En ce début du mois d’août, la « Taz » (journal en ligne comparable au « Guardian » britannique) rapporte que Saskia Ludwig, députée du parti chrétien-démocrate allemand (la CDU), s’est rendue en Hongrie à l’invitation d’un réseau de droites « illibérales » pour participer à la « MCC Feszt » (1). Ludwig y a publiquement remis en cause le « pare-feu », terme qui désigne en Allemagne le refus principiel de toute collaboration avec l’extrême-droite, représentée aujourd’hui par l’AfD. Avec la montée continue de cette dernière depuis sa création en 2013, la tentation se fait de plus en plus forte pour la CDU de se rapprocher de ce parti qui recycle ouvertement des symboles et slogans nazis.

Même en Allemagne de l’est, cependant, où l’AfD est très puissante, tous les partis ont jusqu’ici refusé de former une coalition avec elle, y compris lors des dernières élections régionales, où la poussée a été très forte en Thuringe. Mais Ludwig estime que cette mise au rebut prendra fin au plus tard lors des élections du Land de Mecklembourg-Poméranie à l’automne 2026. Contactée par la Taz, la CDU ne s’est pas exprimée quant à la participation de Saskia Ludwig au MCC Feszt. Cette absence de condamnation est significative et indique que le tabou est près d’être brisé.


L’extrême-droitisation de la CDU s’était accélérée depuis que ce parti conservateur avait réussi à faire voter à l’aide des voix de l’AfD des lois restrictives vis-à-vis de l’immigration quelques semaines avant les nouvelles élections au Bundestag de février dernier. Depuis, le nouveau chancelier, Friedrich Merz (CDU), a pris position contre l’interdiction de l’AfD au moment où la cour suprême (« Bundesverfassungsgericht », littéralement : tribunal constitutionnel confédéral) classait officiellement ce parti comme étant d’extrême-droite, ouvrant la voie à une procédure d’interdiction. Alors que la coalition CDU-SPD s’était mise d’accord sur la nomination d’une nouvelle juge au tribunal constitutionnel, début juillet, une campagne de diffamation aux accents de croisade anti-woke a été menée à la fois par l’AfD et des députés de la CDU, – reprochant à la candidate Frauke Brosius-Gersdorf d’être d’extrême-gauche, et caricaturant en autres, de conserve avec des prélats catholiques, ses positions sur l’avortement. Brosius-Gersdorf avait également eu le malheur d’évoquer l’éventualité d’une interdiction de l’AfD.

Cette campagne de dénigrement a été amplifiée par la chaîne d’extrême-droite « Nius », récemment fondée sur le modèle de Fox News par l’ancien président de « Bild », le premier titre de la presse de boulevard en Allemagne. A l’aide des portails anti-avortement, de la plateforme X, et en utilisant la plateforme de mobilisation CitizenGo, une pétition contre la nomination de Brosius-Gersdorf a réuni en quelques jours 120 000 signatures. A la mi-juillet, 50 à 60 députés CDU, prenant argument des multiples lettres, pétitions et courriels qu’ils auraient reçus, ont décidé de ne pas respecter l’accord avec les sociaux-démocrates et de mêler leurs voix à celles de l’AfD pour rejeter, avec succès, la nomination de la juge.

Ce qu’on peut constater, c’est que les coalitions au Bundestag se font de plus en plus instables. La dernière grande coalition (CDU-SPD lors du dernier mandat de Merkel) avait été marquée par de grosses tensions internes au sein du SPD (l’aile gauche ayant poussé – sans succès – à la sortie de ladite grande coalition – qu’on appelle « GroKo » outre-Rhin). Cependant, cela n’avait pas affecté la stabilité du gouvernement. La coalition tricolore qui a suivi a été malmenée en interne par les libéraux (FDP) jusqu’à leur sortie prématurée qui a déclenché des élections anticipées. Alors que la GroKo nouvellement mise en place était censée être gage de stabilité par son centrisme, des trublions indisciplinés de la CDU contaminés par la « Nouvelle (Extrême-)Droite » mettent l’attelage avec les sociaux-démocrates en difficulté après seulement quatre mois de gouvernement commun. Il serait inédit qu’une GroKo éclate avant terme, mais c’est devenu une possibilité. Pas de gouvernement avec un parti perméable au néofascisme ! Sortie immédiate du SPD de la GroKo ! Gouvernement SPD – Die Linke – Verts (Rot-rot-grün) !

(1) Un festival « culturel » de la droite extrême « enracinée ». Photo illustrant cet article.

RV, le 05/08/2025, mise à jour du 06/08/2025.