Samedi 23 janvier, Le Monde s’inquiétait avec des élus LRM « d’un dégel des colères sociales » et commentait la situation : « les faillites comme les plans de licenciements font craindre de lourdes conséquences à un an de l’élection présidentielle ». C’est que le 23 janvier une manifestation nationale, coordonnant de nombreuses entreprises en lutte était appelée par des grévistes exigeant l’interdiction des licenciements. Ce ne fut pas une grande marée, mais cette mobilisation de près de 3000 manifestants qui s’est rendue de l’Assemblée nationale au siège du MEDEF, a tenu ses promesses. Et personne ne s’y est trompé. Ni De Rugy, ni Martinez, ni Veyrier, tous ont compris cet appel de la base montrant qu’elle peut réaliser la convergence des grèves, comme le signe précurseur d’une déferlante sociale en train de se constituer.
A un an de l’élection présidentielle, les présidentiables en quête de visibilité peinent à chevaucher les exigences des grévistes ; les cartels unitaires aussi. Les uns réclament « l’interdiction des licenciements pendant la période de la pandémie » tout en déclarant que le Covid n’est que le prétexte des licenciements, les autres demandent un « moratoire sur les plans de licenciements et les suppressions de postes » sans préciser quel délai ils entendent donner aux licencieurs. Pourtant les grévistes du groupe Travel Union International (TUI), de Total Grandpuits, etc., sont clairs sur leur exigence : Interdiction des licenciements et des suppressions d’emplois. C’est sur ce mot d’ordre qu’ils rassemblent les salariés, font l’unité des organisations syndicales dans leur grève et construisent ce début de convergence nationale.
C’est bien une manifestation de travailleurs, luttant avec leurs syndicats contre des plans de licenciements, dans des grèves qui durent, comme à Grandpuits depuis plusieurs semaines, qui a montré une autre voie : celle qui permet de rompre l’isolement, qui se coordonne, qui se dirige vers les lieux de pouvoir où se décide, se planifie et se finance l’hécatombe qui prive 6 millions de salariés de leur droit au travail.
Les raffineurs de Total organisent une collecte de soutien à leur grève. Les manifestants de Cargill, de Sanofi, de Nokia, de General Electric Villeurbanne, tous frappés par des plans de licenciement viennent chercher la perspective d’une bataille d’ensemble. Les grévistes de SKF d’Avallon dans l’Yonne refusent un plan de licenciements qui prépare la fermeture complète du site en comprenant qu’ils sont engagés dans un combat difficile qui s’attaque à une prérogative patronale et qui nécessite de ne pas rester seuls.
Quelques unions départementales CGT(92,94, …), des dizaines de sections syndicales CGT, SUD, des organisations politiques et les GJ qui avaient décidé de rejoindre la manifestation, ont apporté la visibilité et la solidarité dont ont besoin les grévistes pour continuer la lutte. Et surtout, ont apporté la dimension d’un combat d’ensemble. Un combat s’appuyant sur des actions nationales sans craindre d’aller vers l’affrontement avec Macron qui détruit les libertés pour détruire massivement le droit au travail.
Ce 23 janvier, n’était pas une date parmi celles des journées d’action dispersées, supposées « peser sur le dialogue social ». Dans la rue a été posée la première pierre d’une force qui se construira avec ceux qui combattent à la base, pour interdire les licenciements. Des millions de salariés promis au chômage ne peuvent attendre patiemment que les confédérations se décident à rompre avec les Ségur de la santé, et autres co-constructions des contre-réformes. Des millions ne peuvent attendre 2022 et, comme la majorité LRM qui le comprend et s’en inquiète, des milliers de travailleurs sentent bien qu’affronter Macron maintenant, c’est aussi renverser la table des présidentielles.
LM, 25-01-2021.
Certes, le soutien d’organisations politique » apporte de la visibilité et de la solidarité ». C’est un fait. Mais, il est nécessaire aussi de clarifier la situation si on ne veut pas que ce mouvement serve de tremplin à des tactiques politico-syndicales. A savoir que depuis le 19 mars 2020, le vote à l’unanimité des députés à l’assemblée nationale de 343 milliards d’euros, passés ce jour à 560, n’ont contribué qu’à assurer les bénéfices des banques et des capitalistes ( hors commerçants, artisans, TPE, indépendants, etc) et permis que ces milliards financent les plans de licenciements.
L’exigence de l’interdiction des licenciements et des suppressions de postes marque justement le point de rupture avec cette politique d’union nationale inachevée et la perspective de chasser Macron.
