A la lecture de l’ouvrage de François Bazin, Le parrain rouge. Pierre Lambert, les vies secrètes d’un révolutionnaire, les cheveux de notre camarade Vincent Présumey se sont dressés avec la découverte des faiblesses mais, pire encore, celle des intentions politiques masquées de cet ouvrage.
Ceci a conduit à la rédaction d’un texte de commentaires critiques d’une longueur de 36 pages dont nous donnons ci-dessous le sommaire et en guise d’apéritif le dernier chapitre, espérant susciter la curiosité des lecteurs.
Sommaire
- 1) Parrain ?
- 2) Lambert pas encore Lambert et la seconde guerre mondiale.
- 3) Question de méthode : l’histoire d’un courant trotskyste est toujours internationale.
- La crise fondatrice.
- Le franco-français par et dans l’international.
- Le fond du problème.
- Le cadre international : les débuts.
- De 1968 à la mère de toutes les purges.
- Pliouchtch et Soljenitsyne.
- « Entrisme » international tous azimuts ?!
- La réunification et le dépassement avortés de 1979-1981.
- Vers la « reproclamation ».
- 4) Le parcours lambertiste selon Bazin, et sa dimension réelle.
- La Maman.
- « La classe. »
- Le syndicat.
- Maman/Classe/Syndicat : et le Parti ?
- 1952-1958.
- 1958-1959.
- Sixties et anti-modernisme.
- 1968-1969.
- Les années 1970 et la question du PS.
- La régression : au plan national.
- La régression : au plan international.
- Dernières années avant le gel.
- 5) Deux mises au point.
- A propos de l’unique référence me concernant.
- A propos des « Mémoires inédits » de Pierre Broué.
- 6) Héritiers et épigones.
- 7) On ne peut faire l’impasse sur l’héritage.
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On ne peut faire l’impasse sur l’héritage.
Qu’un livre parlant de la vie de Lambert prenne fin à sa mort parait normal. Mais nous avons vu dans cet article ses impasses sur sa vie : tout l’aspect international, l’arrière-plan historique du trotskysme et du syndicalisme en France, et, impasse stratégique à relier au moment où paraît ce livre, silence sur la dimension principale du « courant » (guillemets nécessaires) Cambadélis.
En outre, une biographie politique doit, de toute façon, s’interroger, serait-ce en conclusion, sur l’héritage laissé. Et c’est là que se dessine une autre impasse, complétant l’impasse Cambadélis : l’impasse Mélenchon.
Non pas que le « cas » Mélenchon, celui des années 1970, ne soit pas mentionné. L’auteur en dit ce que l’on en sait déjà : qu’il ne s’agit pas d’un « sous-marin », mais d’un militant qui a commencé par l’OCI et en a été marqué.
Mais au-delà de ça, la question de l’héritage devrait revenir en force, puisque l’actuel POI (Parti Ouvrier Indépendant) est la garde prétorienne de Mélenchon aujourd’hui, sur une orientation qui aurait peut-être bien surpris voire révolté Lambert. On ne peut faire parler les morts, mais Lambert vivant a pris la défense des conseils ouvriers hongrois de 1956, du Printemps de Prague de 1968 et de Solidarnosc en 1981. Le POI dans LFI, outre un rôle croissant de police politique, veille sur la politique internationale : sacralisation de « Gaza » et soutien au « cessez-le-feu » immédiat à la Poutine en Ukraine.
L’autre rameau issu de ce qui restait de l’ancienne OCI, le POID (Parti Ouvrier Indépendant Démocratique) devenu PT (Parti des Travailleurs) de Daniel Gluckstein, a une orientation campiste identique au plan international. Une bonne partie du boulot stalinien est aujourd’hui fait par eux …
Le précédent livre de Mauduit et Sieffert, qui ne prétend pas être une biographie ni un livre d’histoire faisant le point sur le lambertisme, avait tout du moins soulevé le double lièvre de l’héritable « cambadélicieux » et de l’héritage « mélenchonien » concentré dans le mariage Mélenchon/POI, et, dans les deux cas, avait soulevé la question des méthodes antidémocratiques, que nous retrouvons, très progressivement mais parfois de manière affolante (« affaire Varga ») chez Lambert.
Le problème politique que pose le Lambert de Bazin, c’est qu’il ne brûle pas, et ne peut donc en aucun cas être un dernier mot. Car la question du lambertisme reste brûlante par ce qu’elle porte.
D’une part, et c’est cela qui motive l’auteur de ces lignes et ses camarades, elle porte le besoin d’une organisation internationale pour éviter le cataclysme global qui a commencé.
Et, d’autre part, elle porte, en France, la question de fonction politique simultanée de l’aile la plus droitière du PS et de l’aile la plus sectaire de LFI, dans une résonance symétrique entre les deux, qui renvoie ironiquement à une racine commune, et qui, avec des orientations apparemment inverses, veulent l’une et l’autre la peau de l’unité contre Macron, Barnier et Le Pen, et de l’unité pour la démocratie contre la V° République.
Vincent Présumey, le 26/10/2024.
