Incroyable : « Vous êtes gentils, mais tant que vous avez des vaccins dans le frigo, je ne reconfinerai pas les gens. ». C’est digne de Marie-Antoinette (« Ils veulent du pain, qu’on leur donne des brioches »). Et c’est de Macron : l’homme qui peut décider ou non de reconfiner « les gens », l’homme qui fait croire que si les vaccinations traînent, c’est parce qu’il y a « des vaccins dans le frigo », et pas parce qu’il manque de vaccins. La faute aux « gens » qui ne respectent pas les « gestes barrières », la faute aux personnels soignants soupçonnés de complotisme antivax, la faute au « Conseil de défense sanitaire », le machin présidentiel occulte auquel Macron adresse ces propos, mais jamais la faute à Macron, ni aux firmes pharmaceutiques qui profitent de la situation. Jamais.
La réalité, ce sont ces personnes âgées d’une résidence bordelaise, descendues dans la rue déambulateurs en avant pour réclamer les vaccins : « On est vieux mais on aimerait profiter de nos petits-enfants avant qu’ils viennent nous voir dans un cercueil. » La réalité c’est que la « grande campagne vaccinale » du gouvernement et des trusts pharmaceutiques court après une demande sociale qui la devance et qui s’indigne de son retard chronique aussi bien qu’aiguë (voir le communiqué de 9 organisations syndicales de retraités).
Ce qui est vrai des vaccins, et qui l’avait été des masques de la part d’un gouvernement qui, voici un an, avait commencé par les dénigrer allant même jusqu’à en bloquer la vente en pharmacie, se retrouve dans tous les aspects des mesures sanitaires à prendre pour protéger réellement « les gens », comme dit Macron. Les tests salivaires ont été annoncés dans l’enseignement, ils arrivent au compte-goutte, sans jeu de mot, vraiment au compte-goutte, dans les seules écoles primaires, et encore. Le séquençage des virus, pratiqué systématiquement dans d’autres pays européens, n’a toujours strictement rien d’obligatoire ni de généralisé. Le tout à l’avenant. Le pire : les respirateurs et les lits d’hôpitaux deviennent le sujet oublié, alors que depuis le début leur pénurie, créée par la politique anti-sanitaire d’économies sur les dépenses utiles, n’a cessé de s’aggraver, la même politique continuant à faire ses ravages.
La population, « les gens », sont victimes d’une double oppression : celle du capitalisme ne fonctionnant que pour le seul profit, qui veille au « coût » de leur santé tout en en faisant une source de bénéfice, et celle de la présidence macronienne de la V° République, totalement impuissante s’il s’agit d’imposer des mesures sérieuses de santé publique, et doté des attributs régaliens et ubuesques illimités s’il s’agit de distribuer les punitions, de se présenter en rempart contre le « reconfinement », etc. L’ubuesque majesté présidentielle étant bien entendu au service du capital.
Réquisitionner les entreprises pharmaceutiques, nationaliser la vaccination, faire des brevets des biens publics et non des sésames privés : ces mesures sociales élémentaires, qu’il nous faut exiger dans l’unité, posent bien entendu la question d’un autre gouvernement et d’un autre régime, la question de la démocratie, d’un État au service de la population.
Changeons un instant, en apparence, de sujet. M. Sarkozy a été condamné à 3 ans de prison dont un an ferme, pour corruption, pour l’affaire dite des « écoutes », l’une, et pas la principale, des nombreuses « affaires » sur lesquelles l’institution judiciaire investigue à propos de ce personnage, ancien président de la même V° République, et dont les élans visant à doper celle-ci se retrouvent au fondement du « macronisme ». Une significative union nationale de fait s’inquiète de ce prétendu « acharnement » : « Le Président ne s’exprimera pas sur le sujet. Mais nous savons que, comme beaucoup d’entre nous, il a trouvé que la peine infligée à Sarkozy était d’une sévérité sans égale. » – ça, c’est un « conseiller » de Macron qui le dit selon Le Canard Enchainé, et l’on peut penser que la « fuite » est volontaire puisque le ministre de l’Intérieur, M. Darmanin, a adressé son « soutien amical » à son ami Sarkozy. Passons sur le déchaînement des dirigeants de LR, découvrant soudain, comme chaque fois que l’un des leurs doit être condamné (ce qui est inévitable et bien en dessous de ce qui se passerait dans une vraie démocratie …) que le pouvoir judiciaire serait une sorte de complot permanent contre la V° République, et citons tout de même les propos convergeant de Mme Le Pen – « Ce n’est pas aux juges de décider qui est candidat … » – et de J.L. Mélenchon – « Sarkozy condamné, Macron débarrassé d’un sérieux rival. ». Ah bon, Sarkozy était un sérieux rival pour Macron ? Ils semblaient plutôt complices …
Nous n’avons changé de sujet qu’en apparence en passant de la gestion présidentielle actuelle de la crise sanitaire à la condamnation d’un ancien président pour des « affaires » qui, disons-le, sont consubstantielles à ce régime (auquel la personnalité d’un Sarkozy, et aussi d’un Macron, s’accordent parfaitement). La condamnation de Sarkozy est une mauvaise nouvelle pour ce régime et donc pour Macron.
