Boris Johnson, premier ministre britannique, c’est-à-dire chef de l’exécutif, a demandé et obtenu de la reine d’Angleterre que les Communes (l’assemblée nationale) ne puissent pas se réunir de mi-septembre au 14 octobre, où elles devront entendre le «discours du trône», c’est-à-dire la déclaration de politique générale de Johnson lue par la reine, puis disposeront de deux jours pour se prononcer sur les ultimes modalités du Brexit, avant le «sommet européen» prévu vers le 20 octobre.

Autrement dit, Boris Johnson, en s’appuyant sur l’institution monarchique, procède à un coup d’État. Sur une question d’une importance centrale, le Parlement est interdit de se réunir. Ceci est absolument sans précédent dans l’histoire britannique, ou plus exactement les deux précédents sont ceux du roi Charles I° en 1629 et Jacques II en 1689 : dans les deux cas, il en a résulté une révolution renversant ces rois (et décapitant le premier d’entre eux).

La crise institutionnelle de la construction britannique arrive à son point crucial. L’impasse dans laquelle le capitalisme anglais s’est mis lui-même par le succès du référendum sur le Brexit, initialement calculé pour enrayer les effets de la réapparition d’un parti ouvrier de masse en Europe avec la victoire de Jeremy Corbyn dans le Labour party, cette impasse parvient à son acmé.

C’est l’impasse en ce qui concerne la question irlandaise réactivée par le Brexit, puisque sa conséquence inévitable est le rétablissement d’une frontière «dure» coupant l’Irlande en deux, ce qui sera refusé massivement par la nation irlandaise et aussi par les «protestants» d’Irlande du Nord, rejet qui soulève de facto la question de la réunification de l’Irlande. Bruxelles et Macron veulent imposer à la place un système temporaire qui place la frontière douanière entre l’île irlandaise et l’île britannique, ce qui soulève de facto … la même question de la réunification de l’Irlande. Johnson, soutenu par de larges secteurs du capitalisme britannique, a choisi le «Brexit dur» pour garder l’Irlande. Impasse, donc, en ce qui concerne l’existence politique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

C’est l’impasse en ce qui concerne la cohésion de la Grande-Bretagne, puisque le coup d’État de Johnson veut dire une contrainte politique renforcée pour l’Écosse, poussée à l’indépendance, et même pour le Pays de Galle, où le Brexit avait eu une courte majorité en 2016, mais où Johnson a suscité les plus grandes inquiétudes. Écosse et Pays de Galles ne peuvent pas exister démocratiquement en étant ligotés dans un État «brexiteur» associé aux États-Unis de Trump. Cela ne veut pas dire que l’indépendance s’impose forcément : la renégociation démocratique des fondements nationaux de la Grande-Bretagne est à l’ordre-du-jour, mais elle ne se fera ni avec Johnson – ni avec la reine.

C’est enfin l’impasse, qui concentre les deux impasses précédentes, au niveau de l’Angleterre proprement dite où, sans aucun précédent depuis le XVII° siècle, le pouvoir exécutif tente d’imposer la suspension du parlement, car cette suspension viole tout autant les droits démocratiques anglais qu’écossais et gallois. Or, il s’agit là du régime parlementaire bourgeois par excellence, du plus ancien et du plus rôdé de l’histoire. Sa faillite sonne un glas.

La vraie démocratie exige un parlement souverain en Angleterre, un choix souverain écossais et gallois quant à l’association de l’Écosse et du Pays de Galles avec l’Angleterre dans la Grande-Bretagne, et l’unité de l’Irlande reconnaissant l’égalité des droits de tous ses habitants.

Le coup d’État de Johnson soutenu par la reine va produire des réactions démocratiques de masse. Ce serait une erreur que de ramener la situation à une confrontation entre «pro» et «anti» Brexit formant deux coalitions aussi confuses et inter-classistes l’une que l’autre. La responsabilité des militants ouvriers est justement de briser ce cadre.

La réaction démocratique de masse contre Johnson est tout aussi fondée que les critiques de la Commission européenne et la fausse union appelée UE que nous faisons sur le continent. Se référer à la légitimité du référendum de 2016 n’est plus, dans ces circonstances, une position démocratique, car ce que veut faire Johnson, avec Trump, c’est un coup d’État imposant un régime autoritaire à référence monarchique, ultralibéral et piétinant les droits des travailleurs : le summum du thatchérisme. Les habitants de l’Angleterre et du Pays de Galles industriels qui ont voté en 2016 pour le Brexit sont tout à fait fondés à se mobiliser contre le hard Brexit de Johnson qui piétine leurs intérêts et leur avenir.

Le rejet du hard Brexit et du coup d’État monarchique de Johnson et donc le rejet de Johnson est la question brûlante du moment présent, c’est là-dessus que les militants ouvriers doivent prendre position, avec la plus grande clarté, et se porter aux avant-postes.

Cela n’implique nul soutien aux institutions de l’UE : au contraire, la mobilisation démocratique en Grande-Bretagne contre le hard Brexit et le coup de force de Johnson ouvre la voie à la libre alliance des peuples d’Europe contre la tyrannie des marchés financiers, que ceux-ci soient continentaux ou atlantiques !

Le parlement doit se réunir, sous pression populaire, avec ou sans autorisation du premier ministre et de la reine. Cette exigence démocratique ouvre la voie à des élections générales imposant un gouvernement du Labour suspendant tout Brexit dur, prenant des mesures d’urgence sociale et tendant la main aux peuples du continent par-dessus la tête de leurs «dirigeants» et de la Commission «européenne».

Johnson dehors ! Élections immédiates ! Gouvernement Labour !

Soutien total aux manifestations qui ont commencé dans tout le pays, et aux militants ouvriers qui se portent à leurs avant-postes !

Le 28-08-2019.