Il est important que les militants ouvriers, partout dans le monde, saisissent l’ampleur des mouvements engagés en Inde, ce que la plupart des médias d’information ne permettent pas.
Au début de l’année 2020, la vague mondiale de crises révolutionnaires commençait à atteindre cet immense pays, sous la forme d’un affrontement d’ensemble entre le président Modi et le parti ethno-nationaliste et économiquement « libéral », au pouvoir, le BJP, d’une part, et la masse de la jeunesse entrainant de plus en plus les syndicats, d’autre part. Modi a commencé à détruire les fondements laïques de la nationalité indienne, au profit de la discrimination contre les musulmans et d’autres minorités, et instauré la dictature violente au Cachemire, et contre les immigrés en Assam.
L’affrontement central se dessinait lorsque le confinement a été utilisé pour disperser les mouvements en cours, matraquer le pays, et jouer au risque de guerre avec la Chine.
A présent, la société indienne relève à nouveau la tête. D’une part, une énorme vague paysanne s’est levée dans tout le Nord du pays, contre la libération des prix agricoles décidée en septembre par le pouvoir, qui les ruine. Ce sont des millions de paysans qui ont enfoncé les barrage et qui entrent dans New Delhi avec l’intention d’assiéger le gouvernement pour le contraindre à retirer sa contre-réforme. La répression est violente et les personnes arrêtées sont entassées dans au moins 9 grands stades de cricket. Mais la foule est en train d’entrer dans la capitale.
Il faut ici faire résonner la mémoire des luttes de l’humanité. En 1381, les paysans anglais insurgés, les Lollards, confrontés après la peste à l’émergence du salariat agricole préfigurant le mode de production capitaliste, ont marché sur Londres. Le 10 août 1792 les citoyens en armes convergeant sur Paris ont en France renversé la monarchie. Le mouvement indien renoue avec cette forme politique décisive, celle du peuple se centralisant pour affronter le pouvoir.
Et donc il est également décisif que, d’autre part, en connexion avec le mouvement paysan, 10 centrales syndicales (toutes sauf celles liées au BJP) aient appelé à deux journées de grève générale ces jeudi et vendredi 27 et 28 novembre, sur un programme revendicatif en 8 points : arrêt des privatisations, abrogation des lois de septembre contre les agriculteurs, allocations aux familles misérables ( de 7500 roupies mensuelles soit 101,50 euros …), rations alimentaires gratuites, garantie de 200 journées annuelles de travail aux ouvriers agricoles, rétablissement des régimes de retraites détruits par Modi et des retraites des fonctionnaires.
Il y a déjà eu en Inde des « journées d’action ». Mais là la grève est effective : il y aurait 250 millions de grévistes. Le mouvement est beaucoup plus puissant qu’en janvier. Dès le mercredi 25, des retraites aux flambeaux spontanées ont vue, au Kerala, les habitants des bidonvilles sans travail sortir pour soutenir la grève et appeler à la grève dans les fermes et les campagnes.
Les choses en sont là ce samedi, comme suspendues, mais les millions de paysans sont en train d’avancer vers les bâtiments gouvernementaux.
L’ébranlement de l’Inde, avec l’explosion démocratique contre la monarchie en Thaïlande, les développements au Chili, en Bolivie et au Pérou, la « grève générale dans la durée » en Bélarus, et maintenant l’aggravation de la crise de régime en France, marquent une situation mondiale à nouveau en train d’évoluer depuis la défaite de Trump le 3 novembre. Nous y reviendrons.
Et bonnes manifs !
Samedi 28, 15h.
C’est très intéressant ces infos sur les mobilisations en cours en Inde. Mais prut’on pour autant parler du retour d’une vague révolutionnaire mondiale ,?
Quels éléments concrets permettent de fondre les mobilisations dans des pays différents en une vague révolutionnaire mondiale ?
La gouvernance capitaliste mondiale elle, elle existe à partir d’institutions fortes : l’Omc, le FMI, la banque mondiale … et même si l’OMC connait une crise de fonctionnement, les traités bi et multi latéraux signés en dehors de lui sont dans la droite ligne des accords OMC
Mais les mobilisations nationales ont lieu contre des cibles spécifiques aux pays concernés. Certaines associations y voient des traits communs à la lutte contre le capitalisme mondialisé et neo libéralisé.
