Présentation
Nous publions au titre de la solidarité élémentaire contre la répression ce communiqué commun des éditions La Fabrique et Verso Books. Visiblement, les bourgeoisies savent mettre de côté leurs désaccords (Brexit…) et frapper ensemble quand elles en éprouvent le besoin contre un ennemi réel ou imaginaire. Darmanin démission ! Liberté de mouvement pour Ernest !
Nota : mise à jour du communiqué en date du 19 avril postée en commentaires.
Communiqué
Mardi 18 avril 2023
Par ce communiqué, nous voulons dénoncer le traitement scandaleux infligé par la police britannique à notre collaborateur Ernest, ressortissant français, responsable des droits étrangers aux Éditions La Fabrique et pour l’auteur Alain Damasio (Éditions La Volte). Ernest est arrivé à Londres le 17 avril au soir par l’Eurostar pour la Foire du livre de Londres (qui a lieu du 18 au 20 avril). Il avait prévu plus de trente rendez-vous avec des éditeurs étrangers et avait un billet pour rentrer à Paris le vendredi 21 avril.
À son arrivée à la gare de St Pancras, Ernest a été interpellé par des policiers et est maintenant détenu sans avocat pour être interrogé en vertu du Schedule 7 du Terrorism Act 2000 – sous prétexte de vérifier qu’il n’est pas sur le point de commettre des actes terroristes ou en possession de matériel destiné à une entreprise terroriste.
Pour justifier cette décision, les policiers ont argué du fait qu’Ernest aurait participé à des manifestations en France. Une telle déclaration de la part d’un policier britannique est tout à fait insensée et semble clairement indiquer une complicité avec les autorités françaises sur ce dossier. La police a saisi son téléphone et son ordinateur portable pour l’interroger. Il a été demandé à Ernest de donner ses codes d’accès aux officiers, sans aucune justification ou explication.
Ce matin, Ernest a été officiellement arrêté et transféré au poste de police, accusé d’obstruction en vertu du Schedule 7 pour son refus de divulguer ses codes d’accès. Il est encore en ce moment en garde à vue.
Nous considérons ces agissements comme des violations scandaleuses et injustifiables de la liberté d’expression et comme un nouvel exemple de l’arbitraire des lois antiterroristes.
Attenter ainsi aux libertés d’une maison d’édition nous paraît constituer un élément supplémentaire de l’escalade autoritaire du gouvernement français face au mécontentement populaire et aux mobilisations de masse. Nous appelons toutes les organisations et individualités attachées aux principes démocratiques à exprimer leur soutien avec force et clarté et à dénoncer ces mesures répressives.
Nous appelons à un rassemblement à l’Ambassade de Grande-Bretagne à Paris. 35, rue du Faubourg St Honoré (Paris 8e ) ce mardi 18 avril à 20h pour exprimer notre solidarité et exiger des autorités britanniques qu’elles relâchent Ernest et qu’elles abandonnent toutes les poursuites contre lui.
Nous appelons les autorités françaises à appuyer ces demandes auprès de leurs homologues britanniques. Une mobilisation aura simultanément lieu à Londres devant l’Institut français.
Décryptage de cette séquence répressive
Un éditeur engagé, Ernest, dont l’activité éditoriale est publique et légale, dont la participation à des manifestations contre la loi retraite est publique et légale, se fait arrêter à l’entrée en GB sous prétexte de législation anti-terroriste britannique.
Les questions que lui posent les policiers britanniques durant l’interrogatoire ne peuvent naître que de renseignements en provenance de la police française.
Question : Darmanin va-t-il polluer et perturber les déplacements européens et, pire encore, internationaux, d’un maximum de militants français dans les prochains mois en recourant à ce procédé crapuleux ?
Une seule solution : Darmanin démission !
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Mise à jour conjointe en date du 19 avril du communiqué de presse par les Éditions La Fabrique (Paris) et Verso Books (Londres)
Le responsable des droits étrangers de La Fabrique, Ernest, a été libéré sous caution, mais les accusations restent inconnues et sa propriété [ordinateur et téléphone portables] reste entre les mains de la police. Notre collègue a été convoqué à Londres dans quatre semaines par l’unité antiterroriste britannique.