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Les tentatives d’intégrer les organisations politiques et syndicales à l’union sacrée, ne se développent pas seulement à l’ occasion des votes des plans de relance et de leurs budgets ou des sommets sociaux. En la matière le groupe parlementaire de la FI a effectivement fait preuve de sa coopération au financement des plans de licenciements en votant, avec tous les députés, dans une triste unanimité, les 343 milliards d’aides au patronat. Et c’est précisément parce qu’il vote ces aides qui servent pour une bonne part à financer les plans de licenciements que Mélenchon ne peut parler le même langage que les grévistes de Total et de TUI qui veulent interdire les licenciements. Même quand il vient, comme le 23 janvier, checker les pognes des manifestants et parler dans le micro .
La revendication, par elle même, dit tout du positionnement politique.
On l’a vu dans le combat mené contre la retraite par point, où la question du retrait du projet représentait « le point de rupture », comme dit ci -dessus le camarade Teicou, entre ceux qui se préparaient à négocier le prix du point et ceux qui voulaient défaire Macron sur le projet emblématique de son quinquennat.
De la même manière ceux qui biaisent avec l’exigence de « l’interdiction des licenciements » avec des formules comme » interdiction des licenciements pendant la période de la pandémie » (Mélenchon) ou « moratoire sur les plans de licenciements » (NPA, PEPS, Ensemble, FI, GDS, Nouvelle donne, Générations), ou « halte aux licenciements », et d’autres mots d’ordre plus généraux encore sur la « défense de l’emploi », « les droits nouveaux » ou « le bouclier social », etc. , expriment en fait leur refus ou leur crainte d’affronter l’exécutif sur un enjeu central pour le patronat.
Les mêmes sont d’ailleurs très capables d’expliquer que les licenciements, dans une majorité de secteurs, n’ont rien à voir avec la Covid et que les entreprises « profitent de la crise sanitaire pour supprimer des emplois et accroître leur rentabilité (Auchan) », ou « se restructurer sur le dos des salariés : aéronautique, automobile, sous-traitants ». L’exigence de rentabilité ayant pour les capitalistes un caractère dur able et permanent on voit mal quel moratoire, quel délai, quelle limitation dans le temps, pourraient préserver les travailleurs de l’hécatombe que tous prétendent combattre.
Oui, la revendication des raffineurs de Grandpuits, des voyagistes deTUI et de centaines d’autres : « interdiction des licenciements et des suppressions d’emplois » est bien celle de la rupture avec ce régime, l’exigence d’en finir avec Macron maintenant. Sans faire d’autre calcul que celui d’un mouvement social seul capable de changer la donne de toutes les échéances politiques .
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Je partage tout à fait la conclusion de Milo.
Je voudrais préciser une chose. Cette conclusion est l’orientation qui était celle du POID. Pourquoi j’utilise l’imparfait ?
Parce que depuis quelques semaines, cette orientation n’apparaît plus de manière explicite dans la Tribune des travailleurs et les déclarations du POID qui, maintenant, en appelle à » l’ unité pour chasser Macron » en convenant que chacun puisse » avoir sa manière d’y parvenir ». Mettons, mettons !!!
Quand j’étais au POID jusqu’ il y a peu, la « manière d’y parvenir » était celle décrite dans la conclusion de Milo.
Certes, si dans la TT on peut lire des articles faisant mention d’un mouvement qui se cherche en luttant notamment contre les licenciements, le lien entre l’unité indispensable sur cette exigence par la lutte de classe et la perspective de chasser Macron posant la question de la grève générale et de quel gouvernement pour et par les travailleurs, n’apparaît plus, comme je le disais, de manière explicite. Sauf à faire le grand écart intellectuel en disant » oui, mais on le dit, regardez les articles qu’on écrit pour relater ces luttes, etc ».
Comme le disait Vincent dans un article répondant à des militants du POID, ces « oscillations » ( que je qualifierais de permanentes parce qu’elles sont aussi multiples) ne permettent pas de dégager une orientation claire, une continuité et une cohérence stratégique.
Tout ça pour dire qu’en plus des mots d’ordre bidons décrits par Milo, il peut y avoir des soutiens à des mots d’ordre corrects détournés par des tactiques visant à préserver les appareils.
D’ailleurs, le POID, au travers du » comité pour l’unité pour l’interdiction des licenciements » mandatés (???) par 30000 signataires qui soutenait « l’appel des TUI », dont la dernière réunion date du 21 novembre, en appelle aux directions syndicales comme condition pour réaliser l’unité. Ce qui vise à impuissanter le mouvement par le bas, au lieu d’en appeler à ce qu’il constitue ses AG, qu’il mandate ses délégués, etc, avec leurs syndicats qui le souhaitent.
Subordonner l’action pour l’unité au bon vouloir hypothétique des appareils, c’est contribuer, qu’on le veuille ou pas, qu’on en ait conscience ou pas, à la division et à la couverture sur leur gauche les appareils. Et par là, contribuer à empêcher toute perspective révolutionnaire.
Ce qui se passe en Inde aujourd’hui, et si bien relaté par Chastaing, illustre d’une certaine manière cette problématique.
Thierry COURAU
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