D’après plusieurs sites d’actualité russes et ukrainiens, notamment C-NEWS.ru, et le réseau social VKontakte, corroborés par nos contacts militants, des affrontements sociaux importants ont lieu dans les « Républiques populaires » du Donbass et de Louhansk, entièrement tenues à bout de bras par l’État russe de Vladimir Poutine.

Vendredi dernier 5 juin, les mineurs de charbon de la mine de Komsomolskaya ont refusé, à partir du second quart, de se rendre au fond, exigeant le paiement des salaires impayés dus, cela pour la seconde fois depuis le 21 avril. Ils exigeaient que la promesse faite alors d’un paiement d’ici au 15 mai, non tenue, soit respectée. Un Syndicat indépendant des mineurs du Donbass, indépendant voulant dire non contrôlé par l’État et ses réseaux mafieux, s’est exprimé au nom de ce mouvement.

La mine Komsomolskaya, dont le nom respire l’ancienne URSS, est l’une des plus importantes du bassin du Donbass, foyer historique de l’industrialisation russe, de la colonisation de l’Ukraine, et des luttes ouvrières en 1917-1918 ou en 1989-1992. Elle avait gardé le statut d’entreprise publique après l’indépendance ukrainienne en 1991, et était devenue une « entreprise d’État » de la « République populaire » en 2014, ceci n’empêchant en rien un fonctionnement parfaitement privatisé, et mafieux. Le non paiement des salaires, cette plaie que Poutine prétend avoir éradiqué en Russie par rapport aux années 1990, a commencé à sévir dans les « Républiques populaires » surtout depuis 2018-2019, en relation avec des regroupements d’entreprises, qu’elles soient « publiques » ou « privées », entre puissants oligarques tels que Rinat Akhmetov, le capitaliste le plus riche d’Ukraine, l’ancien président chassé par la population à Kiev en 2014, Ianouchkovitch, et les hommes des « organes » russes. L’assassinat du chef fascisant et antisémite de la « République populaire du Donbass », Zakhartchenko, en 2018, n’était pas étranger à ces regroupements « oligopolistiques » …

En avril 2020, ces messieurs ont lancé une « loi sur la liquidation des entreprises charbonnières non rentables et la protection sociale de leurs travailleurs », « protection sociale » qui consiste en 3000 licenciements prévus, pour le moins. La grève de la mine Komsomolskaya peut être interprétée comme un acte de résistance central contre ce qui s’annonce. Sachant que le nombre d’emplois directement liés aux mines est déjà tombé, dans la « République populaire de Louhansk », de 40000 environ à 30000 aujourd’hui, depuis sa proclamation.

Les menaces de la part du « ministère de la Sécurité d’État » (dont le sigle, MVD, rappelle quelque chose à tous les Russes comme à tous les Ukrainiens …) ont commencé le soir même et, le samedi 6, les dirigeants de la mine avaient dressé une liste noire de 130 travailleurs, à licencier. La mine est censée être une entreprise d’État, en fait dirigée pour le profit des mafieux représentés par Vladimir Shatokhin, directeur général de Vostol-Ugol LNR (LNR = « République Populaire de Louhansk ») – mais cela c’est le sigle pseudo-soviétique de l’entreprise que l’on appelle aussi East Coal-, qui, comme n’importe quel manager patronal, a expliqué que pour « gagner en rentabilité » les sacrifices sont indispensables et les revendications « exorbitantes » (alors qu’il s’agit de salaires impayés !!!).

Dimanche 7 juin, les connexions internet et téléphonique entre ce secteur et l’extérieur des « Républiques populaires » ont été suspendues, le dernier message indiquant que 124 mineurs ainsi que leurs épouses étaient retranchés dans la mine cernée par un cordon policier. Une « quarantaine » a alors été proclamée dans le secteur, avec suspension des transports et fermetures des magasins : chez les mafieux du Donbass comme en d’autres pays, le confinement a bon dos !

Le 8 juin, la rumeur court que « quelqu’un » va venir de Russie pour sermonner les mineurs et trouver les coupables. Alexandre Vaskovsky, du Syndicat indépendant, transmet au site NEWs-ru l’information selon laquelle monsieur le « directeur général » a privé d’eau et de nourriture les mineurs et leurs épouses retranchés dans la mine et que tel était le but de la « quarantaine sanitaire ». Le mouvement n’est pas limité au groupe héroïque des mineurs de Komsomoskaya. Des groupes de syndiqués clandestins (car dans la « République Populaire de Louhansk » le syndicalisme est un délit ) se sont manifestés par des messages sur les réseaux sociaux avant leur occultation le 7 juin. En réaction, le pouvoir (dépendant de la Russie) a bloqué toute la ville d’Antratsyt, 50000 habitants (ville qui avait été présentée, en 2014, comme bastion « russophone » combattant les « fascistes ukrainiens » ) par le couvre-feu, des véhicules militaires ont été déployés à Rovenky (40000 habitants) et la mine Frounzé a été encerclée « préventivement » par les forces dites de sécurité. Des arrestations en séries ont eu lieu à Krasnodon, Rovenky, Krasny ray’, Belorechensk, et du matériel informatique a été volé par les nervis policiers. Ils ont battu et torturé au moins 7 travailleurs dont deux femmes, l’une enceinte, dans la nuit du dimanche 7 au lundi 8 juin à Louhansk au siège du « MVD », selon les informations qu’a pu transmettre Alexandre Vaskovsky.

La mine Belerochenskaya a vu les mineurs se regrouper pour exiger des nouvelles et la solidarité avec ceux de Komsomolskaya, et il semble que l’accès à la mine ait été interdit par le PDG et agent du MVD, V. Shatokhin : on appelle ça un « lock-out » …

Ces affrontements sociaux opposent très clairement un vieux secteur combatif et même légendaire de la classe ouvrière aux chefs mafieux pro-russes du Donbass. Ceux-ci mènent la politique de Thatcher pendant qu’à l’ouest le mouvement ouvrier, soit oublie l’existence des travailleurs du Donbass, soit, dans le cas des secteurs de culture FSM, se fait un film pétri d’ignorance de ce qu’est la classe ouvrière, sur les « mineurs du Donbass » qui auraient, en 2014, combattu les « fascistes ukrainiens » et qui, depuis, seraient engagés dans la « résistance ». C’est faux : comme leurs frères de classe de Krivy Riv, du côté de l’Ukraine indépendante, ils affrontent un patronat mafieux et oligarchique issu de la bureaucratie et de la police. On ne saurait tout confondre : l’Ukraine de Zelensy n’est pas « nazie », c’est un régime parlementaire corrompu où les libertés fondamentales, y compris syndicales, existent sur le papier, mais les « Républiques populaires » du Donbass et de Louhansk sont des zones occupées que Poutine a voulu transformer en petites « Irlande du Nord » – il a échoué et elles sont devenues un chancre pour tout combat démocratique en Russie, qui doit commencer par dénoncer l’impérialisme de Poutine. L’unité de ce combat ouvrier sera un élément nécessaire de l’unité d’une Ukraine démocratique, unifiée, indépendante et ouvrière.

Ces combats nous sont très proches et il est essentiel de les porter, en commençant par informer, au cœur du mouvement ouvrier, en France, ici et maintenant.

Soutien aux mineurs du Donbass ! Vive les syndicats indépendants !

Le 08-06-2020.