Après l’entrée en mouvement des larges masses aux États-Unis, ce dimanche 6 avril était attendu en France en raison des différents rassemblements politiques appelés par le RN, par LFI, les Écologistes et une partie de la gauche, et par le parti ci-devant macronien Renaissance.
Quand on veut analyser une situation pour donner des éléments aux militants ouvriers afin qu’ils combattent efficacement, il ne faut pas se payer de mots. Il faut donc dire clairement que la force victorieuse de cette journée du 6 avril en France est … Renaissance, et que la force qui s’est le plus affaiblie est la gauche, qui est en même temps la responsable première de l’ensemble de ces résultats.
Le RN a eu la primeur des chaînes de télé en continu alors qu’il n’a rassemblé que quelques milliers de personnes, certainement pas les 15 000 – chiffre déjà faible en soi – qu’il a revendiqués. La réalité est qu’il n’est pas arrivé à mobiliser, et que les éléments de division en son sein sur la tactique et sur les présidentiables sont déjà perceptibles.
Le RN prétend que la décision de justice le concernant résulte des pressions du pouvoir, mais c’est exactement l’inverse en vérité : il comptait sur des pressions du pouvoir conduisant à une décision laxiste, et, entre Macron, Bayrou et Ferrand, il y avait probablement eu quelques assurances en ce sens. Inutile de faire une apologie déplacée de l’institution judiciaire dans l’État capitaliste pour se féliciter de ce que l’indépendance des juges, dont il est vrai qu’au regard des textes et des faits ils n’avaient guère le choix, a joué dans le sens de la démocratie et du droit. En outre, l’offensive de Trump contre les puissances européennes, Trump, Poutine et Musk appuyant ostensiblement Mme Le Pen et le RN, ne jouait pas en faveur du favoritisme d’État envers Le Pen.
Cette situation pouvait et aurait dû être saisie positivement, comme l’occasion de se remettre à l’offensive, par l’ensemble des forces qui, en constituant le 10 juin 2024 le Nouveau Front Populaire, avaient empêché alors la formation d’un exécutif Macron/Bardella. La division l’a empêché et il nous faut analyser de quelle manière.
Les larges masses, les mêmes qui ont bloqué par leur mobilisation et leur vote la formation de l’exécutif Macron/Bardella, puis les mêmes qui ont réalisé, notamment dans l’enseignement public, la grève très politique du 5 décembre dernier, sont aujourd’hui préoccupés et se sentent directement concernées par le danger Trump/Poutine. Elles veulent la paix et haïssent les gangsters victorieux, elles saisissent que le danger d’agression armée, d’agression fasciste et de casse sociale sont là, sur deux fronts, celui de Trump et celui de Poutine.
Elles ont besoin d’un langage clair et net : battons l’Axe fasciste Trump/Poutine, et pour cela imposons un gouvernement démocratique et légitime contre l’exécutif Macron/Bayrou/Retailleau de la V° République, qui hausse les salaires, abroge la réforme des retraites, stoppe la casse des services publics, arme immédiatement l’Ukraine, et engage le vrai combat climatique. Sur une perspective claire elles agiront, sans aucun doute.
Le rassemblement à République était appelé par LFI et les Écologistes sur la base du discours « antifa » habituel, n’intégrant en rien la dimension internationale que perçoivent les larges masses et qui devrait fournir une arme puissante anti-RN, ce parti de l’abaissement national et de la perte de souveraineté sous l’égide de Trump et Poutine. Non, camarades, vous ne faites pas reculer le fascisme en scandant « siamo tutti antifascisti » avec des keffiehs, il faut pour cela dénoncer le RN pour ce qu’il est, affronter l’Axe Trump/Poutine, appeler à armer l’Ukraine et à désarmer Netanyahou maintenant. Faute de cela, vous vous faites plaisir, et encore …
Les ambiguïtés populo-bonapartistes de Mélenchon s’opposant en fait à ce que la justice s’exerce dans le cas Le Pen ont donné, en outre, au PS le prétexte pour ne pas se joindre à ce rassemblement, le PCF hors JC se tenant lui aussi à l’écart. Au grand maximum, il y a eu 3000 participants et le fait le plus marquant a été la scandaleuse division orchestrée par les petits chefs de LFI, tentant de faire huer le député Alexis Corbière au moment précis où il appelait à l’unité antifasciste réelle dans tout le pays.
Ce sont là les raisons pour lesquelles Gabriel Attal émerge en vainqueur de cette journée, et pas par ses forces propres. Devant environ 4000 personnes, il s’est arrogé le privilège d’être celui qui, aujourd’hui, a médiatiquement accusé Mme Le Pen d’être « la groupie du trumpisme », tout en faisant l’apologie de son réactionnaire « choc des savoirs » à l’école dont il se garde bien de rappeler qu’en son temps, le RN l’avait applaudi !
Attal a même repris la formule « l’Internationale réactionnaire de Trump », formule qui, dans l’appel de la CGT au 1° mai, a remplacé l’expression beaucoup plus affûtée, précise, juste et combative d’ « Internationale fasciste Trump/Musk/Poutine/Netanyahou » employée par Sophie Binet devant le congrès de la FSU et reprise encore dans la déclaration de la CGT sur la situation internationale du 10 mars dernier …
C’est ainsi que, par la grâce des dirigeants de la gauche, et notamment de LFI et des forces qui, dans la CGT, la CGT-FO et la FSU, cherchent à ce que l’axe fasciste Trump/Poutine ne soit pas désigné comme tel, Gabriel Attal, ci-devant premier ministre de Macron, a pu affecter de jouer le rempart contre la réaction !
Pas plus que Macron, un Attal ne sera le rempart, lui dont le choc des savoirs a pavé la route au RN, et dont les objectifs sociaux, en cassant les services publics et en abaissant les salaires réels, ne peuvent qu’affaiblir toute résistance à l’Axe Trump/Poutine.
Seules les forces sociales de la jeunesse et du prolétariat, des femmes et des opprimés, qui ont barré la route au RN et à l’exécutif Macron/Bardella l’an dernier, peuvent porter en France le combat des manifestants américains du 5 avril et de la résistance armée du peuple ukrainien. C’est à elles qu’il appartient nécessairement de jouer ce rôle historique.
Pour cela, la bataille de la clarification politique est nécessaire : désigner l’ennemi international, affronter l’ennemi national constitué de Macron et de la V° République dans le même combat. C’est le rôle de cette bataille que de reconstituer et d’imposer l’unité. L’unité ne se fait pas sur le vide mais sur les besoins réels, faute de quoi le vide voit le gonflement de toutes les baudruches bourgeoises façon Attal. C’est là la bataille que porte Aplutsoc en tant que centre politique d’analyses, de propositions et d’actions. Prochain moment : les rassemblements pour « l’État de droit » appelés notamment par la CGT et la FSU samedi prochain.
Le 06/034/2025.
Aucun retour sur la manif du samedi 5 avril à Paris de Soutien à l’Ukraine (l’info avait été relayé par aplutsoc) ? Perso, je n’ai pas pu m’y rendre. Aucun organe ou media, après un balayage google rapide, n’en a fait état ? On serait curieux de savoir ce qui s’y est dit, fait… ?
J’aimeJ’aime
La demande de Rémy est légitime et nous devons y répondre. En signalant au passage que depuis samedi, nous avons une discussion intense au sein du comité de rédaction sur le bilan de ces manifestations.
J’aimeJ’aime