Le responsable des droits étrangers de La Fabrique, Ernest, a finalement été libéré sous caution de sa garde à vue, après avoir été arrêté et détenu par la police antiterroriste britannique à son arrivée à la gare de Londres St Pancras. Nous sommes tous très soulagés qu’il soit maintenant libre, mais nous sommes aussi très choqués et inquiets de ce qui vient de se passer.
Ernest n’est pas tiré d’affaire. Son téléphone et son ordinateur de travail ont été saisis et restent entre les mains de la police britannique, qui va extraire toutes les données afin de les analyser et de les exploiter. Plus grave encore, notre collègue a été convoqué à Londres dans quatre semaines par l’unité antiterroriste britannique.
Le système antiterroriste britannique est unique en Europe en ce qui concerne la législation d’urgence : c’est le seul qui permet, sans aucune piste d’enquête, comportement suspect, poursuite ou même « garde à vue » officielle, d’arrêter, de détenir et d’interroger des individus qui s’exposent automatiquement à des poursuites judiciaires s’ils refusent de coopérer. Il fournit également un cadre juridique très permissif aux policiers pour extraire toutes les données de tout appareil informatique ou téléphone d’une personne interrogée.
Malgré sa libération, les droits fondamentaux de notre collègue ont été bafoués et sa vie soumise à un arbitraire étatique totalement opaque.
Ernest a été interrogé pendant plusieurs heures et on lui a posé des questions très dérangeantes : son point de vue sur la réforme des retraites en France, sur le gouvernement français, sur Emmanuel Macron, son opinion sur la crise du Covid, etc. Peut-être le plus grave, lors de son interrogatoire, il a été invité à nommer les auteurs « anti-gouvernementaux » dans le catalogue de la maison d’édition La Fabrique, pour laquelle il travaille.
Au-delà de la situation scandaleuse d’une enquête antiterroriste sur les opinions et perspectives politiques et philosophiques des personnes détenues, aucune de ces questions ne devrait être pertinente pour un policier britannique. Par ailleurs, interroger le représentant d’une maison d’édition, dans un cadre antiterroriste, sur les opinions de ses auteurs, revient à pousser encore plus loin la logique de la censure politique et de la répression des courants de pensée dissidents. Dans un contexte de surenchère autoritaire du gouvernement français face aux mouvements sociaux, cet élément fait froid dans le dos.
Comment ces mesures sont-elles compatibles avec les principes fondamentaux dont se targuent des pays comme la France et la Grande-Bretagne, tels que la liberté d’expression et les droits démocratiques ?
Comment caractériser un régime qui permet à une personne se rendant à un salon international du livre à Londres d’être détenue pendant près de 24 heures sans que rien de concret ne lui soit reproché, puis de rester soumise à une procédure antiterroriste pendant une durée indéterminée ?
Pourquoi la police britannique procède-t-elle à des interrogatoires dont les questions semblent leur avoir été chuchotées par les services français ?
Doit-on supposer que, lors d’un voyage entre la France et le Royaume-Uni, devons-nous maintenant avoir peur d’emporter avec nous nos téléphones et notre matériel informatique et de nous attendre à ce qu’ils soient saisis et fouillés par les services antiterroristes ?
Quiconque attache de l’importance aux principes démocratiques devrait s’inquiéter d’une manifestation aussi grave de l’évolution de la police aujourd’hui.
Cette affaire crée un précédent pour toute personne qui fait un travail intellectuel et dont la production peut être jugée gênante par les personnes au pouvoir. Si un téléphone et un ordinateur contenant des manuscrits confidentiels, des sources journalistiques ou sociologiques peuvent être volés, entièrement analysés et décryptés par une police étrangère aux prérogatives draconiennes en raison de sa législation d’exception, alors la liberté de la presse, celles du milieu universitaire, celle d’expression et les droits à la protection des données personnelles sont très gravement menacées.
La Fabrique et Verso Books exigent qu’aucune autre mesure ne soit prise contre son responsable des droits étrangers, et que son téléphone et son ordinateur lui soient immédiatement restitués.
Contact presse:
lafabrique@lafabrique.fr
sebastianb@verso.co.uk
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