Pas d’accord Vincent ! Sauf erreur de ma part le terme parrain, même si était utilisé par un petit cercle, apparaît bien dans la correspondance de Pierre Broué après son exclusion (fonds Broué déposé à Nanterre).
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Pas d’accord avec quoi ? Que ce terme apparaisse dans une correspondance n’est pas la même chose qu’en faire le titre d’un livre « grand public ». En outre, lis moi bien, je n’écris pas que Lambert n’avait rien d’un parrain, c’est juste un peu plus compliqué. VP.
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Des éléments historiographiques et d’analyse sociologique (sociologie des organisations, des appareils) d’un intérêt indéniable, qui apportent d’utiles rectifications aux raccourcis, à peu-près et francs contre-sens de la littérature journalistique (où l’on connaitra plus de la psyche politique de l’auteur que du sujet-thème abordé). En restant cependant dans un cadre si restreint, on risque néanmoins, dans ces chroniques, de nourrir un certain « pessimisme anthropologique. Il faut le parti, mais le parti est, sera mais a toujours déjà été, irrémédiablement corrompu… vieille rengaine. Ce sont les pires voyous qui s’imposèrent déjà au parti bolchevik une fois au pouvoir ! Nos bolcheviks contemporains avaient simplement « grillés les étapes », en s’évitant les désagréments et aléas de la case révolution. Misère du bolchévisme.
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Merci aussi pour la recension qui évite d’acheter et de lire des ouvrages inutiles. Il faut saluer votre très grande honnêteté et rigueur intellectuelle. C’est l’un des marqueurs de l' »Invention démocratique ».
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Avec Denis Forman, on a un indice que les services secrets militaires étaient dans le coup ! Le big business (Total & so on) deale directement avec les barbouzerie militaire des services spéciaux, qu’il recrute en masse: il y a la gestion des fonds secrets sur toutes les grandes transactions de dimension « inter-étatique », spécifiquement dans les affaires militaires et énergétiques (au sens large de l’extraction minière), qui nourrit les appareils politiques et médiatiques. C’est une cellule « élyséenne » barbouze, non politique, qui pilotait cette « bande de voyous dorés ».
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… J’ajouterai qu’il n’y a que des militaires pour oser des trucs pareils…(noyauter un groupe trotskyste !)
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Quelques semaines avant la parution de ce « Parrain Rouge », paraissait sous le titre.. « Le prophète rouge », une autre et passionnante étude consacrée par une sociologue au leader parfaitement inconnu cette fois d’un tout petit groupe maoïste et aux phénomènes exemplaires de sujétion « charismatique » qui s’y déployaient, d’autant plus frappants justement qu’il s’agissait d’une si minuscule formation se réclamant de la révolution…
Bien sûr ni le livre de F. Bazin ni la recension critique qu’en fait ici Vincent Présumey ne s’attache aux phénomènes peut-être analogues que le courant lambertiste a pu présenter selon de nombreux observateurs, tant de l’intérieur que vu du dehors et malgré les années-lumière le séparant sur le plan historique, théorique et pratique de la petite formation maoïste : il reste cependant peut-être à examiner aussi son histoire et ses impasses à nouveaux frais à partir de la problématique dégagée par la sociologue et largement inspirée par les travaux princeps du père de la Sociologie allemande Max Weber sur « la domination charismatique » (Cf. en particulier, in « La domination », à « La découverte » poche).
https://www.lesinrocks.com/livres/le-prophete-rouge-de-julie-pagis-un-grand-livre-dhistoire-sociale-et-politique-sur-la-manipulation-627826-30-08-2024/
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En remerciant Olivier Delbeke pour avoir attiré notre attention sur cette parution, lien ci-dessous avec un ouvrage récent consacré à la grandeur et à la chute du redoutable leader trotskiste britannique GERRY HEALY, grand allié de P. Lambert au tournant des années 70 dans le CORQI et véritable satrape charismatique…
https://coloneldespard.wordpress.com/2024/11/03/gerry-healy-and-his-downfall/
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Traduction personnelle d’un petit passage de la présentation, en lien, du livre par Aidan Beatty:
« Ce qui a rendu cette «idéologie» si puissante c’est qu’elle a été une idéologie partagée, basée sur le mythe selon lequel la révolution russe aurait été conduite par un Parti bolchévique construit par un seul homme, Lénine. Les écrits de Trotsky ont développé ce mythe et un document de fondation de l’Internationale fondée par lui réduit la crise de l’Humanité à « la crise de la direction révolutionnaire ». Le culte du leader comme seule source de toute politique fiable fut intensifié et culminant à l’intérieur du mouvement trotskyste britannique en périodes d’isolement et de combat fractionnel dans et autour du Parti travailliste . Un « permanent », Dave Bruce, a souligné comment Healy eut des partisans « facilitateurs » qui contribuèrent à la mise en place de ce régime interne au parti: « Healy fut presque plus «un produit » de ses collègues qu’eux-même ne furent le sien. «
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Erratum : Dans mon commentaire au-dessus, j’indique par erreur que c’est dans le CORQI que G. Healy fut le partenaire et allié de P. Lambert au tournant des années 70 : non, c’était dans le « Comité International pour la Reconstruction de la Quatrième Internationale »- qui a précédé le CORQI.
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