Présentation :

Ces commentaires de Robert Duguet viennent en prolongement de sa contribution originelle et en réponse aux commentaires posés par JP Boudine à la suite de la réponse de Pierre Salvaing.

La contribution de Robert en réponse à JP B.

Le point de départ qui répond à la question « où est la transition ?» réside, non pas dans le débat sur les présidentielles – les médias et le personnel politique au service de Macron et du néolibéralisme donnent de la voix – mais sur la capacité des exploités, de la jeunesse à ouvrir une crise de régime. Les ingrédients de ce mouvement social plus large que celui qui a été celui des gilets jaunes s’accumulent. L’occupation des lieux de culture sur tout le territoire en est un élément actuel. Aujourd’hui les participants de l’Odéon appellent à une manifestation contre la réforme de l’assurance-chômage. La conscience dans la population au sens large que le régime de Macron n’est pas seulement incapable de faire face à la pandémie, mais que ce qu’il a fait sert des intérêts étrangers à la protection de la santé de la population, notamment sur la concurrence scandaleuse entre les laboratoires… Cet élément de civilisation qu’est le droit à la santé ne peut même plus être garanti par les gouvernements capitalistes. On pourrait développer. Est-ce que la classe ouvrière et la jeunesse – les attaques contre l’UNEF sont à resituer dans ce cadre – seront capables avant 2022 de pousser les palissades et de faire tomber Macron, donc la Vème république ? Si ce mouvement ne peut avoir lieu – je modulerais la conclusion de Pierre Salvaing en ce sens – il est clair que le résultat de la présidentielle est couru d’avance. On aura un régime autoritaire national-populiste s’appuyant sur les avancées de Macron contre les libertés. C’est pourquoi il faut penser cette affaire, en termes de construction d’un rassemblement contre la présidentielle.

Venons à la position de Mélenchon. Il ne fait pas seulement un fétiche de la Constituante. Après les courtes incartades de la campagne de 2012 sur une ligne de gauche radicale, rassemblant divers courants, la crise actuelle rétrécit sa fenêtre de tir, dès lors où il se situe intégralement dans le respect des institutions et dans la reconnaissance de la légitimité de Macron jusqu’en mai 2022. Nous ne sommes plus en 1981, où Mitterrand jouait à Jean Jaurès et se payait le luxe d’avoir un premier secrétaire lambertiste. Et si Mélenchon n’a pas été au second tour de la présidentielle de 2017 contre Macron, c’est en raison du fait qu’il a refusé la ligne du rassemblement : ses dérives vers un national-populisme aux accents de la Marseillaise et du drapeau des Versaillais le plaçaient sur une recherche des voix du RN. En gros il dit aujourd’hui : « votez pour moi et élisez-moi président, ensuite vous aurez la Constituante et ensuite la 6ème République ». Cela ne marche pas comme cela ! De plus, Mélenchon a perdu une partie importante de son influence dans les milieux populaires, ce qui se marque par la perte de beaucoup de ses cadres politiques.

Si j’ai voulu démontrer une chose dans mon article sur les Constituantes, en partant d’une analyse historique, c’est qu’elles apparaissent dans des moments de rupture, où tous les enjeux sont sur la table : ceux d’en bas ne supportent plus leur condition, ceux d’en haut sont contraints de repenser leur domination sur la société. 1848, 1946, le prolétariat se fait voler sa révolution. Car les constituantes ont aussi entre les mains des possédants cette possibilité de devenir des contre-feux. Nous abordons une situation de cette nature. Il ne sert à rien de prendre les raccourcis électoraux en ce moment : le mouvement ouvrier part avec un handicap majeur, sa représentation historique est dévastée. L’ancien meurt et le nouveau n’est pas encore là. Pour penser les problèmes en termes de reconstruction d’un pouvoir constituant, il faut faire la liaison avec un mouvement indépendant des salariés et de la jeunesse. Sur ce chemin, la présidentielle n’est pas une réponse, mais un obstacle.

Dans cette voie est-il possible d’opérer un rassemblement dans le cadre de la présidentielle ? Les institutions joueront contre nous et ce nouveau courant de « l’extrême gauche » sera marginalisé.

RD, le 25-03-2021.