Le 12 novembre 2020, la ministre de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, annonçait la fermeture de Bridgestone à Béthune, après avoir entretenu pendant des semaines, l’illusion d’une proposition du gouvernement de maintenir… moins de la moitié des 850 salariés.
Évidemment avant d’être ministre de l’industrie du gouvernement Castex, Agnès Pannier-Runacher était connue non seulement pour ses performances de responsable de l’approvisionnement en masques, blouses, gants, respirateurs… des personnels de santé mais aussi par son refus, malgré les appels émanant des syndicats, de nationaliser l’usine Luxfer de Gerzat, la seule usine de bouteilles d’oxygène médical d’Europe, dont les salariés occupaient le site depuis sa fermeture en 2019 pour exiger la reprise de l’activité. La ministre Pannier-Runacher ne dissimule pas ses opinions. Lors de la grève contre la réforme des retraites, elle évacuait l’accusation de favoriser un système par capitalisation en minorant l’attrait du marché français de l’épargne retraite qu’elle comparait à « une boîte de smarties » pour BlackRock. Lors du krach boursier de mars 2020, elle déclarait sur Cnews : « C’est plutôt le moment de faire des bonnes affaires en Bourse ». Lors du déconfinement, elle répétait, après le président du Medef, qu’il « faudra probablement travailler plus qu’on ne l’a fait avant » pour « rattraper ce mois perdu ». Ses cyniques envolées provoquent à leur tour des réactions syndicales, jusqu’à la CFDT de Laurent Berger qui jugera « grossier de dire aux gens qu’ils devront travailler plus alors qu’on ne sait même pas s’ils auront un boulot demain ».
Ce ne sont pas ici la vie et l’œuvre d’une ministre, somme toute ordinaire, de la Macronie qui nous importe. Mais le fait que nul dans les directions syndicales n’ignorait à qui il avait à faire quand après la marche du 4 octobre à Béthune, la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher a réuni le président de Région, Xavier Bertrand (Ex ministre de Sarkozy, ex ministre de Chirac, ex secrétaire général de l’UMP, etc…. dont on ne présente plus les méfaits), le Maire de Béthune (UDI) et l’Intersyndicale de Bridgestone (CFDT, CGT, CFE-CGC, FO, CFTC, SUD, UNSA). C’est en toute connaissance de cause que tous ont accepté de discuter du « plan alternatif » de la ministre. Un plan qui laissait 450 salariés à la rue sur 850, tout en permettant à Bridgestone d’empocher 100 millions d’argent public. Il n’était pas surprenant non plus que la ministre entonne à l’intention des salariés son refrain préféré sur « les efforts collectifs à accomplir » en termes de productivité et de baisse des salaires.
Ce qui pourrait surprendre, c’est que les représentants des salariés se soient rangés derrière une infamie aussi foireuse puisque finalement les patrons de Bridgestone ont balayé en cinq minutes le plan alternatif de la ministre et même l’union sacrée qu’elle avait localement réussi à bricoler.
Pourtant le secteur du pneu ne manque pas de précédents célèbres et notamment celui de Goodyear qui avait fermé son usine d’Amiens-nord en janvier 2014 après 7 ans de conflit entre la direction et les 832 salariés, lutte devenue un des symboles des batailles menées contre les licenciements économiques.
Un ex-Goodyear s’est d’ailleurs adressé à ses camarades de Bridgestone pour leur dire : « S’assoir aux côtés de quelqu’un comme Xavier Bertrand, l’écouter, valider sa grand-messe alors que ce même personnage est un ultralibéral qui ne cesse de donner les pleins pouvoirs aux multinationales et les aides à délocaliser, Xavier Bertrand ne vaut pas mieux que Macron et toute son équipe de bras cassés, Xavier Bertrand use, abuse de formules plus révolutionnaires les unes que les autres mais en réalité, c’est le détenteur de la clé du système financier, c’est lui qui valide l’ensemble des projets de restructuration, valide l’ensemble des demandes d’aides de l’État et en aucun cas n’exige quoi que ce soit en retour(…) Et si les salariés veulent faire payer le groupe Bridgestone, il n’existe qu’une seule et unique solution, créer le rapport de force et faire en sorte que le combat des Bridgestone soit une référence dans la lutte des classes nationales qui va devoir être menée. »
Bridgestone est déjà une référence. La référence de ce qui ne marche pas : l’alliance avec la droite, la confiance à Macron, en deux mots l’union sacrée. Le malheureux accord de méthode signé par l’intersyndicale est devenu caduque dès le communiqué de Bridgestone proclamant le 12 novembre que la fermeture était « la seule option ». La ministre du travail vient à la rescousse de la ministre de l’industrie et du Président du Conseil régional des Hauts de France. Tous multiplient les communiqués pour que l’affront fait au gouvernement et à son plan alternatif ne devienne pas la nouvelle leçon de chose à l’usage des millions de travailleurs privés d’emplois : hier Goodyear, aujourd’hui Bridgestone, il n’y a pas de plan alternatif, c’est la loi qui doit interdire les licenciements, la loi qui doit partager le travail entre tous les chômeurs, la loi qui doit réduire le temps de travail pour que tous puissent travailler, la loi qui doit décider des productions essentielles.
Bien sûr tant que Macron présidera le conseil des ministres, des Castex, des Borne, des Pannier-Runacher, etc. ces lois ne risquent pas d’être présentées. Pour les 850 de Bridgestone comme pour les 5.800.000 chômeurs officiels, pour tous ceux qui vivent dans l’angoisse du plan de licenciement, pour tous ceux qui ont désespéré de retrouver du travail, pour les jeunes qui cherchent leur premier emploi, il y a une urgence, qui n’attend pas les présidentielles, qui n’attend ni les candidats ni les programmes : il y a urgence à chasser Macron.
17-11-2020.