Mais elles ne dirigent rien, elles sont complètement marginales par rapport aux mobilisations de masse
Il me semble que la preuve une non convergence se situe bien dans l’évolution ces 20 dernières années des mobilisations dans certains pays latino américains suite au chavisme
Chavez a lutté pour améliorer la vie de son peuple sans jamais remettre en cause l’existence même du capitalisme
La nationalisation de PDVSA lui a donné une source d’argent qui lui a permis de réaliser son projet d’amélioration de la vie des favelas et des couches populaires au Venezuela.
Bien, très bien, mais le capitalisme au Venezuela n’a jamais été détruit, au contraire certaines parties du peuple, en sortant de leur misère antérieure se sont vite précipitées à faire des entreprises …capitalistes !
Au moins Castro à Cuba est allé beaucoup plus loin et dans les faits il a interdit le développement capitaliste, mieux avec les docteurs il a donné un sens concret à l’internationalisme
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Il nous semble que le fait que tu soulignes, en fait, n’est pas la « non-convergence » des crises révolutionnaires nationales ayant lieu dans un grand nombre de pays, mais un trait fondamental qui leur est commun : elles n’ont pas de représentations politiques et les organisations se voulant révolutionnaires, soit n’y comprennent strictement rien, soit sont réduites au rôle de commentatrices. Mais il n’empêche que des crises révolutionnaires, depuis l’an dernier, de l’Irak au Chili et montant en Inde, si c’était juste une coïncidence ce serait une sacré coïncidence !
Un autre trait, qui va avec le précédent, est qu’il n’y a pas de chefs suprêmes. Est-ce que tous ces mouvements n’auraient as assimilé, à leurs façons, bien des leçons ?
(dont celles de Cuba et du Venezuela, d’ailleurs. Sans développer, voici un article intéressant sur la situation actuelle à Cuba : https://alencontre.org/ameriques/amelat/cuba/cuba-mise-en-perspective-du-nouveau-virage-economique.html
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La réponse dit très justement qu’il n’existe pas d’organisations politiques expressions de ces crises révolutionnaires et donc pas « d’institutionnalisation » possible, ce qui est le fond du commentaire que j’avais fait. La bourgeoisie a des institutions mondiales et des capacités d’intervention juridiques et financières, voire même militaires avec les troupes et » missions » patronnes par l’ONU. En face les peuples n’ont rien, pas d’institutionnalisation mondiale, pas de capacité financière d’aide, et toutes les ONG spécialisées dans l’humanitaire se gardent bien de remettre en cause le capitalisme dominant. C’est comme la Sécu chez nous une institution qui a amélioré la condition ouvrière, sans contestation, mais à côté du capitalisme redémarrant… 70 ans plus tard le capitalisme triomphant étranglé la Sécu lentement mais sûrement. Reconnaître des crises révolutionnaires, c’est bien, mais il faut aussi déplorer l’absence totale de liens entre ces crises et poser le problème de l’existence de liens efficaces. Ne pas faire croire que l’air du temps, la spontanéité suffiraient à l’extension et à la permanence de processus révolutionnaires. Attention je ne dis pas que c’est ce que vous faites, je ne le pense pas non plus !
Cuba, le Vénézuela, etc. pourraient ils avoir un rôle ?
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Dans les années qui ont immédiatement suivies mai 68, les marxistes révolutionnaires passaient beaucoup de temps à distinguer mobilisation générale, grève générale, gouvernement ouvrier et paysan, gouvernement des syndicats et comités d’action, crise pré-révolutionnaire et crise révolutionnaire. Aujourd’hui le mécontentement est très fort mais l’attraction de l’extrême droite aussi. Il me semble qu’il y a des étapes intermédiaires nécessaires avant de décider si la question du pouvoir se pose, et si la réponse est positive, sous quelle forme (partis, syndicats, assemblées, collectifs?), afin de pouvoir la poser dans des termes concrets. Cela permetrait de réconcilier ceux qui pensent que la nature de la période n’est pas propice, mais ne savent pas vraiment, et ceux qui pensent qu’on est en pleine vague révolutionnaire mondiale ascendante, mais n’arrivent pas à convaincre, précisément parce que les victoires qu’on peut démontrer sont partielles, incomplètes, brèves.
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