme, je pense pouvoir me permettre de mettre en avant ce que nous avons fait depuis un an sur la plus grosse commune du secteur, en précisant que toutes les petites communes auront aussi leur mot à dire, quelle que soit leur couleur politique, et que leurs besoins ressemblent en fait, à ceux que nous mettons en évidence et pour lesquels nous militons à Commentry, par exemple en matière de besoins de services publics.
En quelques mots : nous nous sommes fait remarquer parce que nous avons mis les cantines des écoles publiques à un euro pour tous les enfants. Nous combattons pour préserver les services publics et avons évité, en relation avec les parents d’élèves et les syndicats enseignants une fermeture de classe. Nous voulons développer l’offre de santé. Nous envisageons aussi de fournir aux enfants des écoles communales des calculatrices pour leur entrée en 6ème. À terme, nous espérons pouvoir mettre en place la gratuité des fournitures scolaires pour les collégiens (au niveau municipal ou départemental !). En matière d’emploi, une municipalité ne peut pas intervenir directement sur le capital des entreprises situées sur sa commune et nous avons encore à Commentry des industries chimique ou métallurgique importantes. Mais elle peut et doit entendre les organisations syndicales et dans l’intérêt des travailleurs.
Nous sommes sans doute, dans l’Allier, le contre-exemple de la mairie de Saint-Pourçain qui expulse les syndicats et qui met les enfants au pain sec et à l’eau. Nous nous opposons aux mesures portant atteinte aux droits sociaux de nos propres personnels territoriaux, et je m’inscris en opposition radicale avec telle autre élue « de gauche » de notre secteur qui prétend qu’ils doivent être traités « comme dans le privé ».
Nous allons accueillir un village d’enfants qui devrait entraîner la création d’une trentaine d’emplois. Commentry est une ville ouverte et accueillante, qui laisse leur place aux migrants, à celles et ceux, qui comme de nombreux commentryens, ont dû quitter leur pays d’origine dans la souffrance.
Tout cela est modeste mais si modeste soit-il, cela fait parler, peut-être parce que cela tranche. On ne change pas le monde dans une seule commune. Mais l’union des communes peut changer le monde…
J’ajoute qu’à Commentry, un aspect distinctif s’impose comme de lui-même à notre politique, c’est le retour de la mémoire ouvrière, sociale, et révolutionnaire. Nous avons accroché un drapeau rouge pour l’anniversaire de la Commune – les amis de notre ancien maire et président actuel du Conseil départemental ont tweeté au préfet de cette menace sécessionniste… De vieux syndicalistes nous ont rappelé que de 1882 à 2002 la commune arborait le drapeau rouge le 1° mai. Nous le ferons. Parce que c’est porteur d’avenir et d’espoir.

Tout cela résonne, peut-être un pas en avant, avec le discours de la gauche départementale qui dit vouloir apporter un avenir aux territoires tels que l’Allier. Nous sommes un département à la fois rural et ouvrier, aujourd’hui délaissé volontairement par les politiques publiques et voué à la désertification dans bien des discours officiels, mais en réalité nous sommes vivants et combatifs. Des batailles pour l’emploi, pour la carte scolaire, pour le droit au séjour et au travail des jeunes migrants, pour la santé publique, peuvent être portées par une population qui souhaite vivre dignement ici et ne va pas sacrifier cela à la logique aveugle du capital. C’est là l’intérêt de l’immense majorité des gens.
Mais par rapport aux élections régionales et au cadre national, du coup, comment se situe ce que représente ta candidature ?
Nous ne suivons aucun appareil parce que la confiance a été brisée et que c’est en pensant par soi-même ensemble, au cœur des réalités encore une fois, qu’on reconstruira.
Pensons au temps de Christophe Thivrier, mon prédécesseur (c’est un fait, pas de l’orgueil, rassurez-vous) : des débats, des confrontations, des désaccords souvent, mais de la conscience, de la mobilisation, de l’organisation, du concret, et à terme, des victoires !
Toutes celles et tous ceux, aux régionales, qui vont voter pour la liste Vallaud-Belkacem soutenue par le PS et par des communistes, pour la liste Cukiermann soutenue par les Insoumis et par le parti communiste – des courants qui existent dans notre majorité municipale bien entendu-, ou qui vont voter écologistes, ou qui vont voter Lutte ouvrière, et aussi, franchement, la plupart des abstentionnistes, et même des révoltés se trompant complètement de bulletin (vous voyez ce que je veux dire !), il faut que toutes celles-là et tous ceux-là trouvent une perspective dans notre canton en se sentant bien représentés par notre candidature.
Pour les régionales, une chose est certaine, Wauquiez reste notre adversaire et nos camarades sont nombreux, dans diverses listes, avec un espoir commun d’un meilleur avenir.
De quelle manière ?
La manière de faire, on la trouvera tous ensemble, dans l’échange, la discussion, parfois la confrontation, mais la nécessité de se comprendre et de comprendre nos intérêts communs. Les élus représentent, ils ne commandent pas. Mais ils doivent décider, et pas les ministres ou les préfets à leur place.
Reconstruisons par en bas, et faisons vivre notre république réelle, la sociale !