Présentation par APLS : Nous reproduisons ci-dessous l’article de Robert Duguet paru le 5 février sur son blog, dont le propos se veut un commentaire à notre éditorial daté du 3 février. Il ne peut y avoir unité d’action, unité pour l’action commune contre la politique de Macron et des patrons, sans libre discussion entre militants ouvriers. A notre échelle, nous voulons contribuer à la restauration de mœurs de discussion fraternelle, à l’heure où certains affichent une volonté hégémonique, destructrice et paralysante, et n’envisagent l’avenir que par le ralliement contraint des autres à leur auguste personne.

* * *

Présentation par Robert Duguet : cet article est une petite note de contribution au site des camarades d’Arguments pour la lutte sociale que nous reproduisons ici. De même, nous y ajoutons, l’appel de la conférence du 20 janvier de l’organisation des camarades de Gérard Filoche qui viennent de sortir du PS ainsi que l’appel du POID (Parti Ouvrier Indépendant Démocratique) pour une manifestation unitaire contre Macron le 13 mai 2018.

Effectivement nous sommes à un tournant de la situation politique : même si un vent de folie conduit Macron à appuyer sur tous les boutons en même temps pour détruire les conquêtes ouvrières et démocratiques, le rejet conscient de la stratégie des journées d’action par le salariat et le développement de toute une série de mouvements sociaux (Gardiens de prisons, mouvements dans les EPHAD, début de mobilisations dans la jeunesse contre la contre-réforme de destruction du Bac et mouvements à l’université, multiplication de conflits dans les entreprises parfois victorieux) révèlent un profond mouvement qui va vers l’affrontement. Toutefois aux éléments analysés dans le texte d’Arguments pour la lutte sociale, il faudrait ajouter deux points ; le recul du gouvernement sur la construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes a été un signe important annonçant ce tournant dans la situation. Si on sort un peu de la situation hexagonale, le déclenchement d’une grève dure au cœur du prolétariat allemand, c’est-à-dire au cœur de l’Europe libérale, portée par le syndicat IG Metal, engage un bras de fer avec la politique de Merkel.

Se préparer politiquement à l’affrontement signifie à mon sens contribuer à ouvrir une perspective gouvernementale : tôt ou tard, le mouvement qui sourd de tous les pores de la société civilisée, débouchera sur un affrontement avec l’Etat bourgeois. Macron déclenche le blitzkrieg car c’est pour eux la seule manière de profiter du créneau offert par la décomposition des formes parlementaires et politiques du vieux mouvement ouvrier.

Après la Corse, Mélenchon continue, avec une belle obstination, ses conneries populistes : relisons sa note du 1er février :  

« Voyons le fond. À Belfort la tonalité « gauche rassemblée » était revendiquée par le MRC qui nous soutenait sur ce thème. Il a fonctionné comme un rayon paralysant, gelant en partie les votes dégagistes que nous devions mobiliser. Dans le Val-d’Oise, c’est le contraire. Chacun allait chacun pour soi. Pas de tambouille Ce fut un facteur entrainant. Dans certaines communes et certains bureaux de vote c’est même spectaculaire. Les bureaux de vote à 30 ou 40 % en milieu populaire sont nombreux. Et pour finir le score total est meilleur que celui de juin dernier. Ce résultat fonctionne donc comme un message clair : dans une élection nationale, « la gauche rassemblée » est un étouffoir, un brise lame, un tue la joie. En outre, au cas de Belfort, « la gauche rassemblée » surchargeait notre barque des contentieux entre partis de « l’union de la gauche » qui se sont sévèrement entretués aux dernières municipales. De plus, le MRC qui nous soutenait était l’ancien candidat commun du PS, du MRC et de EELV. La leçon ne peut être négligée ni oubliée. Elle ne le sera pas. C’est la condition pour créer une nouvelle dynamique populaire dans le pays. »

Autrement dit, quand la gauche se rassemble à Belfort, Mélenchon occultant sciemment au passage que le candidat de la FI a aussi reçu le soutien du PCF, c’est un « rayon paralysant ». Pour analyser ce qui s’est passé dans le Val d’Oise, il commence aussi par refuser de partir de la réalité. Et cette réalité c’est 80% d’abstention. Donc un refus par l’électorat de continuer à se situer dans les institutions actuelles. FI qui passe en 3ème position dans ce cadre-là, cela n’est aucunement significatif d’un engouement quelconque pour ce mouvement. Vive la division ! Le chef conclut : « Ce résultat fonctionne donc comme un message clair : dans une élection nationale, « la gauche rassemblée » est un étouffoir, un brise lame, un tue la joie. »

Pour ma part je suis bien entendu favorable à travailler à rassembler tous ceux qui veulent l’unité pour arrêter le massacre: mais aussi bien l’appel des camarades de Filoche qui viennent de sortir du PS, que celui du POID appelant à manifester dans l’unité le 13 mai 2018, souffrent d’une carence politique. Si intervention des masses « en un lieu où se règlent leurs destinées », pour reprendre le mot de Trotsky à propos de la révolution de février 1917,  il va y avoir, il faut une proposition qui réponde à ce mouvement. Le texte de Filoche parle de la VIème république… C’est mal poser le problème. C’est mettre la charrue avant les bœufs. Pour donner au salariat les moyens de se reconstruire comme corps politique et ceci pour gouverner la société, il faut des collectifs démocratiques de citoyens qui posent la question de leur représentation, et donc d’institutions dont ils définiront eux-mêmes la forme et le contenu. Il faut donc des collectifs pour une constituante souveraine qui réponde au mouvement de l’entrée en lutte des salariés et qui nous débarrasse enfin des institutions de la Vème république et de son élection présidentielle. Si la réponse politique à la crise politique et institutionnelle qui s’avance se conclut par une réponse dans le cadre cette Vème république en décomposition, nous serons une nouvelle fois piégés.