A moins de trois semaines des présidentielles, nous nous disons un peu, à Aplutsoc, qu’il y a tant à faire que nous en avons trop peu parlé ces dernières semaines …
Mais soyons francs : nous ne sommes pas les seuls, la grande majorité n’a pas du tout, mais alors pas du tout, la tête à ces présidentielles, au point que ceci inquiète politologues et journaleux-sociologues. C’est là en fait une donnée incontournable, pour analyser ces présidentielles elles-mêmes !
La majorité des gens a ressenti le choc de la guerre de destruction de l’Ukraine et du retour brusque au premier plan de la menace nucléaire. Elle comprend que ceci va être à la fois la cause et le prétexte d’atteintes aux conditions de vie du plus grand nombre, prix des transports et de l’alimentation pour commencer, atteintes qui avaient commencé avant. Car cette conscience atteint une population qui, déjà, avait son propre rythme de lutte, non connecté aux présidentielles, c’est-à-dire intégrant le fait que celles-ci ne peuvent pas apporter de satisfaction.
Nous l’avions souligné pour la grève générale de l’enseignement public qui s’est produite le 13 janvier, montée d’en bas. Nous l’avions répété à propos de la poussée sur Paris de Gilets jaunes début février. Et nous aurions dû le signaler à nouveau à propos de la réaction de la jeunesse corse, après le meurtre d’Yvan Colonna par un islamiste, en prison, dans des conditions créées de toutes pièces par l’appareil d’État.
Le plus important : le rythme des grèves d’entreprises pour les salaires n’a pas faibli. Une grève importante s’annonce à la RATP ce vendredi, appelée par la totalité des syndicats, pour les salaires et contre l’ouverture à la concurrence de Mme Pécresse.
Comme sur une autre planète, le candidat-président est donné par avance gagnant sans avoir à faire campagne. Poutine lui a permis de cristalliser cette tendance du régime de la V° République mise à mal pourtant depuis 2012 : la reconduction du sortant. Mais comme cette reconduction pourrait se faire avec la plus importante abstention populaire depuis 1958 dans une présidentielle, le président LR du Sénat Gérard Larcher a exprimé la profonde inquiétude des classes dominantes : « S’il n’y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera. »
Comprenons que cette inquiétude va bien au-delà du fait que, soi-disant à cause de la guerre de Poutine, M. le président ne pourrait ni faire campagne ni débattre. Il fait d’ailleurs campagne : siphonnant les voix de Pécresse, Zemmour et Le Pen, il annonce qu’il va porter l’âge de la retraite à 65 ans, et la remise en cause globale du droit à la retraite, comme dans son projet initial de 2019. Qu’il va imposer le travail quasi-gratuit aux « bénéficiaires » (comme il ose dire …) du RSA et donc tirer vers le bas le niveau des salaires en général. Qu’il va imposer aux profs de « nouveaux contrats » avec des payes (il n’a pas dit des salaires …) qui ne seront pas « les mêmes pour tous ». Tout cela est très clair.
L’inquiétude du « troisième personnage de l’État » qu’est M. Larcher est bien que le président de la V° République soit illégitime envers la majorité du pays, envers celles et ceux d’en bas qui, depuis 5 ans, n’ont cessé de l’affronter. Car il serait ainsi fragilisé. Illégitime, il le sera en effet. Et nous militons pour que cela le fragilise le plus et le plus vite possible.
Partageant au fond son inquiétude, qui est venu « tacler » M. Larcher pour spécifier par avance que le Macron du second quinquennat sera « légitime » ?
Réponse : Jean-Luc Mélenchon. « Gérard Larcher va un peu loin. (…) Celui ou celle qui sera élu sera légitime parce qu’il aura été élu. ». Le même a précisé dans une émission télévisée que s’il était élu, il convoquerait une constituante qui ne serait pas composée d’hommes politiques, tout en exerçant pleinement ses prérogatives de président de la V° République : il est donc permis de se demander si la désignation des candidats à cette prétendue « constituante » en fait partie ! Et dans la VI° République dont elle est censée accoucher, il pourrait y avoir toujours un président, toujours élu au suffrage universel. Tout changer pour que rien ne change : ce vieux proverbe sicilien a reçu là un complément : et c’est encore mieux si on en change le moins possible !
Les couches militantes et la partie encore motivée électoralement de la gauche veulent croire à l’arrivée de J.L. Mélenchon au second tour. Si cela se produisait, ce serait avec moins de voix qu’il n’en avait eu en 2017, en raison de l’abaissement du seuil d’accessibilité créé par l’opération Zemmour puis par les effets de la guerre de Poutine, et nullement en raison d’une dynamique profonde. C’est pourquoi J.L. Mélenchon travaille avant tout à peaufiner sa posture bonapartiste et régalienne tout en comprenant très bien, car il saisit remarquablement ces choses-là, qu’il travaille au fond à la « légitimation » … de Macron. Il est le premier à comprendre que, ni au premier tour, ni au second, il n’est une alternative à Macron.
La sidération provoquée par la guerre commence à se dissiper, mais ceci ne veut dire en aucun cas un retour au monde d’avant le 24 février 2022. L’affrontement social sera la condition de l’instauration de la démocratie et de toute constituante digne de ce nom, réelle et non pas octroyée. Et le combat internationaliste pour chasser Poutine, aider la résistance ukrainienne y compris par les armes, aider le combat défaitiste en Russie et en Bélarus, combat qui, d’ores et déjà, exige d’affronter les tenants de la V° République qu’on l’affuble ou non d’un numéro 6, qui, après avoir défendu Poutine, combattent l’aide à la résistance au nom de « la paix », ce combat va lui aussi nourrir l’affrontement social contre la V° République, le capital impérialiste français et leur président : dans le monde comme en France, à bas les présidents, place à la démocratie.
Le 23-03-2022.
Si le capitalisme a gagné jusqu’à preuve du contraire la lutte des classes (cf. mon texte sur le sens du non et l’élection présidentielle), la guerre en Ukraine n’est pas notre guerre, mais celle de quatre impérialismes dont le plus faible est celui que vise Poutine, l’Europe, l’impérialisme allemand et l’impérialisme français en faisant déjà autant les frais que le même Poutine
J’aimeJ’aime