Sous le titre « Déconfinons le socialisme », nous avons reçu un appel signé par 14 camarades, dont la plupart proviennent du groupe « Militant » avec lequel deux des rédacteurs d’APLS, Vincent Présumey et Olivier Delbeke, ont collaboré durant plusieurs années, rédigeant alors l’essentiel de ses publications.
Cet appel part du confinement et de la crise sociale qui arrive, affirmant que « l’incurie », « les mensonges » et « l’incompétence » de Macron et de ses équipes ont été étalés aux yeux de tous, et estimant que nous allons « vers l’affrontement ».
C’est là un constat essentiel que nous partageons. Plusieurs des camarades signataires avaient, depuis 2016, choisi de miser sur la « France Insoumise » comme solution et débouché. C’est d’ailleurs pour ne pas avoir à discuter de ce pari que l’animateur de Militant, Raymond Debord, avait bloqué les échanges avec nous. De la France Insoumise, il n’est rien dit dans ce texte. Cette disparition sans phrases laisse à penser que nos camarades ont mis une croix dessus. Mais plus généralement, cet appel est marqué par l’esprit d’un désir de nouveau départ, faisant table rase de ce qui s’est passé jusqu’à la crise présente, sanitaire, sociale et économique. La « volonté de réappropriation de la démocratie » déjà manifestée par les Gilets jaunes et les luttes des hospitaliers va bientôt gagner « les entreprises », est-il seulement indiqué.
Nous invitons nos camarades à parcourir les nombreux articles que nous avons publiés depuis deux ans, en particulier ceux de Jacques Chastaing, sur ce qui se passe dans « les entreprises » : la vague de grève de longue haleine commencée en 2016 ne s’est en fait jamais arrêtée. Cet arrière-plan de toute la situation, avec les Gilets jaunes le 17 novembre 2018 et les semaines qui ont suivi, avec la poussée vers la grève générale le 5 décembre 2019, pose la question du pouvoir.
Nous allons vers l’affrontement, disent nos camarades, et il faut le préparer. En effet. L’affrontement avec qui ? Avec Macron, avec le pouvoir exécutif du capital, avec la V° République.
Cet implicite mérite d’être explicité, faute de quoi nous avons un programme immédiat, exprimé dans cet appel, avec des exigences sanitaires, démocratiques, sociales, mais irréalisable avec Macron, et un programme maxima exprimé à la fin du texte, nous annonçant le socialisme, l’autogestion et le soleil qui brillera toujours, comme dit la chanson.
La convocation d’une assemblée constituante par le mouvement populaire est proposée. Nous partageons de longue date cette perspective (qui n’a rien à voir avec la constituante octroyée, tirée au sort, présélectionnée, etc., du programme de la FI), mais pour que les luttes sociales puissent ainsi passer au niveau de la réorganisation politique de la société, elles doivent se centraliser et s’unir contre le pouvoir en place, contre Macron, et détruire l’appareil d’État des préfets, des recteurs et des directeurs d’ARS (sans quoi, soi-dit en passant, la « primauté du droit national sur le droit européen » redeviendra la primauté du seul État capitaliste français). La même question est posée notamment en Algérie.
La centralisation politique des luttes sociales, contre laquelle tout le dispositif de « dialogue social » avec les directions des syndicats, ainsi que la pression exercée par les prochaines élections présidentielles, sont dirigés, est le point de passage incontournable. La lutte des classes est politique et la politique ne se réduit pas à l’exigence générale de démocratie, mais passe par l’affrontement avec le pouvoir en place.
Ce texte ouvre donc d’utiles discussions, et telle était sans doute son intention. Nous proposons à ces camarades de reprendre ce débat sans préalable, à l’occasion par exemple de la réunion-débat que nous organisons le 13 septembre, à laquelle ils sont fraternellement invités.
OD & VP, le 28-07-2020.