Trump en situation d’échec, disions-nous : devant la résistance sociale qui monte aux Etats-Unis, en raison de l’opération militaire spéciale ukrainienne montée et réussie dans son dos en Russie, des reculades en désordre auxquelles il été contraint sur les « tarifs », et donc, pour couronner le tout, de la crise du dispositif initial de pouvoir qu’il avait instauré, dans lequel l’homme le plus riche du monde, le fou dangereux Elon Musk, avait une place clef.

La crise entre eux, secret de Polichinelle depuis un moment, a éclaté violemment le 1° juin dernier, montant directement au maximum côté Musk, qui a dans la même après-midi accusé Trump d’avoir été un client d’Epstein (post supprimé depuis, mais qui veut dire que Trump lui payait des mineures : dans un « Etat de droit » cela signifierait destitution d’un côté ou arrestation pour diffamation de l’autre !), appelé à sa destitution et annoncé son envie de monter son propre parti.

Le désaccord porte sur les « tarifs » prohibitifs, auxquels Musk est opposé, et sur le rythme de démantèlement de la fonction publique, qu’il estime être ralenti par les autres ministères (il l’est en fait surtout par la résistance sociale). DOGE, l’officine de destruction, n’est pas du tout supprimée, mais confiée à un successeur non célèbre mais aux objectifs sociaux semblables, conformes au Project 2025, le christian nationalist Russel Vaught, et la Cour suprême a autorisé précisément maintenant DOGE a avoir accès aux données personnelles des gens, ce que Musk avait fait sans limites ni autorisation.

Cette explosion du dispositif initial de gouvernement autoritaire en triumvirat, avec le vice-président J.D. Vance en embuscade, a affaibli brutalement Trump dont la destitution a été évoquée, a voix haute par Musk et à voix basse par … tout le monde, outre les manifestants qui en ont fait leur objectif.

Car cette crise au sommet s’est déroulée alors que prenait son envol une nouvelle vague de manifestations généralisées dans le pays, inaugurée par les marches des vétérans dès le 2 juin.

C’est dans ce climat que sont arrivées les nouvelles de Los Angeles dont nous faisions état hier : une provocation délibérée des ICE venus embarquer, sur un lieu d’embauche de journaliers, des migrants à Los Angeles – « migrants » est un terme discutable pour désigner ici des gens qui sont là depuis des années ou y ont toujours habité, qui sont indispensable comme travailleurs sous-payés à l’économie capitaliste, et qui ne sont pas régularisés car les services ont des quotas contre les personnes d’origine centre-américaine notamment, c’est-à-dire en fait amérindiennes – a suscité une vague de manifestation. De manière tout aussi délibérée, un dirigeant syndical, David Huerta, secrétaire du SEIU de Californie (des millions de syndiqués) a été brutalisé, blessé et embarqué – il n’est pas libéré à cette heure.

La population s’est massée contre le centre d’enfermement des « migrants » et a commencé à affronter les forces des ICE. La police de LA a refusé d’intervenir puis la maire, Karen Bass, a décidé de s’opposer à toute aide de la police de la ville auprès d’ICE. Le gouverneur élu de Californie, Gavin Newsom, a pris la même position.

Trump a alors violé la constitution en ordonnant l’intervention de la Garde nationale, alors que, déjà, des troupes spéciales du FBI entraient dans les quartiers latinos de LA avec des véhicules du même type que ceux des paramilitaires colons en Cisjordanie, ou du régime bélarusse, sous les huées de la rue, et qu’un hélicoptère Blackhawk apportait ostensiblement des munitions aux troupes spéciales du FBI. Au même moment, le « tsar des frontières » Tom Homan a menacé Gavin Newsom d’arrestation, et, surtout, le ministre suprématiste et taré de l’armée, Pete Hegseth, faisait savoir que les marines de la base de Camp Pendleton, près de LA, ont été mis sur le pied de guerre, prêts, donc, à attaquer la ville. En outre, G. Newsom venait de déclarer que la Californie allait bloquer la centralisation du produit des impôts à l’Etat fédéral, en réplique à une déclaration de Trump disant refuser toute aide fédérale à cet Etat, rappelons-le plus important que la France en termes de PIB …

On peut dire que Trump a déclaré la guerre à la Californie. La confrontation que ses hommes préparaient à Chicago pour le lendemain de son investiture, à laquelle ils ont renoncé en raison de la résistance, notamment syndicale, qui s’organisait, a été déclenchée ici, par une série de provocations. Il est difficile de dire si la décision en était prise au sommet avant la crise avec Musk, ou si elle l’a suivie de manière chaotique (à San Diego, quelques jours auparavant, la foule avait mis en échec les nervis de l’ICE). Mais c’est l’épreuve de force qui s’engage. Trump affaibli entend rebondir et qu’on ne parle plus de sa destitution : il lui faut son incendie du Reichstag, ou sa fusillade de Bologne du 21 novembre 1920.

La provocation de Los Angeles se sert du légalisme de la maire, du gouverneur et en général des démocrates ainsi que des dirigeants syndicaux, mairie et Etat affirmant qu’ils sont à même de « maintenir l’ordre ». Mais ils ajoutent, cela à juste titre, que le désordre et le chaos sont apportés par les forces fédérales. Par conséquent, la question a affronter concrètement à LA, premier champ d’une bataille de ce type à cette échelle, est celle de l’autodéfense de masse, du blocage physique des forces de la Garde nationale, du FBI et de l’ICE, éventuellement de l’armée en interpellant les soldats, la question des armes se posant évidemment, mais elle est surtout une question d’organisation car les armes circulent amplement. Il s’agit de contenir la provocation, par la force calme, et en libérant les « migrants » et les syndicalistes arrêtés. Il s’agit d’imposer le calme, mais par la force de la majorité s’opposant à celle des agents armés du trumpisme. Karen Bass, maire de LA, déclare que la Garde nationale n’est « pas la bienvenue » : fort bien, il faut agir en conséquence.

En même temps, outre les manifestations des vétérans et avec les Gay Pride, les manifestations lancées par les mouvements de base comme le réseau 50501 (« 50 manifs dans 50 Etats = un seul et même mouvement ») visent à aller crescendo jusqu’au 14 juin, anniversaire de Trump où il dit vouloir un défilé en son honneur.

Les questions politiques ne se posent jamais dans un ordre académique. Par le biais de la violence d’Etat et des viols de la constitution, la question du pouvoir est posée aux Etats-Unis et elle n’attend évidemment pas qu’un « parti ouvrier » clair et net ait été formé, au contraire toute force claire et nette ne peut se construire que dans l’affrontement qui vient.

Nous affirmons notre totale solidarité, notre disponibilité à aider les camarades américains et échanger avec elles et eux, et nous notons que la question d’une politique démocratique et militaire, ou si l’on préfère « milicienne », du prolétariat, arrive ici aussi, marque du moment contemporain.

Solidarité avec les gens ordinaires, les militants et les organisations qui affrontent l’ICE !

Libération immédiate de David Huerta !

Stop aux raids racistes de l’ICE !

Dissolution de l’ICE !

Solidarité avec les forces montantes qui veulent mettre Trump à la porte sans attendre !

Hartford, Connecticut, au dessus d’une autoroute, affiche du mouvement 50501.