Celui-ci a à son actif la plus grande explosion de misère de notre histoire depuis 1945, la répression physique la plus violente depuis la guerre d’Algérie, et bientôt 100 000 morts tout en faisant la morale aux « gens » comme à son propre « Conseil de défense sanitaire ». Sera-t-il jugé un jour lui aussi ?
Cette issue démocratique là passe par la lutte sociale, sa généralisation et sa centralisation, ici et maintenant, et par l’approfondissement et la poursuite du débat engagé dans nos colonnes sur la manière d’aborder les présidentielles de 2022 si on en vient jusque-là, autrement dit : comment aborder les présidentielles comme un affrontement avec ce régime, visant à le renverser ?
Le 06-03-2021.
La conclusion de l’article me pose question.
Je ne pense pas que les présidentielles peuvent être abordées sous l’angle de renverser le régime. En tout cas pas avec cette formulation.
Pour moi, les présidentielles doivent être l’occasion pour dire tout le mal de ce régime, sur la base concrète de l’actualité, et de la nécessité de le renverser par le seul mouvement ouvrier et populaire sur le seul terrain de ses revendications et besoins qui seul a la capacité objective de le réaliser. Ce qui pose la nécessité de l’auto-organisation, des délégués mandatés et révocables, des comités des délégués, etc.
Cele doit être ouvertement discuté sans sectarisme et au risque de remettre en cause les doxats classiques.
Thierry Courau
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On est bien d’accord et il faut avoir cette discussion. Ce que nous soumettons ici à discussion, c’est le fait de mettre au centre des présidentielles (sous des formes à définir et qui risquent de ne pas passer par une candidature) l’affrontement avec ce régime. Tu semble penser ici que les deux ne peuvent se combiner. Mais si justement des présidentielles inacceptables inauguraient l’affrontement avec le régime ?
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C’est à mon avis une erreur que de confondre les étapes. La bataille à mener AUJOURD’HUI, pour renverser le régime de la Vème République , c’est celle pour l’unité de tous les progressistes, depuis Besancenot ou Poutou jusqu’à Vallaud Belkacem, en passant par Roussel et tous les autres. L’unité, une plateforme, un porte-drapeau, et battre les droites et l’extrême-droite. Ce combat existe, se développe et va connaitre, après les régionales, d’autres dimensions. Rejoignez-le !
Qu’appelez vous une « présidentielle inacceptable » ? Est-ce une présidentielle configurée de telle sorte que nécessairement, droite et extrême-droite seuls auront une chance de l’emporter ? Et dans ce cas vous envisagez « le boycott actif ». Ayant perdu la bataille pour l’union, vous misez, d’avance, sur une bataille évidemment bien plus difficile. Ayant renoncé à l’unité des partis et des militants, vous espérez gagner l’unité des travailleurs en lutte.
Je raisonne autrement. Menons la bataille pour l’unité des partis, des syndicats, des mouvements, unité pour la lutte et pour toutes les élections. Si nous la perdons … mais qu’est-ce que cela veut dire ? En menant une bataille, on conquiert forcément des positions. Si donc nous n’obtenons pas la formation d’une équipe plurielle et la définition d’une plateforme unitaire, nous aurons du moins avancé en ce sens. C’est ALORS que nous pourrons voir ce qui est possible, comme peut-être, un boycott.
Vous proposez d’abandonner le terrain de ce qui se joue aujourd’hui et vous promettez quelque chose de mirifique pour demain. Ce n’est pas convaincant, à mes yeux.
Du moins, votre position n’est pas pire que celle de Mélenchon, qui vient de déclarer qu’en cas de second tour entre Macron et Le Pen, il ne donnerait (donnera ?) pas de consigne de vote ! Quel moral de vainqueur !
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Un petit mot de plus. Pour ceux que l’expression « unité de tous les progressistes » choquerait je rappelle le conseil donné par Marx et Engels aux communistes français (dans le manifeste) : soutenir Ledru-Rollin !
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