Comme nous le rappelons dans notre tract, les députés NFP, et en particulier Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, qui avait proclamé avoir déposé une loi abrogeant la réforme des retraites dès le 23 juillet, ont en fait laissé libre cette fenêtre de tir, que le RN a occupé en déposant sa proposition de loi le 18 septembre.

C’est le 15 octobre que Hugo Bernalicis et Anaïs Belaoussa-Cherifi ont déposé pour le groupe LFI une proposition de loi en ce sens. 85 JOURS : c’est donc le temps qu’il aura fallu depuis l’annonce faite le 23 juillet !

Cette proposition de loi comporte un article 1 revenant à 62 ans comme âge de départ et à 42 annuités (ce qui est bien un minimum !!!). Remarquons qu’il manque le troisième point clef de la loi Macron qui n’est donc pas ici abrogée toute entière : la mise en extinction de ces conquêtes sociales qu’étaient les régimes dits spéciaux (RATP, Industries électriques et gazières, Banque de France …). Or, la loi Macron a complété l’attaque déjà menée contre le régime des cheminots et prépare, du point de vue de ses auteurs, l’étape suivante : la destruction du Code des pensions des fonctionnaires. Ce point n’est donc nullement négligeable : certes, les 64 ans et les 43 annuités sont deux points fondamentaux, mais c’est donc si difficile d’abroger REELLEMENT TOUTE la loi ???

Sur ce plan, la proposition de loi du 15 octobre est identique … à celle du RN. De même, elle introduit, dans son article 2 sur les recettes censées compenser l’abrogation d’une partie de la loi, une majoration de l’accise sur les tabacs. Puis, dans son article 3 et dernier, elle introduit une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des compagnies pétrolières et gazières, là où le RN proposait de taxer certains flux financiers. Les retraites et pensions étant un salaire, ne fallait il pas, plutôt que de fiscaliser un peu plus retraites et Sécu, augmenter les salaires, c’est-à-dire en l’occurrence le salaire socialisé indument appelé « charges » ?

Il est quand même consternant de voir que ces députés LFI n’auront pas fait mieux que le RN, et l’auront fait avec presque un mois de retard sur lui alors qu’ils avaient annoncé que c’était fait dès juillet !

En Commission des Affaires sociales, les amendements au PLFSS émanant du NFP (LFI et PS) ont précisément été repoussés par le RN, LR et les ci-devant macroniens réunis, ainsi que par LIOT, précisément parce qu’ils comportent, eux, mention de hausses de certaines cotisations sociales, qui sont, répétons le, du salaire – comme l’a rappelé à juste titre Danielle Simonnet, députée de l’Après membre du groupe écologiste, sur BFM-TV ce matin.

Abrogation de la réforme des retraites, hausse des salaires et défense des services publics sont bien les trois points qui dressent une barrière, une barrière sociale, une barrière de classe, entre TOUS les partis capitalistes et les aspirations populaires que seul un gouvernement NFP pourrait porter comme son mandat.

Ce matin, l’ensemble des partis du NFP dénonce l’hypocrisie du RN et son imposture « sociale ». Certes. Mais alors, comment concilier cette juste dénonciation avec les affirmations suivantes :

« En votant cette loi, notre camp ne perd rien. Au contraire il obtient le retrait d’une réforme qu’il a été le premier et le plus déterminé à combattre. » (appel aux députés NFP pour qu’ils votent avec le RN le 31 octobre, signé par Frédéric Lordon, Annie Ernaux, Stathis Kouvélakis, Houria Bouteldja, Sandra Lucbert, Michèle Sibony, Jean-Marc Schiappa, Bernard Friot, Cédric Durand, Simon Assoun, Eyak Sivan, Julien Théry, René Monzat).

« Ce texte doit être appréhendé pour ce qu’il est, c’est-à-dire un moyen immédiat de mettre fin à cette réforme inique … » -Léon Deffontaines (tête de liste PCF aux Européennes) dans une tribune parue hier.

N’est-il pas surprenant d’affirmer en même temps que le RN n’est pas crédible sur ce sujet mais que sa loi permet d' »obtenir le retrait » (premier texte cité : annonce-t-il le vote de LFI ?) ou serait « un moyen immédiat » de l’obtenir (second texte cité : annonce-t-il le vote du PCF ?).

Ce faisant, les auteurs LFI et PCF de ces affirmations contredisent totalement les explications données depuis des semaines par Eric Coquerel, président LFI de la Commission des Finances de l’Assemblée, et rappelées opportunément par Danielle Simonnet ce matin : à savoir que le vote de la proposition de loi RN ne conduit nullement à l’abrogation, car elle ne passera pas le Sénat.

Cela dit, toute autre proposition de loi abrogative émanant du NFP, si elle a plus de chance d’être discutée au Sénat, n’en a guère plus d’y survivre.

On en revient donc invariablement à une seule et même conclusion, celle de notre tract : à la manœuvre du RN, répondons par la mobilisation, nous pouvons gagner, mais à cette condition !

Cependant, la mobilisation a besoin de clarté. Et les positions exprimées par les représentants LFI et PCF dans les deux tribunes citées répandent la confusion, en faisant croire que le RN nous fournit un point d’appui pour l’abrogation. Quoi qu’ils disent par ailleurs sur son hypocrisie, sa non crédibilité, etc., ceci pose problème. Car la mobilisation se fera contre Barnier, contre Macron, contre Le Pen, contre la V° République. Il ne saurait y avoir de « plébiscite brun » (1) avec le RN : espérons que nous n’aurons pas trop à revenir là-dessus !

Le 22/10/24.

(1) référendum de dissolution du parlement social-démocrate de Prusse en 1931 : nazis et parti stalinien, entrainant les militants communistes, ont soutenu la dissolution, les premiers appelant cela le « plébiscite brun », les seconds le « plébiscite rouge ». Le plébiscite fut donc rouge-brun, élargissant la route pour Hitler.