Ce ne sera donc pas en Ukraine, mais contre l’explosion révolutionnaire au Kazaksthan. Peu avant 21 h, le président Tokaïev a ouvertement appelé à l’aide russe pour « réprimer les émeutes ». Des unités d’hommes en uniformes noirs sans insignes étaient déjà apparues dans Almaty, et ont repris notamment l’aéroport aux manifestants, dans des affrontements qui ont fait de nombreuses victimes. Officiellement, il s’agit d’une intervention de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective patronnée par la Russie. Des unités biélorusses, et, honte pour l’ex dirigeant populaire Pashyshian, arméniennes, seraient impliquées. Le mobile était d’abord d’ « évacuer des civils », c’est-à-dire les familles oligarchiques dont les jets privés décollent depuis des heures vers Moscou, la Suisse, la côte d’Azur ou encore Beijing. Le mobile est maintenant de « maintenir la paix », c’est-à-dire de faire la guerre au peuple. A l’heure où sont écrites ces lignes, au moins 8 avions militaires russe auraient décollé, et le vice-ministre de la Défense serait sur place.

Les forces de l’ancienne puissance coloniale russe vont d’abord tenter de reprendre le contrôle d’Almaty à moindre coût, ce qui n’est pas gagné. Dans tout le pays, la grève est générale et les manifestants cherchent partout à s’armer. Nous mettons en lien le ralliement des unités de police au peuple dans la ville pétrolière d’Aktiubé, sur la Caspienne. Dans toute cette région, le mouvement, qui en est parti, a pour fer de lance les ouvriers du pétrole et du gaz et semble avoir rallié ou neutralisé le gros des soldats. Des assemblées publiques occupent plusieurs places, dont celle d’Ouralsk, non loin de la Russie.

Le département d’État des États-Unis a … dénoncé les « atteintes à la propriété » et appelé « les parties à faire preuve de retenue » ! Ils ont peur des mouvements populaires et de l’attaque contre la propriété oligarchique et capitaliste d’un État qui est l’épicentre du marché mondial de l’uranium et de la spéculation par le bitcoin. Si les Ukrainiens se font parfois des illusions, les Kazakhs savent très bien qu’ils n’ont rien à attendre des États occidentaux. Jamais une intervention russe ne reprendra le contrôle de cet immense pays. Tous les peuples de l’ex-URSS et aussi ceux des régions ouest de la Chine, à commencer par les Ouïghours, regardent avec espoir le grand soulèvement kazakh, qui tient du Maidan et de la place Tahir sur la base de la grève des ouvriers du pétrole et du gaz. Tous ces peuples sont concernés, à commencer par les Russes !

L’année 2022 sera chaude et dure, mais elle ne commence pas si mal si l’on admet que l’ordre mondial actuel ne peut que craquer. Cette intervention non prévue, il y a 4 jours par ses auteurs, sera terrible mais n’a pas les moyens de maitriser tout ce pays, et va attiser les tensions sociales et nationales dans plusieurs pays. Tachons d’être à la hauteur de ce qui vient, tant dans l’analyse et l’information que dans la solidarité internationaliste et l’organisation.